Hammer : rétrospective et ouvrage

Le beau livre de Nicolas Stanzick n’est pas une étude complète et minutieuse de la Hammer, célèbre firme qui naquit dans les années 30 en abordant tous les genres possibles à l’exception du film d’horreur. L’ouvrage, passionnant et érudit en dépit de son parti-pris, prend comme date de référence 1957, sortie en salles de The Curse of Frankenstein de Terence Fisher. Pour les amateurs de cinéma d’épouvante qui n’avait plus grand-chose à se mettre sous la dent depuis l’âge d’or de la Universal dans les années 30, le film de Fisher marque une petite révolution dans le cercle fermé des fantasticophiles.

Nicolas Stanzick, à travers une approche passionnée, analyse l’émergence d’un renouveau sans précédent au sein d’une production qui va bouleverser les codes usuels d’un genre. Terence Fisher est un peu le maître de cérémonie de la firme en créant une œuvre « sanglante et érotique » comme le criait haut et fort Jean Boulet. Ce dernier est un personnage excentrique et singulier, considéré par beaucoup de cinéphiles comme étant à l’origine de la passion de la Hammer au début des années 60. Terence Fisher est bien la pierre angulaire de la firme anglais, son génie incontestable.
Nicolas Stanzick évoque alors la naissance du « fanzine » culte de l’époque, Midi minuit fantastique, qui sous la plume de Jean Boulet, Jean Claude Rohmer, Michel Caen et tant d’autres, va défendre le cinéma de la Hammer un peu à la manière des francs-tireurs des Cahiers du cinéma vantant le génie des Hitchcock et Hawks alors que personne ne leur accordait autant de crédit.

Ensuite, MMF deviendra aussi une salle de quartier comme il n’en existe plus aujourd’hui, un lieu de rencontres pour tous les amateurs de films d’épouvante. A travers les propos émouvants et passionnants de certains critiques de l’époque, qui s’extasiaient devant les affiches magnifiques des films de la Hammer, l’auteur livre un ouvrage, riche et passionnant, rendant compte de l’aspect fétichiste de tous ces films. Aimer la Hammer c’était aussi participer à une forme de contre-culture, s’immerger dans une contre-culture, défendre ce qui ne pouvait l’être par les plumes bien pensantes. Longtemps trainée dans la boue par la critique officielle (si l’on excepte quelques clairs-voyants comme Bertrand Tavernier), l’œuvre de Fisher finira par avoir une reconnaissance tardive. Le cauchemar de Dracula ou La nuit du loup garou, largement évoqués dans l’ouvrage, sont d’authentiques chefs d’œuvre qui ne doivent pas au simple talent de Fisher mais à toute une équipe de brillants techniciens, scénaristes (Jimmy Sangster) et surtout comédiens (Christopher Lee, Peter Cushing).
D’autres cinéastes, évoqués, vont alors émerger et livrer des œuvres remarquables dont les plus notables sont sans doute Freddie Francis, John Gilling et plus tard Roy Ward Baker.

Nicolas Stanzick s’attache surtout au rapport qu’entretenait la critique avec le cinéma subversif de la Hammer, de sa découverte par quelques irréductibles midi minuistes, une communauté qui s’empara de cette forme de cinéma pour en vanter les qualités esthétiques et narratives, analyser jusqu’au sang l’aspect subversif et politique, jusqu’à une forme de reconnaissance logique et normalisée à la fin des années 60.
Il évoque dans la fin de la première partie de l’ouvrage la déchéance progressive de la boite crée par Enrique Carreras, produisant alors des œuvres de moins en moins intéressantes.

La seconde partie du livre, peut-être la plus passionnante, est constituée d’une série d’entretiens par une génération de journalistes admirateurs de la Hammer, et en première ligne du cinéma de Terence Fisher. De Michel Caen à Jean Pierre Bouyxou, en passant par Gérard Lenne ou Bernard Charnacé, ces interviews se dégustent comme du petit lait. Tour à tour émouvantes, éclairantes, riches en anecdotes et informations diverses, elles achèvent de transformer ce livre unique en une référence indispensable. Et surtout il ne faut pas rater la préface de Jimmy Gangster, le plus grand scénariste de la Hammer qui, modestement, déclarait qu’il n’y a aucun sens caché dans ses films. L’important c’est d’écrire des bonnes histoires. Une leçon d’humilité pour tous les scénaristes-cinéastes en herbes qui veulent faire du cinéma de genre.

Pour information, il s’agit d’une nouvelle édition agrémentée de quelques interventions de journalistes plus jeunes (Francis Moury, Christophe Lemaire, Jean-François Rauger). Ils n’ont pas connu l’émergence de la Hammer mais ils ont découvert et défendu les films qui pouvaient passer à la télévision, être diffusés dans les salles de quartier ou bénéficier d’une sortie vidéo.
Enfin, l’ouvrage, à l’iconographie magnifique mais pas trop chargée, se termine par une série d’informations capitales : filmographie complète de la Hammer, box-office des sorties françaises des films et bibliographie imposante.

Ouvrage publié chez Editions Le bord de l’eau

Par ailleurs, une rétrospective Hammer a lieu en ce moment au Musée d’Orsay (du 11 au 27 mars). Ce sera l’occasion d’assister à une conférence donné par Nicolas Stanzick, le samedi 19 mars à l’auditorium du musée, à 18h

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