Burke Roberts

Insult to Injury

Année : 2005
Durée : 22’ (festival cut) / 58’ (director’s cut)

Le film est une réflexion sur le fanatisme. Il s’agit d’une oeuvre très dense qui contient plus niveaux de lectures. Les deux montages du film sont deux versions très différentes et chacune ne délivre pas le même message. Il vaut mieux voir le montage “festival” avant celui du réalisateur.

Dans la version courte, Job, un homme blanc est gravement blessé au pied alors qu’il saute dans un train en marche. Percival, le seul homme qui partage son wagon, se révèle être un médecin noir. Job refuse de se faire soigner par le docteur. Une discussion s’en suit, à propos de la nécéssité d’être soigné et les motivations pour préférer mourir.

On pense d’abord à un film sur le racisme mais cela va bien plus loin. Job est bien sûr raciste mais il montre aussi que Percival, le médecin, est aussi atteint d’une forme de fanatisme ou d’extrémisme à vouloir absolument sauver la vie des gens, même ceux qui s’y refusent. Les deux hommes sont donc coincés dans ce train et se disputent pour savoir qui a raison. Burke Roberts met en opposition l’extérieur du train, les superbes et grandioses paysages baignant dans des couleurs contrastées. Tant d’espace rend absurde les problèmes des deux hommes pour vivre ensemble.

Les 46 minutes supplémentaires du director’s cut sont en fait nécessaires pour comprendre tout le film. Ce sont des scènes qui nous montrent les deux personnages avant qu’ils ne se rencontrent. C’est là qu’on se rend compte que nos idées toute faites à propos des personnages sont en train de changer. Percival et Job sont mis dans un contexte différent et chacun semble être bon et juste dans leur propre univers. On y voit Job le raciste donner à manger à des enfants affamés. Percival quant à lui a des problèmes avec son entourage car c’est un idéaliste.

Le film se situe dans les années 30. Les blancs et les noirs vivent ensemble mais se craignent. Mais le film a une résonance actuelle. Percival représente les soi-disant pays industrialisés qui essaient de persuader les autres pays de vivre comme eux. C’est une métaphore sur la situation au Moyen-Orient et sur les conflits en général, qui se basent principalement sur des concepts très abstraits. L’objectif du film est de poser des questions mais pas d’y répondre. Parfois il vaut mieux ne pas imposer de solution et laisser le spectateur chercher sa réponse dans les vastes plaines, où ces questions n’ont aucun sens…

Le director’s cut dure 58 mn et la version commerciale seulement 22 mn?
Oui, le montage de 58 mn est le meilleur. Mais il n’y a pas vraiment de créneau pour une telle oeuvre. Ce n’est ni un court ni un long-métrage. Je n’ai pas eu le temps d’avoir des sous-titres sur la version longue.

Les deux montages sont très différents. Il s’agit presque d’une histoire différente!
En effet ! L’intrigue secondaire est beaucoup plus développée. Et en prenant connaissance de ces détails, les personnages changent du tout au tout. Ils sont plus humains.

Vous pensiez que le public français trouverait cela un peu soft ?
Oui car j’ai vu des films français très durs. En fait, je me suis inspiré de ma jeunesse en Europe. Je ne me suis jamais considéré comme un artiste américain. Je me vois plutôt comme un… artiste tout court. Les gens me posent souvent la question en Europe, de ce que ça fait d’être Américain. Je me suis donc posé la question de ce que ça signifiait vraiment. Dans le film, tout est très orienté “américain”; c’est ma façon de faire un film anti-américain justement. Tout dépend de l’histoire et de la culture.
Le fait d’être prêt à mourir pour votre cause, vos croyances, quoi qu’il arrive, est une chose que les Occidentaux ne comprennent pas. Parce que pour les Occidentaux la vie est la chose la plus importante, la dernière chose qu’ils donneraient seraient leur vie. En Orient, c’est la première chose qu’ils abandonneront. L’homme noir représente les Américains, les occidentaux, le fanatisme, ce qui est résumé par la question : comment est-ce possible que vous ne vouliez pas mon aide ? Nous avons raison, vous avez tort. Nous vous forcerons à vous ranger de notre côté.

Pensez-vous que les Américains et les Européens s’identifieront à l’homme noir ?
Je ne crois pas. Peut-être les Européens un peu plus mais les Américains ne voudront jamais voir les choses sous cet angle. Ils préfèrent rester politiquement corrects, la tête dans le sable. C’est un élément si fondamental de leur histoire que tout le monde serait terrifié de le voir.

Le film ne parle pas de racisme. Il s’agit d’un élément mineur dans le film. Le sujet est plus le fanatisme. J’en ai profité pour explorer mes propres côtés fanatiques. Quand il s’agit de réaliser un film, j’aime tout contrôler jusqu’au moindre détail. On peut être fanatique dans de nombreuses circonstances. Gandhi était un fanatique, Hitler également. Quoiqu’il leur arrivait, ils étaient prêts à tout risquer pour leur cause.

Pensez-vous qu’il est préférable que chacun vive dans son coin ?
Non et c’est le sujet de Handicap City. Mais je n’amène pas de réponses. Je n’aime pas les films ou les livres qui ont des réponses. J’aime la conversation, l’analyse, l’exposé du problème et j’aime poser des questions complexes. Les gens ont souvent peur de cela. Ils aiment bien les réponses toute faites mais n’aiment pas découvrir par eux mêmes. Pourtant, nous avons tous nos propres vérités…

Il y a un fort contraste entre l’image dans le train et à l’extérieur du train.
Oui, c’était intentionnel. Le train est un endroit très désagréable. Pourtant, j’ai bien aimé filmé dans ces intérieurs, car il y a beaucoup de textures intéressantes. Le train est une métaphore de quelque chose qui circule dans des paysages magnifiques. Et les personnes à l’intérieur ne voient rien… Il faut voir cela comme un container qui rend claustrophobe et qui transporte tous les démons de la condition humaine, rien d’autre qu’une multitude de questions à l’intérieur d’une petite boîte. Une fois à l’extérieur, il n’y a plus besoin de se poser de questions. Le vaste espace extérieur rend toutes questions inutiles.

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