Le jour où Dieu est parti en voyage

Jacqueline est nourrice chez une famille européenne au Rwanda. En 1994, alors que la situation devient critique, les ressortissants étrangers sont évacués précipitamment. Jacqueline se cache dans le faux plafond de la maison et elle ne peut qu’écouter silencieusement les massacres et les pillages perpétrés par les hutus. La vague de violence passée, elle part à la recherche de ses enfants. Découvrant qu’ils sont morts, elle s’exile dans la forêt.

Le belge Philippe Van Leeuw réalise là son premier film. Auparavant, il fut directeur photo chez Brunot Dumont et cela se voit. Il laisse traîner sa caméra, simple témoin d’un voyage sans retour du personnage principal. Le réalisateur filme avec épure une nature totalement insensible aux malheurs des hommes. Cet excès de verdure, une vie végétale abondante, est presque indécent face aux atrocités se déroulant juste à côté. La violence n’est pas montrée de manière frontale, ce qui n’empêche pas d’assister à quelques séquences éprouvantes. On pourra citer la scène où Jacqueline est réfugiée dans le grenier, entendant de manière étouffée les pillages dans la maison et les exécutions dans le village. On est littéralement enfermés avec elle, priant pour que les assaillants n’aient pas l’idée de venir voir sous les toits. Le travail sonore est d’ailleurs remarquable. L’autre scène marquante est la découverte de ses enfants, dont les corps sont traités par les agresseurs comme de simples détritus. Là encore, Jacqueline voit la scène de loin et nous sommes avec elle, impuissants. L’image récurrente de la machette a un rôle important dans le film, et symbolise à elle seule la barbarie du massacre.

La mise en scène est sobre car le but ici n’est pas de créer la polémique, ni de faire une reconstitution chronologique d’un conflit encore mal connu chez nous, quinze ans après. Le réalisateur n’opte donc pas pour une illustration spectaculaire (il n’y a quasiment pas de musique) mais il ne verse pas non plus dans le pathos, filmant malgré tout la jungle comme elle est, avec des couleurs châtoyantes, sous le soleil.

Sous des aspects de “film d’auteur” intimiste (Jacqueline est présente dans la majorité des plans), le déroulement des événements s’apparente à un “survival” réaliste, au sens premier du terme. Comment survivre dans la jungle alors qu’un génocide est en train de se dérouler ? D’un point de vue psychologique, le jeune femme cherche vainement une raison de continuer à vivre. Elle va rencontrer un homme blessé, tutsi lui aussi. Elle va le soigner avec les moyens du bord qui sont extrêmement limités. Dénué de toute chose, le couple s’apparente alors à Adam et Eve. Bientôt, on y voit un espoir de retour à la normale.

Les causes du génocide au Rwanda sont complexes (voir la longue page wikipedia). Faire un film sur le sujet est donc une chose très délicate et Van Leeuw a pris le parti raisonnable de regarder par le petit bout de la lorgnette. Le film n’a pas l’ambition de décrypter outre mesure. A travers l’intime, il propose simplement d’apporter sa pierre à l’édifice, afin de comprendre au moins un petit peu la situation à l’époque… Seul choix étrange, celui de faire parler les victimes en français et les bourreaux en kinyarwanda, la langue nationale.

Réalisé par Philippe Van Leeuw. Avec Ruth Nirere, Afazali Dewaele. Disponible en dvd chez MK2. Crédits photos : Les Films du Mogho-Artémis-LC

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