Jessica Forever, de Poggi & Vinel

Dans un monde futuriste, de jeunes marginaux volent et tuent pour subvenir à leurs besoins. Poursuivis par les forces spéciales (une armée de drones), ces orphelins trouvent refuge dans le clan de Jessica.

Avant de voir le film, il faudrait presque écouter l’entretien des deux réalisateurs présent sur le blu-ray, afin d’avoir les clés pour comprendre de quoi il retourne. Couple à la ville et derrière la caméra, Jonathan Vinel et Caroline Poggi livrent un film qui leur ressemble avant tout. Ils n’ont pas de discours si ce n’est de raconter ce qu’ils sont, à travers des scènes privilégiant l’esthétique et les sensations.

Poggi/Vinel font un cinéma 3.0 sévèrement disruptif où se télescopent science-fiction et cinéma sociétal. Ainsi, une milice lourdement armée se retrouve dans les lieux banals que sont ces quartiers pavillonnaires impersonnels. Et tout cela en baignant dans un style évoquant le cinéma français d’auteur dans ce qu’il a de plus triste. Les dialogues sont débités avec un rythme lent, de façon monotone. Les mots sont chuchotés façon ASMR. Soit on trouve cela horripilant, soit on se laisse bercer.

Le côté cool, c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’en tenir et chaque scène promet son lot de surprises. Par contre, il faudra trouver impérativement un écho aux obsessions de Poggi et Vinel sous peine de ne rien capter à l’expérience. Les deux auteurs développent un fétichisme pour les objets : une clé usb, un livre de Stephen King, un kitkat, un ipad, des compotes à boire, des céréales kellogs, de la bouffe surgelée, des nouilles instantanées et… les armes à feu. Ce clash entre un quotidien matérialiste à outrance et un récit de chasse à l’homme brutale stimule l’imaginaire. La violence est omniprésente mais elle est à la fois un objet de fascination et de crainte. Sa représentation dans le film résume l’évolution des images avec Internet, où l’on trouve à la fois la violence fun des jeux-vidéos, et la violence réelle capturée au smartphone, disponible à un clic de là.

Les deux réalisateurs enchaînent les images iconiques, convoquant en vrac tout un tas de références visuelles. Il y a quelque chose de très satisfaisant dans leurs images car ils essaient des choses, en se laissant guider par leur instinct, recherchant la beauté dans l’horreur, la poésie dans le quotidien. Ils sont les petits enfants de Leos Carax, Philippe Grandrieux et Bruno Dumont. Avec la clique de post-adolescents rebelles, on pense aussi à Harmony Korine et sa fascination pour les jeunes freaks en marge de la société. Tous ces réalisateurs n’en font qu’à leur tête, et ils n’hésitent pas à caresser le spectateur à rebrousse-poil avec des méthodes radicales.

Le blu-ray contient également trois courts-métrages dont le fameux Tant qu’il nous restera des fusils à pompe, qui est en fait le germe de Jessica Forever. Chiens de Caroline Poggi toute seule est plus que bizarre. Le film fait le portrait d’un chasseur isolé dans la montagne et qui dépèce un sanglier. After School Knife Fight reprend également les obsessions pour ces jeunes adultes mélancoliques se retrouvant au milieu de nulle part pour partager un dernier moment ensemble.

Jessica Forever est disponible en combo dvd+blu-ray chez Le Pacte.


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