The dictator

S’il fallait reconnaitre un savoir faire au turbulent trublion Sacha Baron Cohen, ce serait sans conteste celui de  mettre son spectateur dans la position inconfortable du décrieur arrosé.

Surpris que nous sommes, à chacun de ses méfaits cinématographiques (peu nombreux mais suffisamment gros pour avoir été largement médiatisés), de nous retrouver poussés instinctivement au rire, avant d’être presque immédiatement rattrapé par le sentiment honteux de cautionner ainsi un humour si graveleux.

On ne change pas une satire qui tache, mais qui gagne (en succès, ce quelle perd forcément en finesse), car c’est un fait : les vannes de cours de récré font toujours recette. Aussi, le spécialiste des personnages hauts en couleur (et bas de caleçon) revient donc aux affaires avec ce qu’il sait faire de pire : le portrait parodique à tendance grivoise. Après avoir successivement endossé l’habit d’un white gangsta fortuné (Ali G), d’un reporter Kazakh chasseur de gitans (Borat), et d’un journaliste autrichien homosexuel antisémite (Brüno), le voici donc parti à dos de chameau (et à la barbe des frères musulmans), s’en aller tailler le costard à toute la caste dictatoriale, sous le turban du bien nommé général Aladeen, a.k.a. ‘The Dictator’.

Pari diablement osé, en parallèle du tumulte syrien, de faire un film satirique ancré dans une actualité bouillonnante. En ces temps de souffle révolutionnaires au proche Orient, on se prend même à  espérer que le pollen porté par le printemps arabe saura faire éternuer le frère Cohen un peu plus loin que dans le kleenex habituel. La géniale campagne promotionnelle (allant du trailer politiquement incorrect, aux vœux hilarant adressés au président français fraîchement intronisé) ayant habilement assis le caricatural oppresseur-bien aimé sur son trône, il est d’autant plus regrettable de constater que, dès la première demi-heure, Baron va se contenter d’y faire la grosse commission.

Et ceci sans grossier jeu de mot, puisque lors d’une séquence improbable (aux allures de Tex Avery trash), on y voit le dictateur fantasque, suspendu entre deux immeubles New-yorkais, déféquer sur des piétons pour faire du leste … L’étron est donné !  Sans doute afin d’éviter de retomber dans l’aspect pseudo-documentaire (et donc très décousu) de ses précédentes diatribes, le comique britannique s’emploie pourtant à recouvrir son nouveau pavé d’une mince structure narrative.

Très mince même, puisque le nœud de l’intrigue se limite à une banale affaire de complot interne, maladroitement entrecroisée d’une amourette cul-cul pralinée, et ne débouchant finalement que sur un succédané de sketches potaches, alignant comique de situation, de répétition (à outrance !), quiproquos et blagues vaseuses, mais aussi scènes burlesques débordantes d’excès (en somme, tout l’arsenal du terrorisme comique qui pète à la figure sans s’encombrer d’une quelconque stratégie humoristique).
Pas loin d’un ‘wouanman’ show qui tournerait à vide, Baron Cohen se fait même plaisir (sans manifestement se sentir coupable) en jouant la bêtise exponentielle (il y interprète aussi le rôle de la doublure d’Aladeen, ersatz lobotomisé de original, déjà pas bien fourni en neurones).
Au milieu de cette pantalonnade sous jilbab, quelques guests inattendus font sourire par leur passage éclair (Gad Elmaleh, en insoumis révolutionnaire et Megan Fox, en prostituée de luxe) pendant que les premiers rôles eux, cabotinent sur la longueur : Ben Kingsley, roulant les yeux à la manière des vilains de bandes dessinées, et Anna Farris, refaisant son éternel numéro de trentenaire américaine allumée (ici, une hippie féministe sensée donnée le gage sentimental au tortionnaire sans cœur).

Bref, on comprend vite que l’ambition du projet a volontairement été lâchée dans le sable mouvant, et que le pamphlet politique acerbe que l’on était en droit d’attendre ne viendra jamais, supplanté par un sympathique bouffon en roue libre, qui se préoccupe avant tout d’avoir des missiles à bout pointu (parce qu’une pointe ça fait peur, alors qu’une tête chercheuse ronde, ça fait robot-dildo … Dixit l’intéressé).
Le tacle ironique sera simplement esquissé dans une tirade finale expéditive, où ce cher dictateur, soudainement animé d’un élan humaniste, se lancera dans une apologie détournée du modèle démocratique occidental (où le système capitaliste se trouve raillé comme la pire des aliénations).
Un peu léger, pour un film qui se montre bien lourd. Il voulait se faire khalife en lieu et la place des khalifes de ce monde; mais SBC n’accouche que d’un personnage de South Park mal dégrossi et joué live.
‘He’s no good ?’ … For sure !

Sortie en salles le 20 juin 2012

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