Le Saint Bâtard

Entretien avec
Matthieu Giovanardi

Est-ce ton premier film ?
Le Saint Bâtard est mon premier vrai court. J’avais fait quelques petits films (jamais achevés) avec des amis auparavant, mais celui-ci est le premier où je disposais d’une équipe technique, d’un vrai scénario et d’une réelle volonté de mise en scène. J’ai mis du temps à m’y mettre car après mes études de cinéma, j’étais dans le cul entre deux chaises: “est ce que je m’auto-produis ou bien je fais en suivant le parcours classique “boite de production, CNC, etc…” ? Finalement, et en fait c’est très logique, faire ses armes avec ses propres moyens apprend énormément, plus que n’importe quelle école.

Quels problèmes as-tu rencontré lors du tournage ?
Le tournage a posé quelques problèmes vu son caractère “pirate”: tout a été tourné à l’arrache et en grande partie sur une voie d’urgence à deux cent mètres d’une caserne de secours avec des CRS qui passaient régulièrement à côté de nous.

Au niveau des lumières, on a dû se contenter du minimum syndical vu les tous petits moyens dont on disposait, d’où l’image granuleuse et rougeâtre des extérieurs que l’on doit aux lumières “naturelles” de la nuit. Mais au final, ça donne un côté amniotique aux images, que je ne regrette pas pour ce film. Dans la voiture, la source d’alimentation est… l’allume-cigare et deux néons branchés dessus. Le résultat est hallucinant je trouve.

Là où j’ai galéré pour de bon, ç’a été la post-prod qui a pris deux ans. La première monteuse a quitté le projet après que nous ayons été en désaccord sur plusieurs points (et avec le recul, je remarque que c’était mon manque d’expérience qui a créé ça). J’ai donc dû reprendre l’engin en mains bien que je n’aie jamais monté quoi que ce soit. Ca a donc pris du temps. Il a ensuite fallu tout donner à l’ingénieur du son pour qu’il monte et mixe. Celui ci nous a tout simplement abandonnés sans nouvelles.

Est-ce que tu situes Le Saint Bâtard dans un genre particulier ?
Un des moteurs à l’écriture du scénario était justement de mélanger les genres, ne pas rentrer dans une case et arriver à se démarquer des codes de tel ou tel genre, que ce soit le film noir, le fantastique, l’horreur. Mes deux références pour Le Saint Bâtard étaient From Dusk Till Dawn de Robert Rodriguez et Ring de Hideo Nakata. Le film de Rodriguez parce qu’il sait basculer du film de gangsters au film d’horreur en quelques secondes et celui de Nakata pour sa réappropriation des mythes japonais.

J’aime assez l’idée qu’on ne sache jamais vraiment sur quel pied danser en regardant le film et qu’on abandonne ses idées préconçues pour se laisser porter par l’histoire. Encore faut il l’accepter, ce qui n’est pas toujours gagné. Si le spectateur accepte l’idée qu’il fait partie du film qu’il regarde, alors il trouvera ses propres mots pour le qualifier et lui trouver un genre. Sûrement un genre assez bâtard !

D’où t’est venue l’idée du scénario ?
A cette époque, je travaillais de nuit dans la sécurité, dans de grands entrepôt vides. Et pour se faire peur, il n’y a rien de tel. Une nuit, j’ai eu une conversation avec un collègue et on discutait ensemble du folklore français, et nous étions d’accords sur le fait que les scénaristes et réalisateurs occultaient celui-ci (mis à part Stéphane Cabel, le scénariste du Pacte des Loups). Et puis est arrivée sur la table la Dame Blanche, mythe très connu sur nos terres, que j’ai immédiatement connecté à l’image de Sadako dans Ring, un autre genre de Dame Blanche. J’ai laissé l’idée germer dans ma tête pendant quelques temps et un soir, j’ai eu un déclic: lier cette idée avec celle d’un petit film qu’on avait commencé avec des amis. La lecture des Sin City de Frank Miller et celle de Juan Solo par Georges Bess et Alejandro Jodorowsky m’a également aidé à créer l’ambiance noire du film. Si je devais résumer mes intentions de scénariste en une phrase ça serait “se réapproprier le folklore et la mythologie française, parce qu’il y a de quoi faire !”.

Quelle est ton interprétation de la fin ?
Avant de répondre à cette question, j’ai envie de préciser que le film a été pensé, écrit, tourné et monté dans l’idée que chacun se fera sa propre interprétation et tirera ses propres conclusions du film. C’est seulement après coup que j’ai remarqué toutes les choses personnelles sur ma propre histoire, que j’ai insérées dedans complètement inconsciemment. Pour moi, on a deux personnages qui chacun de leur côté ont vécu des drames personnels assez durs. A leurs niveaux respectifs, ce sont deux êtres humains perdus, malheureux et en quête de lumière. Chacun à leur tour, ils se guideront mutuellement vers celle-ci, vers un nouveau départ, une nouvelle incarnation.

Comment as-tu fait la connaissance de Jan Kounen ?
J’ai rencontré Jan à l’époque de la sortie de Blueberry (film pour lequel j’ai un amour inconditionnel). J’ai toujours été un grand admirateur de son travail, que ce soit en court-métrage ou en long métrage, et quand j’ai su qu’il allait aborder frontalement le sujet du shamanisme, je me suis immédiatement décidé à le rencontrer. J’étais moi-même dans ces territoires et voir quelqu’un d’aussi talentueux s’y atteler m’a poussé à aller le rencontrer. Après quelques discussions par mail, je suis allé le filmer lors des rencontres avec le public qu’il faisait autour de son documentaire D’autres Mondes et de là est née une amitié qui m’est précieuse. Il m’a beaucoup aidé sur le montage du film (le pré-générique, c’est son idée, et pour moi, c’est la scène la plus forte du film) et sa manière d’être, son humilité essentiellement, reste un exemple.

Comment as-tu rencontré l’actrice du film ?
J’ai rencontré Vanessa par hasard, sur Myspace. Tout bêtement. Elle avait beaucoup aimé le scénario et le casting s’est fait dans un bar: on discutait et je la regardais bouger et parler puisque la gestuelle du personnage est beaucoup plus importante que son texte. Je suis très heureux de sa prestation, et je regrette même de ne pas lui avoir écrit plus de scènes. Mais je me rattraperai puisque j’ai décidé de lui donner un rôle dans chacun de mes prochains films.

4 commentaires sur “Le Saint Bâtard”
  1. bravo Matthieu ; l’article est bien rédigé. Continue à travailler sur cette voie ; Tu y arriveras. Je crois en TOI
    Bisous – à bientôt
    Mam

  2. Bravo Math, ça donne envie, ça a l’air terrible et l’article fait bien son effet, du vrai professionalisme…
    Pour ma part ça me rend nostalgique et me donne envie de rejouer, mais là il est clair que toi tu joues dans une autre catégorie!!Tu sembles à l’aise et maîtiser ton sujet. Encore bravo, et bonne continuation sur ce beau chemin!!

  3. Merci beaucoup pour ces commentaires ! Merci aussi à Jérôme pour cet article. La suite se prépare. Je prends du temps, mais c’est pour le meilleur.
    Pour Le Saint Bâtard, il aura sa vie en festival et après, il sera probablement mis en ligne.

    Pour ceux qui sont intéressés, il y a un forum sur le site desperados.org, n’hésitez pas à venir !

    Peace,
    Matt

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