Les vampires / La baie sanglante / Duel au couteau

baie-sanglante-03LA BAIE SANGLANTE

En 1971, Mario Bava décide de donner un grand coup de pied dans la mare avec le définitif et nihiliste La baie sanglante. Il a créé le genre et décide en même temps de l’enterrer.

Le titre original, Ecologie du désir sied mieux à l’ambiance atypique et absurde que sa traduction française racoleuse mais plus commerciale.

La baie sanglante est une ode à la nature sauvage et belle qui, le temps de quelques jours, reprend ses droits sur une humanité cupide et vénale, totalement prostrée dans des attitudes mesquines entre la soif de l’argent, la jalousie, les plaisirs futiles. Mario Bava poursuit son travail entamé à l’époque de 6 femmes pour l’assassin en l’investissant jusqu’à ses retranchements les plus extrêmes. Plus misanthrope que jamais, le cinéaste règle ses comptes avec ses semblables tel un entomologiste qui regarderait avec délectation des insectes s’entretuer.

Une séquence est symptomatique du discours insinué en filigrane durant tout le métrage. La discussion entre le lépidoptérologue (le chasseur de papillon, en fait) et le pêcheur rustre met en exergue une idée forte, prégnante durant tout le métrage. L’homme est un prédateur qui tue par plaisir, qui affiche ouvertement son mépris pour une nature qui ne lui a rien demandé. Mais ce prédateur devient, une fois sa soif de meurtre consommée, une proie facile pour un autre prédateur acharné. Et ainsi de suite…

aff-la-baie-sanglante-hdFini l’esthétisme bariolé, fini le baroque. Place au réalisme, à l’enchaînement des meurtres violents. En poussant la logique du giallo jusqu’au bout, en le saignant jusqu’à l’os, Bava ouvre la voie au slasher et vulgarise une esthétique de la mise à mort. La mort n’est plus filmée comme une oeuvre d’art, mais comme un acte barbare et sadique. L’intrigue, terrifiante et absurde, se clôt par un épilogue qui fait froid dans le dos : des enfants massacrent leurs parents. Bava, plus misanthrope que jamais, boucle sa tragi-comédie humaine par une chute d’un cynisme effrayant. Dans La baie sanglante, tout le monde est à la fois le bourreau et la victime à tour de rôle. Une incroyable mise en abyme des rapports humains se jouent sous nos yeux.

Pourtant d’un strict point de vue psychologique, La baie sanglante est un film invraisemblable, complètement abracadabrant. Bava troque une logique du récit traditionnel contre une logique du cauchemar. Contrairement à Dario Argento qui se laisse facilement emporté par ses divagations psychédéliques, ses rêves absurdes, Mario Bava reste, même inconsciemment, d’une cohérence artistique totale. La baie sanglante, mise en pratique délirante de la Théorie des dominos, en est une de ses preuves les plus accomplies. Sur un mode opératique, Bava orchestre la mise à mort de ses personnages avec une violence inouïe. Chaque meurtre est savamment élaboré par une réalisation inspirée multipliant les effets visuels inédits, les zooms délirants, les cadrages insensés.

La violence graphique éclate dans tous les coins de l’écran. Visages lacérés, corps transpercés, hache dans le dos, strangulation malsaine. Le cinéaste ne nous épargne rien avec ce film nihiliste et inconfortable, sauvé de sa noirceur insupportable par une ironie dévastratrice.

Entre la fable écologique (si, si !!!), la farce macabre et le pur film d’horreur extrémiste, La baie sanglante ne vole pas son statut de classique incontournable et de précurseur génial de tout un courant à venir.

(ITA/FRA-1971) de Mario Bava avec Claudine Auger, Luigi Pistilli, Chris Avram, Claudio Camaso, Laura Betti, Leopoldo Trieste, Isa Miranda, Brigitte Skay

Editeur : Carlotta Films. Durée : 81 minutes. Image : 1.85 format d’origine – 16/9 compatible 4/3. Audio : mono. Langues : anglais, français. Sous-titres : français.

Bonus : La logique du rêve, entretien avec Jean-Pierre Dionnet (15 min 10 sec),  Ritournelle macabre, analyse du film réalisée par Hélène Théron (18 min 23 sec),L’ospite delle due, archive d’une émission italienne avec comme invités Mario Bava et Carlo Rambaldi (42 min 04 sec, VOSTF), Bande-annonce anglo-saxonne (3 min 07 sec)

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