La Dernière Maison sur la gauche

Le lendemain du Crime

“Après Last House on the Left, nous étions tous deux considérés comme des hors-la-loi, mais vraiment, littéralement : il suffisait, au cours d’une réunion où l’on parlait de Last…, que l’on mentionne l’un ou l’autre de nos deux noms, et les gens de la profession se levaient immédiatement et s’en allaient, ou alors ils se mettaient très en colère” (Wes Craven – Mad Movies N°34, Janvier 1985)

Fred Lincoln : “Ma mère a accepté le porno mais elle ne m’a jamais pardonnée d’avoir fait ce film”
Wes Craven : “J’ai du attendre trente-deux ans pour sortir de ce genre”
David A. Hess : “On fait quoi après Krug ? On fait quoi ?”

Le film sort enfin le 30 août 1972.
Débutent alors le succès… et les problèmes.
Des files d’attente de deux-cent mètres s’alignent devant les cinémas qui le projettent. Mais à quel prix. Des gens s’attaquent à la cabine de projection, les exploitants censurent directement dans les bobines, la réaction du public sera parfois d’une violence rare. Wes Craven perd des amis et durant les quatre années suivantes sa carrière de cinéaste sera au point mort. David Hess met trois semaines pour se remettre du rôle de Krug. Par la suite, il fait fuir par sa seule présence les gens dans le métro de New York qui quittaient le wagon dès qu’ils le pouvaient. Il n’est pas le seul, les gens évitent les autres acteurs dans la rue.

Derrière les plaisanteries dans les commentaires du DVD, les anciens reviennent souvent sur l’avis que les gens ont eu de leur film. Un avis extrêmement négatif, bien sûr. Et l’on imagine bien à quel point les séquelles ont du être salées pour eux tous. Jeramie San nous raconte : “Le New York Times a écrit que j’étais l’incarnation de la violence.”. Elle fait ainsi part d’une anecdote très révélatrice. Une petite fille la détestait (par rapport au rôle de Sadie) et la mère de l’enfant lui explique que la dame est une actrice et qu’elle ne ressemble pas au personnage qu’elle joue, ce à quoi la petite rétorque que non, elle déteste bien la personne.

David Hess, en compagnie de Gianni Radice, rejouera – en sensiblement moins bien – Krug dans La Maison au fond du parc de Ruggero Deodato en 1980, film qui est un rip-off clinquant de Last House, et que Deodato considère, selon lui, comme bien supérieur à l’original. Il jouera dans La Créature du Marais de Wes Craven en 1985. Il continue toujours la musique et sortira son premier album commercial en vingt-cinq ans, Caught up in the Moment (2001) et un album live (2002).

La descendance s’appellera : Thriller – A cruel Picture / Crime à Froid (1973), Day of the Woman / I Spit on your Grave (1978), et bien d’autres. Des films en marge qui provoqueront l’ire de beaucoup, figurant comme l’un des courants les plus conspué et controversé du cinéma. La mauvaise graine est semée, et à leur façon, The Texas Chainsaw Massacre (1974) et The Exorcist (1973) prendront un style « documentaire » pour leur récit. Last House se verra interdit en Angleterre, Australie, Allemagne de l’Ouest, Islande, Norvège, Nouvelle-Zélande…

Dans le cinéma de fantastique et d’horreur, trois futurs noms importants vont se déclarer rien qu’avec ce film. Sean S. Cunnigham connaîtra le succès avec une variation très américaine de La Baie Sanglante de Mario Bava pour son Vendredi 13 en 1980. Le débrouillard Miner réalisera le troisième de la longue série initiée par son ami, puis mettra en scène le très sympathique House en 1985 et M.A.L. en 1988. De ce trio, c’est Craven qui allait véritablement faire une carrière illustre dans le genre. Il est assez frappant de voir que dans son grand succès Les Griffes de la Nuit (1984) l’icône de l’horreur, qu’il a ainsi créé, Krueger, a un nom très proche du monstre de son « film maudit ».

La donne changeait, le réalisme cru des années 70 laissait le pas à une horreur plus assimilable par le grand public dans les années 80, éloignée de la violence voulue réelle et choquante par les auteurs de Last House. En attendant, Craven & Cunningham supportèrent de façon néfaste durant de longues années encore l’aura du film. Ce qui ne fut pas arrangé par les succès de Vendredi 13 et La Colline a des yeux. Dans un Mad Movies du milieu des années quatre-vingt, Cunnigham déclara dans une interview avec Maitland McDonagh que l’état d’esprit à leur égard pouvait se résumer ainsi : « si vous voulez faire un film sale et dégoutant, faites appel à eux ». En substance, ils étaient considérés comme des dégénérés.

Peut-être qu’il vaut mieux s’effacer derrière les mots de celui qui est derrière l’œuvre pour comprendre le pourquoi de tels remous :
“Les films sont les rêves d’une culture, et les films d’horreurs sont les cauchemars de cette culture”
(Entretien avec Wes Craven – Les Cahiers du Cinéma n°491, mai 1995)

2 commentaires sur “La Dernière Maison sur la gauche”
  1. Curieusement, La dernière maison sur la gauche et en réalité un remake d’un beau film de Bergman, La source, très audacieux pour l’époque.

  2. Judicieuse remarque.
    Le fait me paraissait si évident que je l’ai omis.
    Le film de Bergman est lui-même tiré d’une légende séculaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.