Sick, vie et mort de Bob Flanagan

Condamné à mourir à 20 ans à cause de sa mucoviscidose, Flanagan meurt à 43 ans en janvier 1996. Sa volonté extraordinaire a réussi à retarder la maladie pendant un long moment, jusqu’à l’inéluctable. Il avait un courage certain pour s’infliger de multiples sevices corporels : gravure, piercing de partout même là où ça fait mal, déformation et modification de la peau en tous genres… On l’appelait d’ailleurs le super-masochiste, car il est allé explorer les limites de ce domaine.

Tout ce que fait Flanagan possède un fond, un sens. Son “oeuvre” n’est pas gratuite même si elle est au premier abord difficile d’accès. Chose relativement tabou, l’auteur se servait de son propre corps comme moyen d’expression.  Son corps nu devenait alors une oeuvre d’art, et il se devait de l’exhiber au public, comme pour une exposition de peinture. De cette façon, il transforme instantanément le spectateur en voyeur, ce qui est parfois désagréable.

Parmi ses différentes créations, The Wall of Pain est un mur co1mposé d’une centaine de photographies.
L’homme visible est un homme “modèle réduit” et transparent qui éjacule, défèque et crache des glaires avec des produits maison mélangés par Flanagan. Pas forcément de très bon goût! Bob a aussi fait une oeuvre étrange, une espèce de squelette composé de 5 téléviseurs où sont filmées chaque partie du corps de Flanagan. Chaque membre reçoit bien sûr de nombreux châtiments. Il a écrit également de nombreux textes, des réflexions et des rapports sur ses expériences diverses avec la douleur ainsi que des poêmes. Il a même participé à Happiness in Slavery, un clip de Nine Inch Nails où il se fait torturer par une étrange machine.
En écoutant les propos de Flanagan, on se rend compte qu’il ne fait pas ça pour le sensationnel. C’est un explorateur qui cherche une explication à de grandes questions sur la douleur et la mort. Sa maladie n’est pas la seule raison qui le pousse à créer. Elle fait partie d’un tout incluant ses fantasmes, son enfance, son goût pour la vie.

Sick, le documentaire qui lui est consacré, nous offre “le grand huit” du SM, dénonce quelques idées reçues (le soumis est un faible) et inclut quelques extraits des plus grands numéros du supermasochiste. Même si le réalisateur Kirby nous inflige de dures scènes de SM, on comprend aisément les actions de Flanagan. Le clou du spectacle, si je puis dire, montrer Flanagan se clouer le pénis en gros plan sur une planche. Il ne semble pas souffrir, ça ne saigne même pas. Mais lorsqu’il retire le clou, c’est l’inondation sanguine jusque sur l’objectif de la caméra.

Flanagan soigne le mal par le mal et de ce fait, il déborde d’énergie et d’émotion. Le film ne cherche pas à nous apitoyer sur son sort, l’homme n’en avait pas besoin. Malgré sa maladie qui lui occasionnait de sévères toux ou qui le bloque à l’hôpital, il continuait à croire en la vie et à sa démarche jusqu’à la fin.

On remarque dans le documentaire, l’importance de son amie et maîtresse Sheree avec qui il noue une relation des plus profondes. Il fait le voeu au début de lui être totalement soumis, il lui offre son corps, totalement sans conditions. On ne saurait faire plus belle déclaration d’amour! Dans le film, on voit deux abréviations qui résument totalement le personnage : CF (cystic fibrosis, la mucoviscidose) et SM (sado-masochiste). La fin du film est un peu malsaine car on assiste quasiment en direct à la mort de Flanagan. Pourtant, l’homme qui a passé sa vie a exhiber son corps n’a plus rien à cacher. Même les photos de son cadavre prises par Sheree semblent être, encore et toujours, des oeuvres d’art.

1 commentaires sur “Sick, vie et mort de Bob Flanagan”
  1. Critique d’art, passionnée par l’art corporel et ses enjeux, j’ai été interpellée par le parcours de
    Bob F.

    Je suis en train de terminer un texte sur ce même parcours avec le souci d’apprivoiser au mieux son oeuvre dans toute sa singularité.

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