Abraham Lincoln, chasseur de vampires

C’est un boom qui n’aura échappé à personne (surtout sous un été dominé par deux grandes figures du comix made in US), Hollywood est en quête constante de super héros à offrir à la nation du ‘self-made man’.
Seulement, depuis quelques temps maintenant, le filon des stars en collant issues des écuries DC et Marvel, semble s’épuiser dangereusement, au point de donner lieu à des remakes et reboots de films n’ayant même pas 10 ans d’âge, pour de ne pas laisser le soufflet retomber.
Autant dire qu’Abraham Lincoln, chasseur de vampires, avec son titre immédiatement racoleur, flattant le patriotisme aiguë des américains dans le sens de la barbe, arrive à point nommé pour attiser l’attention des studios avisés.
Avisés (et assurés de faire rentrer la monnaie), mais pas audacieux pour un sous, satisfaits de s’en tenir au simple pitch du quatrième de couverture du roman éponyme, et de s’en remettre à un producteur ayant le vent en poupe (Tim Burton), pour lâcher une bonne grosse série B bruyante, pétaradante mais inconsistante, simplement destinée à alimenter en excentricités légères les grilles de sorties estivales.
Certes, le 2nd roman de Seth Graham Smith, habitué des travestissements historiques (son premier pavés, Orgueil et préjugés et zombies, revisitait déjà le classique de Jane Austen par le biais de la contre-culture populaire), était une œuvre assez sombre, et finalement peu démonstrative (les passages gores s’y comptaient sur le marque page); mais il parvenait, derrière une vraie-fausse biographie transgressive du 16éme président des Etats-Unis, à mêler subtilement réalisme et fantastique par une approche métaphorique de la figure du vampire (évoluant librement dans un pays dominé par l’esclavage), tout en dopant ses enjeux politiques d’une lutte sanguinaire contre les forces du mal.

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

De cet habile exercice littéraire, contournant les failles de l’histoire par des détours surnaturels, il ne reste pas lourd tribut à l’écran.
A peine quelques séquences (les plus marquantes), stratégiquement placées pour donner l’illusion d’un script maitrisé, alors qu’au finish, ce film  épileptique s’avère être un sacré foutoir.
On retiendra donc une belle intro, bercée par une photographie post-Hammer, où le jeune Lincoln cèle son destin autour d’une promesse de vengeance, après sa première funeste confrontation avec un vampire (expéditive mais efficace); une seconde scène qui noue les vrais enjeux de la guerre de sécession, et aurait pu donner corps au film (si elle n’était pas aussi sommairement exposée); et enfin un épisode au fort potentiel dramatique en bout de course, montrant le jeune fils du président emporté par une créature de la nuit (mais là encore, trop furtive pour confiner au tragique).
L’ambition ici (si tant est qu’il est en ait une ?), n’est clairement pas de marcher dans un univers littéraire proche d’Entretien avec un vampire, ni même de satisfaire les lecteurs séduis par la version papier, mais bien de fournir une copie suffisamment claquante visuellement pour faire lever le jeune public de sa serviette de plage.
C’est d’ailleurs certainement la principale raison expliquant que Timur Bekmambetov se soit vu confier le job, pour son aptitude à noyer l’imbroglio de ses histoires dans des maelströms graphiques exubérants (au fait … Day/Night watch et Wanted, ça racontait quoi au juste ? …).
Car des séquences de débauche visuelle, le métrage en regorge; bombardant le récit d’anachronismes esthétiques comme on n’en avait plus vu depuis le foutraque Pacte des loups (des sidekicks et combats aériens dignes de jeux vidéo en plein 19ème siècle), abusant de postures clippesques ringardes et hors sujet, ou alignant les moments d’esbroufe sans aucune justification narrative (comme un jeté de canassons en pleine course-poursuite, qui provoque forcément l’hilarité), lorsqu’il ne marche pas maladroitement sur les plates bandes du cinéma de genre (l’épisode du training, calqué sur celui d’Highlander, où le jeune président se découvre une force herculéenne en une minute chrono, est d’un ridicule édifiant).
Des effets ‘très’ spéciaux, sur le rendu de l’ensemble, et qui n’en ont d’ailleurs que le nom, puisqu’en plus d’être datés et abscons, ils s’avèrent incroyablement laids, pas aidés par un 3D anecdotique (a peu prêt aussi transparente que le jeu d’acteurs manifestement recrutés au faciès).
Comme toute promesse d’homme politique qui ne se respecte pas, celle de ce président fantasque (supposé héros de l’ombre et outrageusement mis en avant sous les néons numériques), est donc loin d’être tenue.

Trahissant son support d’origine au point d’en être la parfaite antithèse en terme de traitement.
“Ce que je veux savoir avant tout, ce n’est pas si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec” … La citation est de Lincoln himself, et on la soumettra volontiers à Bekmambetov et Tim Burton, sans être certains qu’ils en saisissent toute la portée.
Les récentes interviews démontrant chez les deux hommes une certaine fierté d’avoir réalisé là ce qui restera peut-être comme l’uchronie la plus ratée du cinéma.

Une date en soi.

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