Le livre d’Eli, des frères Hughes

“Trente ans après l’ultime guerre, l’Amérique n’est plus qu’une terre désolée dont les villes sont des ruines et les routes autant de pièges infestés de bandes criminelles. Plus de civilisation, plus de lois.

Depuis des années, Eli voyage, seul. Guidé par sa foi, il lutte pour survivre, mais surtout pour protéger la lueur d’espoir qu’il transporte avec lui. Il est prêt à tout pour cela.”

Le livre d’Eli se pose là en parfait mélange de post-nuke et de western. L’histoire se déroule après une explosion qui a fait un “trou” dans l’atmosphère. La conséquence est que le soleil a tout brûlé et que les survivants doivent durement lutter pour pouvoir se nourrir. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à manger de la viande humaine… L’aspect visuel du film est très séduisant, l’image étant souvent désaturée, pour parvenir à un quasi noir et blanc. Le thème de l’histoire et la photographie rappellent immanquablement La route, de John Hillcoat. Malgré leur aspect esthétique très proche, les deux films ont pourtant une ambiance très différente. Le livre d’Eli se rapproche plus d’un film d’action, de science-fiction ou de western. La route est le récit d’un voyage intimiste d’un père et son fils. Le film des frères Hughes est donc plus stylisé, et l’esthétique change suivant les scènes, passant d’une coloration grise, à ocre ou noir et blanc. Le début est aveuglant et un contraste très fort nous fait voir le monde en ombres chinoises, ce qui donne un effet saisissant, notamment lors du premier combat (avec tronçonneuse s’il vous plaît!). Le blu-ray offre un piqué étonnant et permet d’apprécier les nombreux détails.

L’univers dépeint se rapproche beaucoup plus de Mad Max au-delà du dôme du tonnerre, avec son système économique basé sur le troc et une violence barbare en guise de système judiciaire. Pour le côté western, on retrouve une ville qui tente de se recréer un système social et économique. L’autorité est assurée par Carnegie, un des seuls intellectuels restants. Car avec l’argent, les vivres et l’eau, c’est aussi l’alphabétisation qui a disparu. Et justement Carnegie cherche à asseoir son contrôle en utilisant la religion de manière perverse. C’est une sorte de shérif diabolique. Des films de cow-boys, on retrouve aussi les hommes armés positionnés sur les toits, et une séquence de maison assiégée proposant des plans très immersifs, grâce à une caméra en mouvement, qui nous place vraiment au milieu du champ de bataille.

Même s’il est question de bible et de genèse dans le film, le propos des réalisateurs n’est bien sûr pas du prosélytisme pour le christianisme. Car à la fin, tous les livres de diverses croyances sont rassemblés. On nous donne volontairement très peu de détails sur les croyances d’Eli ou même sur ses origines. Car ce n’est finalement pas l’important. Il s’agit plus d’une réflexion sur la foi, comment elle est vécue et utilisée par chacun et ce qu’elle permet d’accomplir. En l’occurrence, pour Eli et sa compagne de chemin Solara, la foi leur donne du courage et une morale, deux choses aussi rares que l’eau dans un monde dévasté par les guerres nucléaires. Le propos n’est pas révolutionnaire mais il suffit à hisser le film plus haut qu’un bête film d’action.

Le film vaut par son ambiance pesante, soutenue par le duel extrêmement tendu entre deux hommes et deux morales. Il nous offre la résurrection de Gary Oldman, qui nous rejoue une sorte de Dracula, un homme fatigué, vieillissant et malade de frustration. Dans sa quête égoïste de pouvoir, il parvient tout de même à être touchant. Ce n’est donc pas le bad guy de base. Denzel Washington a bien sûr toujours la classe, se contentant de peu de mots et jouant magnifiquement de la serpe. Sa barbe grisonnante lui donne un look encore plus coule.

Histoire originale, acteurs impliqués, travail d’orfèvre sur l’image, le film n’est pas loin d’être un chef d’oeuvre. Le seul reproche que l’on pourrait lui faire est son illustration un peu “déjà vue” de l’univers post-apocalyptique. L’inventaire est trop parfait : des carcasses de voiture, des usines en ruine, des viaducs écroulés. En même temps, peut-on vraiment faire autrement ? C’est sans doute un passage obligé, comme les voitures volantes dans les films futuristes.

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