Viridiana de Luis Buñuel

Viridiana, une jeune femme,  entend consacrer son existence à Dieu, et rentrer dans un couvent. Avant de porter définitivement le voile, elle se rend chez son oncle pendant quelques jours. Ce dernier, troublé par sa ressemblance avec sa défunte épouse, va abuser d’elle puis, pris de remords, se suicider. Viridiana ne rentre pas au couvent. Elle hérite du vaste domaine de son oncle qu’elle va transformer en cour des miracles pour les nécessiteux.

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Le scénario de Viridiana  est absolument parfait, équilibre magique et jouissif entre incursion surréaliste, fable cruelle sur la bonté, farce anticléricale et critique de la bourgeoisie parvenue.

Viridiana marque le retour de Buñuel en Espagne après une longue absence et une série de chefs d’œuvre réalisés au Mexique  : Los olivados, El et la vie criminelle d’Archibald Cruz. Après un bref passage aux Etats-Unis (La jeune fille), il revient à la réalisation en 1961 dans son pays natal bénéficiant paradoxalement du soutien (si l’on peut dire) de Franco qui accepte que son film représente l’Espagne au Festival de Cannes. Mais, l’irrévérence et la radicalité du propos ne plairont pas au régime qui interdira le film en dépit de son obtention –plus que méritée – de la palme d’or.

En fin de compte ce n’est pas seulement son anticléricalisme qui heurta les sensibilités de l’époque mais aussi la crudité et la lucidité avec laquelle il examine la mentalité espagnole. Adepte du surréalisme, passionné par les arts, obsessionnel né et fétichiste notoire, Buñuel demeure en revanche un grand pessimiste ayant une vision du monde ultra réaliste et sans illusion. Ironique et vicieuse, la morale du film qui n’en est pas une, se résume à cette contradiction : parfois plus on fait le bien,  plus on fait le mal.  Aphorisme absurde mais ô combien vérifiable chaque jour !

Viridiana essaie d’aider de son mieux les rebus de la société mais ne fait que précipiter leur chute. Ces derniers sombreront encore davantage dans l’anarchie et le chaos. La religion en prend pour son grade et dans une ultime provocation dont il a le secret, Buñuel recrée la Cène à sa manière dans le cadre d’une orgie de mendiants qui n’en ont rien à cirer de la charité chrétienne et qui mettent l’église à sac.

La clairvoyance du réalisateur ne lui permet pas de s’en prendre uniquement à l’idéologie chrétienne. La bienséance bourgeoise en prend aussi pour son grade avec cette scène géniale ou Jorge, l’héritier de la vaste demeure,  décide d’adopter un petit chien maltraité par son maître qu l’avait attaché à une calèche pour une marche forcée. Une bonne action n’empêche pas le monde de tourner. Et le plan suivant montre un autre chien dans la même posture. La vie est ainsi faite. C’est le sort commun des animaux d’être traités ainsi. Buñuel ne juge pas mais s’en prend tout de même à une certaine sensiblerie, à un humanisme bêta grâce à un sens de l’ironie redoutable.

De même que l’oncle n’incarne pas la figure du mal en dépit de l’ignominie de son acte. Il s’agit d’un personnage Buñuellien en diable, féru d’art et fétichiste, au même titre que le jaloux psychotique d’El ou Archibald Cruz, ce tueur en puissance qui ne passe jamais à l’acte. Pour Buñuel, le bien et le mal sont des concepts relatifs issus de la pensée judéo-chrétienne.

Viridiana est paradoxalement l’un des films les plus clairs, les plus directs de son auteur. Il est pourtant chargé en symbolismes divers, en métaphores sur l’état du monde. Sauf que toutes les idées et les obsessions du réalisateur de L’âge d’or passent avec une limpidité stupéfiante. Buñuel retrouve  le génie de L’ange exterminateur, il  gratte là où ça fait mal, livre un film aussi radical qu’intelligent. 53 ans plus tard cette fable féroce n’a rien perdu de sa subversion et de sa fraîcheur. Surtout par les temps qui courent.

D’autant que le blu ray est splendide même si on peut légèrement regretter le recadrage 1.85 d’un film initialement en 1.66.

 (ESP-1960)  de Luis Buñuel avec Silvia Pinal, Francisco Rabal, Fernando Rey 

 Blu ray/ dvd Sidonis. Format : 1.85.Audio : Espagnol (Mono). Sous-titres : Français.

Bonus : portrait de luis Buñuel, bande-annonce

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