Walkyrie vs. Black Book

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Paul Verhoeven est un dieu. Le mien en tout cas. Je ne me suis pas intéressé à son dernier film, Black Book, car le film avait eu très peu d’échos et le sujet n’avait pas l’air sexy (je préfère, à priori, les arachnides géants). Bien mal m’en a pris car le film est tout simplement grandiose et se rapproche plus de ses travaux hollandais que hollywoodiens. Passionné par l’histoire de la 2ème guerre mondiale dans son pays natal, le réalisateur nous livre ici un film épique et héroïque alors que les faits peuvent sembler négligeables : une poignée de résistants tentent d’infiltrer un camp de nazis.

J’oppose le film de Paul avec celui de Bryan Singer, Walkyrie, car ce dernier tente de faire l’inverse : prendre un fait important (des membres de l’Etat Major tente d’assassiner Hitler!) et le traiter de façon intimiste. Autre point commun, Carice Van Houten figure dans les deux films.

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Walkyrie souffre d’un gros problème : tout le monde connaît la fin, c’est-à-dire l’échec du complot. Et bizarrement, cette évidence ne semble pas avoir été prise en compte dans le scénario. Le suspense fonctionne donc très mal, sauf à de rares micro-occasions. Etonnant aussi d’avoir pris un casting composé en majorité de trognes anglaises : Terence Stamp et Kenneth Branagh en tête. Singer évacue également le problème de la langue allemande dans son introduction. Stauffenberg, le leader du complet, interprété par Tom Cruise, parle en allemand puis il y a un fondu enchainé et il se met à parler en anglais. Quelle facilité ! Dans Black Book, la multiplicité des langues (allemand / anglais / hollandais) est ici un atout pour l’héroïne, qui les parle toutes trois et adapte sa langue pour tourner la situation à son avantage.

zwartboekVerhoeven réussit là où son collègue américain échoue. Il y a un suspens quasi-constant dans Black Book. Ellis, interprétée par une inoubliable Carice Van Houten, doit se livrer corps et âme à l’occupant nazi pour aider la résistance. Elle est ballotée d’un camp à un autre, manipulée de toute part, entre espionnage et contre-espionnage, jusqu’à ce qu’elle glisse vers une folie paranoïaque. Difficile d’éprouver la même empathie pour Tom Cruise, qui joue un militaire monolithique. Il risque pourtant la vie de sa famille mais jamais ou presque, ce n’est exploité dans le film. Carice qui interprète sa femme n’a ici qu’un rôle de figuration…

Comme à son habitude, Verhoeven illustre avec crudité les enjeux de chair et brise les tabous. Il nous place souvent en voyeur, cherchant là à déranger, par exemple en exhibant totalement nu un officier allemand bedonnant et pathibulaire. De même, il n’hésite pas à montrer les nazis, ivres de stupre, d’alcool et de pouvoir. Chez Singer, c’est plus simpliste et les nazis semblent le gêner ou l’effrayer. Il tente alors de faire peur en exhibant la croix gammée. Au point que ce soit ridicule, notamment dans ce plan où le symbole nazi figure en géant au fond d’une piscine ! Reste l’image la plus marquante du film, le salut hitlérien fait par Stauffenberg, avec son moignon !

Mais le plus fort avec Verhoeven, c’est le message qu’il fait passer. Au final, il ne critique ni la nation allemande, ni même les nazis. Il critique simplement la faiblesse de la nature humaine face à un pouvoir trop grand. Car une fois la guerre finie, le réalisateur illustre toujours avec beaucoup de violence, les “vengeances” commises par les habitants locaux sur les traitres qui ont pactisé avec l’ennemi, même par nécessité. Il montre que les autochtones ne valent pas mieux que les nazis et emploient même des méthodes similaires. Le passage de la prison, où Ellis subit les pires humiliations de la part de son propre camp, en est symptomatique. Le message de Bryan Singer est beaucoup plus simpliste et s’attache à démontrer que tous les allemands n’étaient pas des nazis pendant la guerre. Même si les faits évoqués sont peu connus, on pouvait s’en douter un peu…

Dans Black book, les morceaux de bravoure sont nombreux. Et bien qu’à petite échelle, ils font mouche à chaque fois. Toutes les confrontations avec l’armée nazie sont hautement dramatiques : bombardements, attaques éclairs, bataille rangée, il s’agit là d’un vrai film d’aventures ! Dans Walkyrie, on ne comptera qu’une ou deux scènes d’action (l’attentat), réalisées très platement.

On pardonnera donc facilement à Verhoeven de s’emporter parfois par excès de passion et de dynamisme. Son script avance à cent à l’heure et les rebondissements sont nombreux. Quelques hasards et rencontres fortuites sont clairement présents pour arranger le scénariste (le discours sur l’insuline et le chocolat). Pour Singer, on pourra saluer son projet “hollywoodien” assez osé puisqu’il se propose de mettre au grand jour des faits historiques peu connus. Mais c’est assez peu en regard des choix étranges qui ont été faits et d’un script vraiment mal fagoté.

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