Le 16ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer

SAUNA (Prix du jury jeunes)

De Antti-Jussi Annila

L’Histoire :

Au terme de la guerre russo-finlandaise de 1595, Erik, un officier finlandais austère et son frère géographe Knut, font partie d’une commission dont la mission est de redéfinir les nouvelles frontières avec leur ancien ennemi. Accompagnés d’une délégation russe, les deux frères sillonnent des contrées aussi mystérieuses qu’hostiles, dont même les rares habitants ignorent la nationalité. Lors d’une halte chez un paysan russe qui vit seul avec sa fille, Knut, qui connaît les penchants bestiaux et la réputation de boucher que s’est forgé Erik durant la guerre, tente de mettre la jeune paysanne à l’abri de son barbare de frère en l’enfermant dans une cave sordide où la jouvencelle est abandonnée à son triste sort par la commission qui reprend la route au petit matin. En proie aux remords, bientôt complètement rongé par la culpabilité, Knut est hanté par le fantôme de la gamine et manifeste le désir de rebrousser chemin pour libérer sa victime de sa prison avant qu’il ne soit trop tard. Erik, brute épaisse au cœur desséché refuse, leur mission étant à ses yeux prioritaire à la vie de deux malheureux paysans, russes de surcroit, qu’il a certainement pris soin d’occire de toute façon. La commission arrive aux abords d’un village installé dans des marécages aussi malsains qu’inquiétants, au milieu desquels trône un sauna immaculé qui a la réputation de laver ceux qui y pénètrent de leurs péchés. Mais à quel prix?

C’est quoi qu’c’est ?

Une peinture surréaliste. Si Sauna souffre d’un scénario alambiqué et parfois incompréhensible, il est néanmoins prétexte à une ambiance mystique et anxiogène d’une rare efficacité, servie par des décors arides, glaciaux et inquiétants, ainsi qu’une photo absolument superbe. Tout y semble mort, des forêts aux champs, des villages à leurs habitants, voire même le ciel et l’eau. La lumière y est gérée avec autant de parcimonie que d’efficacité. Même le feu n’arrive pas à illuminer les ténèbres qui entourent les personnages tourmentés, voire torturés, magnifiquement interprétés par Ville Virtanen et Tommi Eronen. Erik, personnage fascinant d’un vétéran ayant commis les pires atrocités durant la guerre, nostalgique du temps où il enchainait impunément viols et meurtres, est servi par un Virtanen impressionnant, tant par sa véritable gueule de tueur que par son jeu. Bête de guerre, Erik a beau manier l’épée comme Conan le barbare, sans ses petites lunettes, il est aussi vulnérable qu’un enfant qui vient de naître.

Ce véritable voyage « au cœur des ténèbres » fait immanquablement penser au roman éponyme de Conrad, ou à Apocalypse Now de Coppola qui s’en est inspiré tant ces anti-héros s’enfoncent dans la noirceur de leur âme, jusqu’à s’y noyer. La mise en abîme des protagonistes, est brillamment dépeinte par Annila qui prend soin d’éviter les personnages caricaturaux et le manichéisme : Aussi Knut, que son frère accuse d’être une chochotte, est loin d’être aussi innocent qu’il y paraît. Il comprend finalement que c’était pour la protéger plus de ses propres pulsions que de celles de son frère qu’il a enfermé la jeune paysanne dans sa funeste prison, faisant de lui même un assassin.

Le village dans les marécages, qui ne figure sur aucune carte, est peuplé de simples d’esprits aussi terrifiés qu’un troupeau de moutons, ce qu’ils sont d’ailleurs. Vivant en ce lieu mystique, intemporel et géographiquement impossible, les villageois sont totalement incapables d’évoquer le passé ou la malédiction qui les frappe. Le seul qui s’y risque est étripé sur le champ. L’unique enfant du village, symbole de pureté et d’innocence va ranimer l’infime parcelle d’humanité encore présente chez Erik, enfouie sous des déluges de sang, tandis que Knut va de plus en plus basculer dans l’horreur. Je dois admettre n’avoir strictement rien compris à la fin du film. Si le climax est aussi terrifiant qu’impressionnant, le dénouement est laissé à notre entière interprétation mais les pistes sont trop minces pour que l’on puisse aboutir à quelque chose de rationnel, et c’est peut être tant mieux. Sauna est donc un film visuellement superbe qui parle de légendes et de rédemption. Ça me suffit.

A voir avec :

Son psy.

1 commentaires sur “Le 16ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer”
  1. Super gonzo compte-rendu. Merci Cédric. J’espère que tu as été bien payé.
    A noter que Paris by night of the living dead est visible en VOD sur l’offre de SFR/Neuf. Même en HD il me semble ! Par contre, je crois qu’il faut se dépêcher. Le film ne révolutionne pas grand chose mais c’est plutôt fun dans le genre. Roland Emmerich devrait aimer (la Tour Eiffel dégringole).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.