Le 16ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer

Rencontres

Au sortir de la projection, Mabrouk me taxe une cigarette, geste qu’il regrettera amèrement. Je lui explique que je suis une sorte de gonzo-reporter et lui parle du célèbre monologue de Jean Claude Van Damme dans JCVD. Mabrouk est surpris d’apprendre que ce passage du film en a fait pleurer plus d’un et m’avoue qu’il n’était pas prévu dans le scénario originel. Il ajoute que le film n’était pas sensé être aussi chargé émotionnellement mais devait plus s’inscrire dans le registre de la comédie. Mabrouk est sauvé par le gong, un appel sur son portable l’arrachant à mes griffes opportunistes.

J’aborde un Gregory Morin souriant, pour lui parler de son film qui a manifestement trouvé son public. Je lui demande comment on aborde un producteur avec un scénario aussi déjanté (compte rendu dans la deuxième partie de l’article). Gregory me répond amusé que le producteur faisait partie de l’aventure dès le début. Je lui avoue avoir été impressionné par la scène qui se déroule à Tokyo et lui demande si les démarches financières comme administratives n’ont pas été trop fastidieuses. « Oh, j’étais invité à Tokyo, j’avais ma caméra, j’ai trouvé quelques figurants et on a filmé à l’arrache », me répond-il humblement. Qui a dit que c’était compliqué de faire du cinéma?

J’interpelle deux des membres du collectif BIF, réalisateurs du film Dix pour leur signifier ma surprise quant à la participation du CNC au financement d’un projet fantastique dont certaines scènes assez trash et… coupantes ne sont pas sans rappeler Cube. Les deux jeunes réalisateurs m’avouent que, malgré plusieurs courts-métrages à leur actif, Dix est leur premier film fantastique, confirmant ainsi que pour gagner en crédibilité lorsqu’on entame une carrière cinématographique, mieux vaut toujours commencer par des œuvres « sérieuses » aux yeux de nos institutions, c’est à dire tout sauf un film de genre.

Ce n’est qu’une demi-heure avant de reprendre la route pour Strasbourg en ce dernier jour de festival que je croise par hasard Jaume Balagero, sorti s’acheter des cigarettes, protégé par un pull-over épais comme du papier à cigarette. Malgré le froid, Jaume, dont le visage vire au pourpre très rapidement, signe les dizaines de jaquettes de DVD de Stéphane, un ami strasbourgeois. Grelotant comme un moineau sous la pluie, le réalisateur espagnol examine avec intention et intérêt le book de David Scherer, accepte de lire mon dernier scénario et discute de En Quarantaine avec toute la retenue et la diplomatie dont puisse faire preuve un réalisateur ayant vu son œuvre passée au broyeur par une industrie américaine qui en a extrait toute substance pour en faire une pâté pour chien infâme, accessible au plus débile des rednecks du fin fond des bayous de Louisiane. Gêné que mes amis et moi nous en offusquions, Jaume nous lance un « Moi, le film m’a beaucoup fait rire ». Pas rancunier, Jaume. Avant de nous quitter, nous parlons encore de Yannick Dahan, de Benjamin Rocher et de La Horde, leur bébé en gestation (plus que quatre mois à attendre). Jaume nous dit regretter ne pas avoir pu se rendre sur le tournage du film de « french zombies », celui de REC 2 l’ayant retenu, lui et Paco Plaza, mais qu’ils ont eu l’occasion de rencontrer leurs homologues français et de faire une séance photo ensemble.

C’est sur le sourire crispé de Jaume Balagero et des stalagmites qui commencent à se former sous son nez que s’achève pour moi cette 16ème édition de Fantastic’art. Si le festival de Gerardmer demeure la référence ultime en matière de festivals de films fantastiques et que ses salles ne désemplissent pas, il me laisse une nouvelle fois une sensation de frustration. Si pour certains le kitsch des décorations de vitrines de magasins, les restaurants rustiques et le froid lui donnent un charme particulier, en ce qui me concerne, les ateliers, les exposions, et le manque d’animations me font plus penser à une grande kermesse de collège qu’à un festival de renommée internationale. Je m’étonne encore une fois que l’on n’y trouve pas de stands de DVD, d’affiches de films, d’objets dérivés ou juste quelques bénévoles déguisés en Freddy, Jason ou Leatherface pour divertir les spectateurs durant les interminables files d’attente. Si certains peuvent s’enorgueillir des excellentes sélections et des membres prestigieux du jury, je trouve que cette organisation typiquement française manque cruellement d’imagination, de distractions et surtout d’ambiance.

Si l’édition 2008 avait été marquée du sceau espagnol avec L’Orphelinat et REC, les scandinaves auront prouvé cette année qu’eux aussi savent faire des films fantastiques en imposant leur style très « Art & Essai ». Exit donc la mode des films hystériques et immersifs tournés caméra à l’épaule (REC, Cloverfield, Diary of the Dead), l’année 2009 sera celles des films sobres, pâles, froids et lents. Mais lent ne signifie pas forcément chiant.

1 commentaires sur “Le 16ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer”
  1. Super gonzo compte-rendu. Merci Cédric. J’espère que tu as été bien payé.
    A noter que Paris by night of the living dead est visible en VOD sur l’offre de SFR/Neuf. Même en HD il me semble ! Par contre, je crois qu’il faut se dépêcher. Le film ne révolutionne pas grand chose mais c’est plutôt fun dans le genre. Roland Emmerich devrait aimer (la Tour Eiffel dégringole).

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