The Signal

Maya a fauté pour la première fois, se sentant coupable mais amoureuse. Son amant lui propose de tout plaquer, de ficher le camp avec lui au “Terminus 13” de la gare la plus proche. Elle se ravise même si elle semble troublée par cette déclaration. Petit à petit, quelque chose dans l’air menace, les gens se conduisent étrangement autour d’elle. À son retour dans le foyer conjugal quand son époux disjoncte et que les corps s’entassent dans les couloirs de son immeuble, il devient évident que toutes les normes sociales se sont volatilisées et que chaque individu peut devenir fou à lier et massacrer son prochain. La cause en serait un signal électromagnétique qui dérèglerait l’esprit de ceux qui sont à sa portée provoquant le chaos.

Il est réjouissant de découvrir un film sans aucun battage médiatique, devant lequel on est vierge de toute information au préalable, même pas une bande-annonce, sous une affiche qui parait fort anodine.. et de se rendre compte que l’on tient là un beau travail d’artisans amoureux du genre et capables d’un réel savoir-faire même avec un budget à peine assez élevé pour offrir une poignée d’acteurs dans quelques décors.

L’esprit du fantastique “indépendant”, et cela en est bel et bien avec 50 000 dollars dans les caisses, n’est pas qu’une mention qui sonne doux à l’oreille mais un acte déterminé dans The Signal. Composé de trois points de vue selon trois réalisateurs (David Bruckner, Dan Bush & Jacob Gentry) qui abordent le même évènement, dans un chassé-croisé de personnages pris dans le tourbillon d’une catastrophe inexplicable.

Quelques références vont venir à l’esprit de l’amateur, de The Crazies, 28 jours plus tard, Shaun of the Dead (le segment deux) à Videodrome et Rabid de David Cronenberg, et pourtant celui-ci garde son caractère propre. Ce petit budget arrive, et c’est un tour de force, à faire ressentir une atmosphère de fin du monde imminente avec un minimum d’éléments. Un vrai mode d’emploi sur ce qui compte lorsque les finances sont maigres. Avant tout, il s’avère nécessaire de bâtir un scénario qui tienne la route lorsqu’il est impossible d’afficher une apocalypse visuelle mirobolante.

Le segment numéro un, Crazy In Love, distille la mise en place par petites touches, et il y a de quoi se sentir mal à l’aise, crispé sur son siège, quand la normalité commence à basculer. D’autant plus que l’anxiété devant l’inconnu s’amorce sur des ressorts réalistes en touchant aux faits-divers, à la peur urbaine de l’agression. Une dispute entre amis dérape, un mari jaloux devient brutal… Ce préambule est un délicieux moment, et si rare, où le spécialiste du genre malgré son expérience devine la mécanique sans prévoir ce qui va survenir. Et suffisamment efficace pour amener le déferlement de pulsions homicides qui va suivre.

Ma préférence va vers les segments un (le plus tendu) et deux (le plus paranoïaque et décalé). Le segment deux, The Jealousy Monster, étant le plus déstabilisant de par son ton mais aussi parce qu’il nous met dans la tête de ceux qui sont déréglés par le signal. D’où vient ce signal, pourquoi est-il diffusé sur toutes les ondes et par qui ? Les auteurs ne l’expliquent jamais concrètement (la piste la plus sérieuse semble être les émissions de divertissement de M6…).

À la fois modeste par son enveloppe budgétaire et ambitieux par son scénario, The Signal ne tombe jamais dans le ridicule. Pauvre, oui, mais sans amateurisme. Le film, stylisé sans être arty, n’oublie pas d’être mouvementé, dur voire cruel, parfois graphique. Étonnamment, une touche anglaise domine, surtout dans le segment deux, hommage direct à l’humour noir britannique dans ce qu’il a de plus grinçant.

Même si le tout est cohérent, le film subit des rythmes bien abrupts, des redites et quelques “tirages à la ligne”. Le dernier tiers, Escape from Terminus, est le plus faible et la fin est considérablement en deçà de la bonne tenue de tout ce qui se précède. Néanmoins, au-delà de ces quelques faiblesses, cette production démontre que le label “Cinéma fantastique indépendant” n’est pas une accroche vide de sens mais bien une profession de foi qui ressemble à une invitation : Réalisateurs de notre beau pays qui officient dans le fantastique sans grands moyens, faites des films de l’envergure de The Signal !

2 commentaires sur “The Signal”
  1. Très bon film, merci pour l’article 😉
    Par contre pour les infos concernant le budget j’ai vue sur la fiche du film sur allociné ils mettent que le film a couté 5 millions de dollars, du coup ça fait une grosse difference sur les 50 000$ que vous annoncez ?
    bref c’est cool en tout cas d’avoir fait un “papier” sur le film

  2. Après plusieurs recherches et d’après IMDb et Wikipédia US, le budget alloué est bien confirmé comme étant estimé à environ 50.000 dollars. Les deux sites ne sont pas paroles d’évangile mais étant donné que les deux sources concordent, cela aurait tendance à valider l’information.

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