Source Code à l’Etrange Festival

Un homme se réveille dans un train. Il ne reconnait rien, même pas la jeune femme en face de lui qui semble être sa compagne. Le train explose quelques minutes plus tard. Ce que Colter Stevens ne sait pas encore, c’est que son destin est de revivre cette scène en boucle jusqu’à ce qu’il élucide ce qui s’est passé ce matin-là.

*Spoilers légers sur Moon & Source Code*

Duncan Jones avait débarqué de nulle part avec son premier ouvrage, un petit film de science-fiction à l’ancienne, intimiste et contemplatif, mené par un formidable Sam Rockwell. Moon était du genre discret, Moon était un peu long à suivre, mais Moon avait quelque chose d’unique. Il avait une âme.

À son deuxième film, Il s’avère que non seulement Jones est un réalisateur doué mais également un auteur, tant ses deux films ne parlent au fond que d’une chose : le combat individuel face à un système froid et clinique, où David serait incarné par un homme seul face à des Goliath-lobbys qui ont un contrôle absolu sur sa personne. Il est leur machine, leur outil. Cela a toujours existé, mais bientôt, ce sera pire, semble suggérer Jones, puisque certains manipuleront la substantifique moelle des êtres humains.

Jones semble préoccupé par un thème : Qu’est ce que l’identité humaine ? Qu’est-ce qui fait de nous des humains ? Dans son premier film, l’homme est dénaturé dans le futur par les entreprises au point de voir son unicité falsifiée pour des buts économiques. Dans le deuxième, le complexe militaro-scientifque expérimente la programmation des cerveaux, sois-disant pour de nobles raisons. Dans les deux cas, la science officielle transgresse ses limites éthiques. Cela est clair pour le premier où un lobby utilise le clonage, mais bien plus subtil ici quand la souffrance d’un seul permet de sauver des millions d’autres.

Le principe narratif, une fois établi, est limpide, dans cette variation qui aurait pu être un épisode de La Quatrième Dimension saupoudré de Philip K. Dick : le héros ne dispose que de huit minutes qui peuvent être rembobinées. Huit minutes de témoignage réellement vécu, un bout résiduel de perception prélevé dans le temps passé pour mener une enquête d’une importance cruciale.

Déstabilisé au tout début, le spectateur va avoir les clés en mains relativement vite comme dans un jeu de piste, c’est alors plutôt sur les terres de Sir Alfred que Jones chasse quand Stevens enquête en huit-clos sur un cortège de personnes toutes aussi suspectes les unes que les autres, à coups d’essais et d’erreurs, forcément ludiques.

Le récit est bien tenu, il n’y a pas d’afféteries, même si on sent les rouages tourner derrière l’écran et les Tips & Tricks de scénaristes. Bien entendu, certaines conventions typiquement hollywoodiennes sont à l’oeuvre Qu’importe, Jones s’intéresse plus à son personnage remarquablement interprété par Jake Gyllenhaal et à son suspense qu’à des effets de manche et à une supposée originalité.

Le postulat paraitra bien classique pour quelqu’un ayant lu un tant soit peu de littérature science-fictionnesque (ou vu Code Quantum), mais l’essentiel n’est pas là. Jones arrive à mener par le bout du nez son spectateur sans jamais s’éloigner du coeur (au sens émotionnel) de son histoire. La grande force du réalisateur, c’est qu’il ne tombe jamais dans le pathos mais encore moins dans le cynisme, on peut même affirmer qu’il fait preuve d’un humanisme estimable.

Le seul problème étant qu’au bout de quelques voyages, le principe de répétition peut vite atténuer l’attention du spectateur. De plus, l’investigation, malgré le postulat alambiqué, ne concerne qu’une “banale” affaire de terrorisme (cliché post 9/11 usé jusqu’à la corde), comme Inception n’est en fait qu’un caper movie (ou “fim de casse”) que l’on a cherché à rendre plus compliqué. Mais la conclusion, même si elle est prévisible, emporte l’adhésion en prenant une tournure philosophique (d’aucuns diront qu’elle est bien trop prévisible). Elle l’emporte, tant l’empathie avec le personnage de Stevens nous a gagné. Comme Moon, l’histoire, après tout, ne se voulait que claire et touchante.

