Jusqu’en enfer (Drag me to hell)

drag2Christine travaille dans une entreprise de prêts immobiliers. Gentille et serviable, elle aspire néanmoins à  gravir les échelons. Afin d’acquérir un nouveau poste, elle va  refuser le dossier d’une vieille gitane. Cette dernière, furieuse, jette une malédiction sur Christine. La vie de la jeune femme se transforme en cauchemar. Un esprit malin la tourmente afin de lui voler son âme. Elle ira donc jusqu’en enfer.

Retour aux sources, affaires de famille, indépendance réaffirmée … Voilà les termes qui  viennent à l’esprit  une fois la projection terminée. Sam Raimi que l’on croyait un peu perdu dans les filets du système après un fort décevant Spiderman 3, retrouve une vigueur, une rage de filmer et un plaisir de conteur addictif.

Jusqu’en enfer n’est peut-être pas son meilleur film mais l’un de ses plus libres et jouissifs comme si l’auteur mythique d’Evil dead s’offrait une petite cure de jouvence.  Un esprit de sale gosse qui faisait tout. L’esprit d’Evil dead et Mort sur le grill souffle à nouveau sur ce film qui va jusqu’au bout de son concept initial. En somme un petit miracle pour ce film écrit et réalisé en famille (son fils participe au scénario et ses parents jouent dedans).

Le destin de la pauvre petite employée de banque qui rêvait d’ascension sociale s’offre en pleine tronche comme une fable cynique, méchante et souvent drôle, fustigeant avec hargne le système US fondé sur la réussite. Dans l’univers propret de Christine, personnage admirablement croqué jusque dans ses contradictions idéologiques (pur produit du système capitaliste, elle se prétend écolo), Sam Raimi va prendre un malin plaisir à injecter de la saleté, de la souillure. Vomissement, hémoglobine, cafard, matières putrides inondent un environnement marqué par le politiquement correct. La maison proprette du joli petit couple, le décor aseptisé de la banque, le luxe ridicule de la maison des parents du petit ami de Christine,  se trouvent mis à mal par un déferlement d’effets spéciaux numériques mais réussis. Des cafards sortent d’un gâteaux, des flots d’hémoglobines aspergent un bureau immaculé pour finir sur le visage stupéfait d’un directeur de banque, les objets volent et mettent en charpie le joli petit nid de l’héroïne, un petit chat tout mignon se retrouve six pied sous terre. Sam Raimi dérègle un monde idyllique, cadre idéal des comédies romantiques US.

dragmeEn parallèle, comme une sorte de contre-champ idéal, il filme avec respect une minorité (gitan, pakistanais) écrasée par ses croyances ancestrales. Il montre des gens moins superficiels, plus enclins à accepter l’irrationnel.  Les forces obscures font partie de leur environnement. Ils acceptent l’idée même du Mal. Ce qui dans le monde rationnel des autres  personnages de sitcom est impensable. Les séquences de spiritisme et de prédiction nous embarquent dans une autre dimension, dans un univers gothique et anxiogène issu d’un autre temps (Les innocents, la maison du diable, La Hammer).

Sur un script dans l’esprit d’un épisode des Contes de la crypte, Sam Raimi prend un malin plaisir à malmener son héroïne, qui pour avoir symboliquement vendu son âme au diable, se retrouve dans une position inconfortable.

Alternant brillamment la terreur pure et un humour noir décapant (la mort du petit chat), Jusqu’en enfer est une pure série B luxueuse certes mais suffisamment jouissive et transgressive pour accéder au rang de futur petit classique. Sam Raimi livre aussi en filigrane une réflexion personnelle sur l’arrivisme. Le destin de Christine rejoint étrangement son propre parcours. En acceptant de jouer dans la cour des grands, l’auteur d’Evil dead aurait-il perdu son âme ? Certaines de ses productions piteuses (et non réalisations) pourraient en attester. Mais avec un aplomb démoniaque, il répond par la négative. Hommage vibrant à  un certain cinéma d’horreur révolu, Jusqu’en enfer porte admirablement son titre. L’épilogue, logique et revigorant, en surprendra plus d’un.

(USA-2008) de Sam Raimi avec Alison Lohman, Justin Long, Jessie Lucas

Dispo en dvd et blu-ray chez Seven 7.  Format : 2 :35 mm. Audio : Français – Anglais. Sous-titres : Français. Durée : 94 mn

Bonus : Le journal du tournage (33min 40s, VOSTF), Bandes-annonces (VOSTF et VF)

5 commentaires sur “Jusqu’en enfer (Drag me to hell)”
  1. Salut Manu. Rha moi il m’a déçu ce petit film… Sa sortie discrète, quelques critiques bienveillantes mais genées “parce que c’est Raimi” dans les journaux spécialisés, m’avaient préparé le terrain. D’accord avec toi sur la critique de l’arrivisme, plutôt bien vue. Et Raimi ne se départit pas de son humour plutôt efficace, mais qu’est ce que c’est lisse !

  2. Beaucoup aimé pour ma part ! Je l’ai snobé à sa sortie en salles, et j’ai amèrement regretté par la suite de ne pas l’avoir découvert sur grand écran. C’est du très bon ciné “pop-corn”, sans aucune prétention.

  3. Moi j’ai été un peu refroidi par les effets numériques un peu too much.

  4. J’ai surement été dans l’attente d’un méga “evil dead” version 2009… Entre temps, j’ai trouvé Raimi l’un des seuls capable de faire du blockbuster (spiderman II, ptain !)sans trop renier ses fondamentaux (cf darkman). Et là, retournant aux sources, patatra… enfin tout est relatif, je ne me suis pas ennuyé non plus !

  5. Je suis un peu dans la position de Damien. N’étant pas fan des Spiderman, je n’attendais rien de Jusqu’en enfer. Je l’ai boudé à sa sortie en salles, préférant me coltiner Blood, the last vampire (un vraie purge!). Jusqu’en enfer reste une excellente surprise. Modeste, rythmé et jouissif.

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