Monsieur Méchant, de Fabrice Blin

Entretien avec Fabrice Blin

Quel était ton objectif en réalisant Monsieur Méchant ?
Pour moi, ce court métrage était un test. Je voulais voir si j’étais capable de raconter, en 7 minutes, une histoire simple et à l’humour très noir, dans l’esprit des Contes de la crypte ou du Creepshow de George Romero. Et puis, c’était aussi une volonté de ma part de ne pas être catalogué comme « réalisateur de films d’animation » (même si ça n’a rien d’infamant, bien sûr). Je voulais me faire plaisir en abordant le fantastique, tout en faisant mes preuves dans le domaine du film « live »…

Y a-t-il eu un déclic qui a permis sa réalisation ?
Le déclic principal a eu lieu durant l’été 2007 lorsque la société CWL Production (pour laquelle j’avais déjà réalisé un vidéo-clip en 2006) a donné son feu vert pour le tournage. Tout s’est déclenché très rapidement : CWL a loué le matériel de tournage (caméra, éclairage, etc.) et on a foncé ! En revanche, la post-production a été beaucoup plus longue car on n’avait plus un brouzouf en poche… Heureusement, c’est là que la société Saya Film a décidé de parier sur Monsieur Méchant en prenant en charge le montage image et toute la partie son.

Quel matériel as-tu utilisé et pourquoi un tel choix ?
Il ne s’agit pas d’un choix à proprement parler. Monsieur Méchant a été tourné en HDV, mais uniquement par défaut, pour cause de budget riquiqui. C’est clair que j’aurais préféré tourner sur pellicule 35mm. Cela dit, au final, je trouve la photo très belle pour de la vidéo : le chef opérateur a vraiment fait de l’excellent boulot !

Une difficulté particulière pour la réalisation ?
La seule véritable difficulté, encore une fois, était liée au manque d’argent. Le film a d’ailleurs été conçu dès le départ en fonction de ça : une histoire simple, un tournage en intérieur, peu de personnages, etc. L’idéal aurait été de tourner en studio, mais ce n’était pas envisageable. Alors comme on ne pouvait pas pousser les murs de l’appartement, j’ai conçu mon découpage en fonction de la configuration des lieux et de la place dont on disposait…Par ailleurs, le film a été tourné en deux jours, là où à mon avis, il nous en aurait fallu trois pour avoir un peu plus de confort. Mais j’ai eu la chance d’être entouré par une équipe hyper-pro, solide et enthousiaste qui m’a énormément facilité la tâche !

Quel est ton croque-mitaine préféré (légendaire et/ou cinéma) ?
Pas facile d’en choisir un comme ça, mais c’est vrai que depuis que je suis tout petit, j’ai une fascination pour les histoires d’ogres. Dans certains contes, ces créatures sont même des pères (et mères) de famille qui n’hésitent pas à dévorer leur propre progéniture, une idée que j’ai toujours trouvée franchement flippante !.. Au cinéma, j’ai été énormément marqué par le personnage de Freddy créé par Wes Craven. Tout particulièrement dans le premier opus de la série, Les griffes de la nuit. L’idée d’en faire un serial killer hantant les rêves des adolescents est vraiment géniale car elle implique que l’on ne puisse lutter contre lui qu’en s’endormant. La grande réussite du film à l’époque était d’avoir rendu totalement poreuse la frontière entre rêve et réalité… Et puis, j’avoue que j’ai également une tendresse particulière pour Candyman, le tueur au crochet (là aussi, je parle du premier Candyman, celui de Bernard Rose, un film largement sous-estimé, à mon humble avis). Candyman est une âme damnée, un personnage pathétique et émouvant…

Peux-tu nous décrire rapidement ton parcours (études/expériences/activités) ?
Pour faire bref, on peut dire que je suis un autodidacte puisque j’ai commencé à tourner des petits films avec la caméra Super 8 que j’avais demandée pour mon dixième anniversaire. Et en 1987, j’ai remporté le Grand Prix et le Prix du Public au Festival du Super 8 Fantastique organisé par le magazine Mad Movies, avec un court métrage intitulé Handicapman (qui, comme Lobotoman quelques années plus tard, mettait en scène un cousin crétin de Superman). Inutile de dire que vu mon jeune âge, j’ai été le premier surpris par cet accueil chaleureux ! Par la suite, j’ai eu un parcours assez chaotique (dont un passage éclair d’un an dans une école de cinéma), alternant petits boulots et courts métrages. Et en 2002, j’ai achevé la réalisation de Lobotoman, mon premier court métrage d’animation pro en 35mm, qui a été bien accueilli par les festivals et les télés en France et à l’étranger.

A priori, j’ai vu que tu bossais pour AnimeLand. Est-ce toujours le cas ? Dans quel domaine ?
Ma collaboration au magazine AnimeLand est intimement liée à ma passion de toujours pour le cinéma d’animation. J’y ai été rédacteur régulier entre 2000 et 2006, même si j’avais un statut un peu particulier : celui du type qui s’intéresse à un cinéma d’animation pas uniquement japonais ! Cela dit, je conserve de cette époque de très bons souvenirs, dont l’un des grands moments est ma rencontre avec l’immense Ray Harryhausen, le roi de la stop-motion (Jason et les argonautes, Le septième voyage de Sinbad, Le Choc des titans). D’ailleurs, c’est vrai que, même si la réalisation est mon objectif premier, la plume m’a toujours titillé puisque je suis également l’auteur de deux livres. Le premier, Les mondes fantastiques de René Laloux, est la biographie de René Laloux, réalisateur français de célèbres films d’animation de science-fiction (La planète sauvage, Les maîtres du temps, Gandahar). Le second est le livre making-of de Renaissance, intéressant film de SF français de Christian Volckman, sorti en 2006 .

Ton premier film était un film d’animation. Pourquoi avoir délaissé celle-ci pour Monsieur Méchant ?
Comme je te le disais, on se retrouve très vite avec une étiquette collée sur le front. Or, je ne voulais pas me cantonner uniquement à la réalisation de films d’animation : la prise de vue réelle me passionne tout autant, voire davantage. Et de toutes manières, animation ou film « live » ne sont, pour moi, que des moyens de raconter des histoires. Peu importe l’outil, finalement… Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la carrière de Tim Burton qui sait passer avec génie de l’un à l’autre, tout en restant parfaitement cohérent avec son univers très personnel…

As-tu des projets ?
Oui, bien sûr. Le court métrage n’est qu’un tremplin vers le long. J’espère pouvoir franchir le cap bientôt et j’ai plusieurs projets en écriture. Des projets très différents les uns des autres, mais qui relèvent tous du cinéma dit « de genre » que j’aime par-dessus tout !

2 commentaires sur “Monsieur Méchant, de Fabrice Blin”
  1. Je l’ai vu à une projo. C’est un conte à l’humour noir qui fonctionne bien… Un réal prometteur.

  2. J’ai aussi eu l’occase de le découvrir en projo et j’ai bien aimé. Techniquement, c’est bien emballé et Blin a su instaurer une vraie atmosphère à son conte, qui est cruel et inquiétant comme il se doit. Et puis ça reste au dessus de tellement de courts français…

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