Source Code est respectueux des genres qu’il aborde mais en gardant l’émotion au centre du récit. Avec Moon, Jones s’avérait être un réalisateur prometteur. Maintenant, c’est confirmé, il va vraiment falloir compter sur lui.

3 commentaires sur “Source Code à l’Etrange Festival”
  1. Déçu pour ma part. Moon avait des défauts principalement de “petit film”. Pas trop d’ambition, des maquettes un peu trop voyantes, quelques longueurs mais c’est un film qui donnait bon espoir. Pour moi, Duncan Jones sombre du côté osbcur de la force (Hollywood) avec Source Code.

    Le film ne sait pas trop comment finir et nous propose plusieurs fins inutiles. La réconciliation avec le père pour moi, c’est quand même du bon pathos larmoyant. De même, les gens qui rient tous une dernière fois, c’est mielleux au possible. Et enfin la dernière fin, que je ne dévoilerai pas mais qui s’inscrit un peu mieux dans l’univers. Ca fait beaucoup de fins.

    De plus, le concept est déjà vu et exploité jusqu’à la moelle par Un jour sans fin. On a juste remplacé la marmotte par une bombe et Bill Murray par Jake Gyllenhaal. Pas sûr qu’on gagne au change. Dans une moindre mesure, ça ressemble aussi à Déjà vu de Tony Scott, qui exploitait la même sorte de trame policière (mais je m’en souviens pas bien).

    Pour finir, le prétexte de la bombe et la personnalité du “terroriste” ne m’ont pas du tout convaincu. Difficile d’en parler sans spoiler mais disons que le méchant est transparent au possible et ses motivations tout à fait stupides (ça n’aide pas à l’empathie pour les “gentils”).

    La seule partie qui m’a paru intéressante et flippante, c’est la situation du personnage principal (les dialogues avec l’extérieur et ses “supérieurs”), son lieu de vie et sa condition; des interrogations philosophiques directement liées aux éléments futuristes et imaginaires. Mais c’était déjà les éléments les plus intéressants dans Moon.

    Un bon petit film de divertissement mais j’en attendais bien plus du réalisateur.

  2. Tu remarqueras que je n’ai pas prétendu que ça soit l’originalité le but de la manoeuvre. J’avoue que l’extrême classicisme de l’attaque terroriste, dans le genre cliché post 9/11 se pose là. Et je te rejoins (en partie) sur l’aspect Hollywood Powa de certaines scènes.

    Comme toi, ce que je préfère dans le script c’est la situation d’urgence du personnage principal et comment il gère les évènements, contre les forces qui le dominent, et au-delà, les notions humaines que ça suggère. Personnellement, j’aime beaucoup, on revient à des choses à hauteur d’hommes, avec des valeurs de base à la Cary Grant dans La Mort aux Trousses. C’était pas le but de faire un 2001 pour le réalisateur mais juste de faire un divertissement qui ne prend pas les spectateurs pour des ânes, et je trouve ça louable.

    Maintenant, le côté obscur, j’y crois pas vraiment, je trouve le film sobre dans ses effets, un peu “old school” comme l’était Moon, mais cette fois-çi dans le thriller SF. Pour moi, Jones ne s’est pas renié, il a déjà une cohérence dans ce qu’il fait.

  3. Chouette texte, mais j’ai dû sauter des lignes pour éviter de me spoiler Moon, que j’ai toujours pas vu (et je dois pas être le seul).
    Fais gaffe, hein, c’est pas comme si tu disais que Dark Vador est en fait le… Ouais, enfin voilà, quoi…
    Faudra que je me matte ce Code Source (ce sera surement mieux que Sucker Punch. Nan, laissez tomber, aucun rapport.)

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