Cinéma indépendant US : un nouvel espoir ?

L’idéal d’un cinéma indépendant US de qualité, affranchi des contraintes commerciales, des compromissions et des clichés hollywoodiens, ça faisait longtemps qu’on avait cessé d’y croire.

Ces cinq (dix ?) dernières années, combien de jeunes auteurs passionnants, de premiers films exaltants, ce dernier nous avait-il permis de découvrir ? Peu, bien peu au regard des innombrables purges pseudo-subversives, “feel-good movies” caressant le  spectateur dans le sens du poil, et autres canevas scénaristiques éculés reproduits à l’infini.

A quelques exceptions près (on citera par exemple Black Snake Moan, touchant mélo sudiste signé Craig Brewer, ou Adventureland, récit d’apprentissage très réussi de Greg Mottola), on retombait de façon quasi systématique dans la même mélasse cotonneuse d’auto-satisfaction rance, de bons sentiments réacs, et de tonalités vaguement douce-amer censées donner le change… Bref, rien de motivant à l’horizon.

Les 4 de l’Apocalypse

Seulement voilà, face au relatif essoufflement du cinéma de genre américain pur et dur, et au marasme à peine croyable dans lequel sont plongés les blockbusters hollywoodiens (après les attractions Disney, et les jouets pour enfants, on en arrive carrément aux adaptations de jeux de société et de construction !!  A quand une version ciné du mille-bornes ??), on a bien été obligés de replonger la tête dedans… et bien nous en a pris.

Entre un Bellflower à la hype hautement méritée, et quelques sorties plus discrètes (Martha Marcy May Marlene, Winter’s Bone l’an passé), voire carrément inédites chez nous (Red White & Blue), le miracle a finalement eu lieu : on a de nouveau envie d’y croire. Retour rapide sur quatre films tout en tension.

Bellflower, Red White & Blue : A la vie, à la mort

S’ils sont loin d’avoir reçu le même accueil (le premier a beaucoup buzzé alors que le deuxième reste inédit en France), Bellflower et Red White & Blue ont pourtant plus d’un point commun : un budget minuscule, des acteurs à peu près inconnus au bataillon, et une franchise partagée dans la volonté de décrire le désarroi de la jeunesse underground américaine, qu’elle terre son ennui à Austin, Texas, ou dans une petite ville californienne. Les jours sont longs, la chaleur écrasante, et le rock et la bière les meilleurs alliés pour lutter contre l’ennui.

Construits sur un rythme similaire (une première partie fausssement calme qui bascule progressivement vers un climax apocalyptique), et des thématiques proches (l’amitié, l’amour, la destruction et la mort), les films de Evan Glodell et Simon Rumley adoptent également la même approche pour traiter de leur sujet : un romantisme post-ado incandescent, presque naif, qui se heurte à une réalité brute aux relents mortifères. Difficile d’en dévoiler plus, du moins sans casser ce qui fait une bonne partie du charme de ces deux métrages : on sent très vite que tout ça va très mal finir, mais on n’a pas la moindre idée de la façon dont celà va se dérouler.

En dépits d’atours un peu hype (bande son indie ultra pointue, mise en scène très léchée), Bellflower et Red White & Blue ne sombrent pourtant jamais dans la vacuité branchouille, bien au contraire. Bourrés de (petits) défauts, mais portés par une sincérité rare, ils renouvellent avec brio et modestie une lignée cinématographique entamée par des cinéastes comme Gregg Araki ou Larry Clark au milieu des années 90. Sans vraiment jamais choisir entre film d’auteur et cinéma de genre, ils dégagent une singularité et un puissance d’attraction qu’on croyait presque perdue. Rien de révolutionnaire en soi, mais une telle absence d’angélisme et de manichéisme, c’est déjà beaucoup.

Winter’s Bone, Martha Marcy May Marlene : L’Amérique très profonde

Bien qu’ils ne boxent pas dans la même catégorie (au relatif amateurisme de Bellflower et Red White & BlueWinter’s Bone et Martha Marcy May Marlene opposent des acteurs de haute volée et une maîtrise assez virtuose du langage cinématographique), les films de Debra Granik et Sean Durkin partagent néanmoins avec les précités quelques points communs. L’emploi de certains codes du cinéma de genre dans le contexte d’un film d’auteur, par exemple, mais aussi la volonté de renouveler des univers a priori déjà explorés par le biais d’une (hyper-)tension quasi permanente.

Situé dans le cadre des Monts Ozarks, une région reculée, sauvage et inhospitalière du Midwest américain, Winter’s Bone décrit la quête effrénée d’une jeune fille de 17 ans (Jennifer Lawrence, qu’on a retrouvé depuis à l’affiche du dernier X-Men et de Hunger Games) pour retrouver son père, et ainsi assurer la survie du reste du foyer familial, menacé d’expulsion. Obligée de poser des questions qui dérangent dans un territoire où règne la loi du silence, la production de crystal-meth et l’endogamie, elle va se confronter à un voisinage hostile avec une détermination quasi-obsessionnelle.

Echappée d’une communauté rurale sectaire qui ressemble fort à celle de Charles Manson à la grande époque, Martha, l’héroine de Martha Marcy May Marlene (Elizabeth Olsen, petite soeur des tristement célèbres Olsen Twins, mais heureusement bien meilleure actrice que ces dernières) , trouve refuge dans la maison de campagne de sa soeur et son mari, mais refuse toute explication à ces derniers. Désorientée et perturbée, on la sent terrifiée à l’idée de se retrouver confrontée à son passé, au propre comme au figuré…

Portés à bout de bras par les performances de leurs actrices, les deux métrages font le choix d’un naturalisme sec, qui transforme des sujets a priori propices aux mélodrame et à l’effusion de sentiments en quasi-thrillers brut de décoffrage. Là encore, on ne sait jamais trop dans quoi on va se faire embarquer, mais on se retrouve rapidement captif d’atmosphères lourdes et hostiles qui ne relâchent jamais la pression.

Préférant une approche hyper-réaliste à un traitement balourd style “sujet de société”, Winter’s Bone et Martha Marcy May renouvellent en beauté l’art du récit cinématographique, évitant avec adresse les innombrables écueils qui semblaient les menacer. Qu’ils servent de référence aux futurs réalisateurs voulant s’éloigner du moule “Festival de Sundance” est bien tout le mal qu’on peut leur souhaiter.

Bellflower est actuellement visible en salles, et avec un peu de chance, Martha Marcy May Marlene aussi si vous habitez dans une grande ville. On reviendra de toute façon sans doute dessus pour leur sortie en DVD.

Winter’s Bone est disponible en DVD et Bleu-Rai chez M6 Video. Red White & Blue aussi, mais en import uniquement et a priori sans sous-titres. Ainsi va la vie.

S’il y a d’autres films américains indépendants récents vous ont marqué ces derniers temps, on attend avec impatience vos suggestions dans les commentaires. Si vous trouvez que non, le cinéma indépendant américain n’a pas du tout perdu de son intérêt au cours de la décennie précédente, vous avez tort, mais vous pouvez toujours essayer de nous convaincre du contraire au même endroit.

1 commentaires sur “Cinéma indépendant US : un nouvel espoir ?”

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