Sinister, de Scott Derrickson

Voici arriver l’automne, saison des feuilles mortes et des citrouilles un peu fades, qu’on n’hésite pas à resservir en soupe froide.
Époque un peu terne, mais bénie des producteurs de films d’horreur classés PG-13, habituellement fustigés pour leur manque de hardiesse et qui, sous l’impulsion du calendrier, voient miraculeusement retomber les billets investis sur des projets cagneux, comme les feuilles de marronniers .
La critique est facile, mais le prétexte d’Halloween pour nous lâcher des bobines feignantes et tapineuses l’est tout autant.
Et ce Sinister, pur produit du moment, surfant sur la vague du found-footage, en bricolant maladroitement un scénario à tiroirs, destiné à s’ouvrir sur à peu près toutes les thématiques du genre, ne sera pas la bonne surprise qui viendra s’inviter à la fête des macchabées cette année.
Car si l’on ne doute pas qu’il saura faire forte figure (l’accroche ‘par les producteurs de …’ a été savamment choisie), il s’avère bien trop mesquin pour être honnête.
Alors voici le topo, Elison Oswalt (Ethan Hawke, qu’on a connu plus inspiré) est un auteur de romans policiers qui puise son inspiration dans de sinistres crimes ayant réellement eu lieu.
Sa carrière plongeant dans le creux de la vague, il  décide de s’installer avec femme et bambins dans une maison au lourd passé, afin de raviver sa flamme créatrice.
Et il y a matière, puisque le lieu en question fut le théâtre d’une tuerie de masse, saignant toute une famille, à l’exception de la fille cadette (mystérieusement portée disparue).
Bien décidé à mener sa propre enquête sur cette affaire, le romancier-détective passe au peigne fin sa nouvelle demeure et fait une sordide découverte dans le grenier : une boite contenant des snuff-movies, tournés en super 8 et mettant en scène des meurtres particulièrement malsains orchestrés par un énigmatique personnage démoniaque : Mister Boogie.

 
Le menu est à peine donné que le plat vous semble déjà familier ?
C’est normal et c’est encore sans compter sur le fait que Scott Derrickson va s’appliquer à bien y mettre les deux pieds dedans.
CV consulté, on savait ce réalisateur roublard (son Exorcisme d’Emily Rose était un vrai film de procès maquillé en faux film fantastique) et cossard (son remake désincarné du Jour où la terre s’arrêta reposant uniquement sur des FX réactualisés).
Il cumule ici ces deux tares : sur le fond, en hésitant constamment entre le thriller surnaturel à l’ambiance singulière et l’horreur choc à tendance voyeuriste (sans jamais percuter que l’un nuit forcément à l’autre), et sur la forme, en s’évertuant  à copier grossièrement les classiques du genre, sans réelle visée référentielle (ce qui aurait pu le dédouaner: clin d’œil avoué à demi pardonné).
Le tour d’horizon brasse donc large et nous trimballe ainsi à travers les sentiers maintes fois foulés de la bicoque hantée, de la vidéo maudite, du torture-flick réaliste, de la paranoïa dérivant vers la démence, des sciences occultes convoquant Satan, des enfants diaboliques ou encore du croquemitaine.
Un grand désordre scénaristique, auquel on a beaucoup de mal à adhérer, d’autant qu’en termes de traitement le film manque cruellement de rythme (une bonne partie de l’intrigue traine volontairement du pied en nous plantant, en temps réel, devant les visionnages successifs des bobines perverses) et surtout de style, tout l’arsenal du film de frousse étant déchargé (ombres furtives, apparitions spectrales, zoom et accélérations, et effets sonores boostant le sursaut).
Ce manque d’originalité et de cohérence aurait pu être lissé, si seulement Derrickson avait su exploiter la menace de son environnement (l’inquiétante propriété ressemblant étrangement à la villa où Sharon Tate fut assassinée) ou s’il avait développé plus en profondeur ses personnages (cette famille subissant de plein fouet les éprouvants travaux d’investigation du père).
Mais c’est tout l’inverse qui s’opère à l’écran.
L’effritement familiale, qui aurait du être la charpente du film sur un tel sujet, est à peine égratigné par quelques dialogues anecdotiques, ou prétextes à sortir d’une boite en carton des scènes électrisantes classées sans suite (comme les terreurs nocturnes du fils, idée intéressante laissée à l’état de friche).
Idem pour l’étouffant huis-clos qui aurait pu se jouer à l’intérieur de ce lieu unique, influant sur l’état psychologique de ses occupants, mais qui se voit sans cesse court-circuité par l’intervention de personnages satellites (le plus handicapant restant celui du Shérif adjoint, amenant une pointe d’humour totalement hors-sujet).
Ce Shining du pauvre (mais aussi Ring sur le retour), avait tout de même de quoi limiter ici ses dégâts, avançant quelques rares moments de malaises à mettre à son crédit (la séquence d’introduction reprise lors de plusieurs flash-back produit son petit effet).
Mais le réalisateur malhabile se tire encore une balle dans le pied par des choix narratifs arbitraires et incohérents; comme cette idée absurde de faire surgir le terrifiant score de Christopher Young à chaque passage des segments en super 8 (donnant l’impression que la musique est intégrée aux films amateurs).
On s’étonne tout autant de voir Ethan Hawke s’enquiller à longueur de nuits des snuff en vidant des verres de whisky, puis reprendre une vie normale au petit matin.
Ou encore que la découverte dans ses murs d’un scorpion, d’un serpent puis d’un rottweiler (bref, tout le bestiaire satanique) ne l’inquiète pas outre mesure.
Le personnage confinant au ridicule lorsqu’il s’improvise Mc Gyver du montage, en numérisant des bobines anciennes, en deux plans trois mouvements.
Finalement, à trop vouloir faire le petit malin, le réalisateur ne rend pas service au grand Malin, qu’il voudrait manifestement voir s’inviter dans les zones sombres et sinistrées de son nouveau long métrage.
Il ne parvient même pas à faire sortir le diable de sa boite dans un final ultra prévisible, marchant allègrement sur les plates-bandes de La secte sans nom de Balagueró.
Tant et si bien qu’on finit par se dire, qu’en définitive, cette déception prévisible était déjà inscrite dans le titre bipolaire (et pas franchement accrocheur) de l’œuvre : l’adjectif ‘sinistre’ ayant cette double acception de quelque chose de lugubre et de menaçant, mais aussi de triste et d’ennuyeux.
La définition du film d’horreur par Derrickson est manifestement toute choisie, et n’est malheureusement pas celle qui nous fait frémir ici.

Sortie salle le 7 novembre 2012-

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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