Dark shadows de Tim Burton

En 1752, Joshua et Naomi Collins quittent l’Angleterre en bateau avec leur jeune fils Barnabas pour s’expatrier en Amérique. Mais une malédiction pèse sur cette famille. Et l’éloignement ne peut tout résoudre. Une vingtaine d’année passe et Barnabas, beau jeune homme ténébreux, a l’avenir devant lui dans la ville de Collinsport. Riche et puissant, il est de surcroît un séducteur invétéré. Tout va pour le mieux jusqu’ jusqu’à ce qu’il brise le cœur d’Angélique Bouchard, une sorcière d’origine française (et oui, nous sommes désormais les méchants de service). Elle va lui jeter un sort plus terrible, plus maléfique que la mort : Désormais immortel, Barnabas va être transformé en vampire et enterré vivant. De plus, jalouse de l’amour que Barnabas éprouve pour la belle, elle va précipiter la jeune femme dans un précipice et provoquer sa mort.

Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe. Il débarque en 1972 et va se rendre compte que le monde a changé.

Hypothèse douloureuse, notamment pour les fans du créateur de Monsieur jack et d’Edward aux mains d’argent : et si Tim Burton avait perdu la flamme, ne vivant aujourd’hui que sur un glorieux passé  et ne proposant rien d’autre que ce qu’il sait faire (à merveille) sans chercher à innover. Au moment où la cinémathèque de Paris lui rend hommage à travers toutes ses créations picturales et cinématographiques, la perte d’inspiration  est flagrante. Au fond, quel est le dernier chef d’œuvre d’un auteur aujourd’hui très médiatisé et souvent plus formaté qu’on ne l’admet généralement.  Les derniers Burton, si l’on excepte le très sombre et mélancolique Sweeney Todd, singeaient l’univers très codifié du cinéaste sans parvenir à le renouveler. Désolé, mais La planète des singes, les noces funèbres, Big fish et Charlie et la chocolaterie me paraissent bien terne par rapport à la magie d’Edward ou la déclaration d’amour au 7ème art d’Ed Wood.

Le retour de Tim Burton au sommet de son art était la gageure de son nouveau film,  très excitant sur le papier. Dark shadows est l’adaptation d’une série culte réalisée entre 1964 et 1971, sortie de l’imagination d’un des artisans les plus méconnus du fantastique : le regretté Dan Curtis, décédé en 2006.  Dan Curtis a traumatisé tout une génération, aujourd’hui vieillissante, de téléphages avec La malédiction de la veuve noire. Il a aussi réalisé une excellente ghost story, très supérieur à tous les Amityville, le méconnu Trauma. Rendre hommage à ce cinéaste discret, ayant surtout travaillé pour le petit écran, est déjà salutaire et prouve à quel point Burton est imprégné de culture populaire.

Dark Shadows est un conte gothique qui s’ouvre de la plus belle manière. Le prologue est une vertigineuse plongée dans les arcanes du l’univers désenchantée d’un certain romantisme gothique. Magnifié par une photographie splendide et des décors démesurés, le sens du récit de Burton laisse présager un grand film. Une voix off narre l’histoire de la malédiction de Barnabas. En 5 minutes de poésie sombre, Burton nous offre un court-métrage absolument génial.

Une fois le dispositif en place, l’histoire, enfin celle que Burton veux nous raconter, se transforme alors en une comédie macabre teintée de satire sociale. Et c’est nettement moins bon. Le télescopage esthétique de deux époques est pourtant fascinant à bien des égards. L’atmosphère quasi victorienne de la grand demeure de la famille Colllins en conflit avec la modernité psychédélique offre de beaux moments plastiques mais Burton se noie dans des facilités indignes de son talent, notamment en ce qui concerne tout le ressort comique sur les paradoxes temporels autrement plus efficaces dans un film mainstream comme Retour vers le futur. Il y a un petit côté Les visiteurs déplaisant. Lorsque Barnabas croise l’enseigne rouge vif du Macdonald et s’écrie « Méphistophélès » pour bien nous faire comprendre que la chaîne de bouffe alimentaire c’est le diable ; Amusant mais facile. La séquence avec les hippies à la ramasse a même un relent légèrement réactionnaire. Ces défauts sont heureusement compensés par une direction artistique impeccable, une BO formidable faisant la part belle à quelques classiques seventies et une interprétation survoltée d’un Johnny Depp en roue libre et  de la géniale Helena Bonham Carter en psy de pacotille.

Divertissant mais sans grands enjeux thématiques, Dark Shadows n’est guère plus emballant que La famille Adams avant de rappeler dans le dernier quart d’heure frénétique et baroque que Tim Burton est aussi l’auteur de Batman le défi. Le combat entre Barnabas et la sorcière, sauvage et ambigu, reste un morceau de bravoure inégalé dans lequel le cinéaste se complait sincèrement dans son affection pour les monstres, les corps déformés, la solitude des êtres doués de pouvoir hors-norme.

Inégal et brillant, Dark shadows pêche au final par un manque d’ambition, une certaine timidité dans l’écriture. La part de subversion de ses meilleurs œuvres semble en effet lointaine.

(USA-2012) de Tim Burton avec Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter

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