L’étrange festival J2

Journée atmosphérique et pointilliste, dans ma tonalité préférée du festival.
Au menu : une épatante vieillerie et une nouveauté gauche mais belle (mais gauche).

LA ROUTE DE SALINA de Georges Lautner

Il n’y a guère qu’à la fin des sixties que l’on pouvait sans vergogne tourner un film français à Lanzarote, puis faire croire au monde que l’action se déroulait à la frontière américano-mexicaine. La Route de Salina est un polar évanescent, étrange accident dans la filmo du papa du Monocle ou des Tontons flingueurs. Réalisé à  l’apogée de la période hippie, en pleine libération des corps et des moeurs, les mauvaises langues vont jusqu’à prétendre que ce film aurait servi de prétexte à se barrer dans les îles pour filmer Mimsy Farmer à poil tout en tirant sur de gros shiloms d’herbes fines. Menteries de jaloux que tout cela. Les plus hauts intérêts esthétiques étaient évidemment à l’œuvre.

Ca commence sur un quiproquos, avec un vagabond qui s’installe dans une station service au milieu du désert, parce que la propriétaire à moitié folle le prend pour son fils disparu. Très vite ça tourne à l’huis clos, le garçon se trouve piégé par ses mensonges et son désir, quand il découvre la beauté de la fille de son hôtesse. Secrets de famille, inceste et manipulation bornent un intrigue assez classique, et traitée si lentement qu’on a une bonne vingtaine de minutes d’avance sur le héros. Bien sûr, ça n’a aucune importance.

Ce qui compte ce sont les scènes d’amour sur la plage, dans laquelle les corps exultent comme rarement. Quelque chose de très lié à cette époque d’hédonisme bon enfant, malgré ou à cause de la dureté du script. Il y a aussi une jolie scène de teuf hippie, et puis des passages en ville qui laissent deviner, comme les Baléares de More, à quel point les Canaries ont du être chouettes à cette époque du siècle.

Peut-être est-ce grâce au lyrisme et à la franchise de l’ambiance, mais on pardonne beaucoup à ce film d’époque, sorte de précurseur de 37°2 à l’intrigue pas captivante et aux acteurs réduits à des corps (mais quels corps !). De temps en temps, des curiosités de mise en scène ou de montage rappellent aussi qu’il existait un temps où chaque film était une aventure, et où les codes étaient constamment remis en cause.
Suffisamment d’exotisme, donc, pour passer un bath de moment.

(Allez donc écouter une track de la très chouette BOF composée par Christophe – morceau réentendu il y a peu chez Tarantino )

ROBERT MITCHUM EST MORT de Olivier Babinet et Fred Kihn

Ne sortira pas, quant à lui, avant mars 2011. C’est dire si c’est un film contemporain.
Il raconte la vadrouille de Franky, acteur miteux, que son manager-loser Arsène traîne sur la route, lui faisant miroiter un futur radieux qui commencerait au-delà du cercle polaire, dans un festival norvégien, sous le soleil de minuit.

Paris, Strasbourg, Pologne, Lituanie, Norvège. Des voitures, de l’alcool, des ronds points et des hôtels glauques. Et puis, semé le long de ce chemin comme les cailloux d’un petit poucet bienveillant, des personnages braves mais usés, poncés par la vie et généreux, pourtant, et honnête. Si foutrement authentiques. Un road movie européen, donc, dans la veine fauchée touchante et poétique d’un Kaurismaki Poirier Jarmush Delépine.

Il y a quelque chose qui ne cesse de m’étonner dans cette façon de faire, et qui me bloque aussi aux portes des Wes Anderson : une manière de raconter des histoires en évacuant le réel. Quand c’est bien fait, j’ai l’impression de n’avoir à faire qu’à des éléments. Des pièces très belles, bien articulées, bien jouées, relevées de trouvailles charmantes et parfois poétiques. Mais je n’arrive pas à comprendre où ces récits font intersection avec la vie. Où ils évoquent des choses réelles. C’est chic, les perdants sublimes, les chiens errants, les nostalgiques. Mais ça ne me parle pas.

Et c’est d’autant plus curieux que je reconnais à ces films en général, et à Mitchum en particulier, un courage dans la pugnacité dont font preuve les auteurs. Pour un premier film celui-ci est étonnant de maîtrise. J’en sors avec un brin de regret, donc, de ne pas savoir y adhérer.

*

& sauf surprise (ou réveil intempestif pour aller voir DARK CRYSTAL demain matin) ce sera tout pour moi et ce mini tour de piste. Rendez-vous dans six mois pour le dix-septième round avec, on l’espère, pléthore de curiosités, le retour des courts, et des séances de minuit qui commencent à une heure et demie du matin. Mettez vos yeux à tremper dans le lait d’ici à là. Pas de gestes brusques si vous jouez avec une tronçonneuse et des bébés pandas.

2 commentaires sur “L’étrange festival J2”
  1. Donc, les gens n’auront pas le droit à un avis sur Sound of Noise, c’est ça ?

    J’ai connu une époque où Léo était une sorte de baroque, vénérant l’exaltation vitale, les dieux de la joie et la force des grands récifs ; inutile de dire que, là, j’ai le nourrisson du dedans de moi qui pleure des torrents.

  2. C’est faux. J’ai toujours mangé des frites froides et bu du coca zéro éventé.

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