Monsters, de Gareth Edwards

Malgré l’enthousiasme de Gareth Edwards, malgré son talent pour les effets visuels et malgré ses bonnes idées, Monsters est un film raté.

Dans les bonus, Gareth nous explique qu’il a travaillé longuement pour la BBC, notamment sur les effets en post-production. Lassé de ce travail institutionnel trop sage, il souhaite faire un film plus personnel. Sa longue expérience lui permet de faire de nombreux tests d’effets numériques, qui se sont considérablement développés ces dix dernières années.

Sur la base d’un court-métrage, une boîte de production lui donne un petit budget pour boucler un projet de long-métrage.

Une sonde spatiale ramenant des échantillons extra-terrestres se crashe en Amérique centrale. De la capsule, s’échappe une forme de vie, qui se développe dans les environs. Bientôt, c’est toute une zone qui est “infectée”, habitée par des créatures géantes et tentaculaires. Pour protéger la population, une immense clôture est dressée et des frappes aériennes régulières tentent d’éliminer les monstres. Andrew est photographe pour un journal et il est en reportage dans la région. Il se voit confier une mission : ramener la fille du patron aux USA par le bateau. Mais une série de mésaventures les forcent à traverser la zone pour atteindre leur destination.

Monsters se regarde comme un road-movie. Les deux personnages parcourent une succession d’endroits, qui sont autant de témoignages du passage des monstres : ruines, véhicules militaires abandonnés, carcasses de bateaux, etc. Pour donner corps à ces visions de destructions, le réalisateur s’est donc appuyé sur sa connaissance du “compositing”, permettant d’intégrer à des images réelles des objets virtuels en 2D ou en 3D. La réussite du processus dépend fortement du mariage entre image réelle et image virtuelle. Dans Monsters, cette composition est effectivement très réaliste mais perd de son impact à force de répétition. On prend un paysage de carte postale puis on intègre en son sein un élément de synthèse, généralement d’énormes véhicules à l’abandon. L’oeil est trompé mais à force de répétition, le cerveau se dit qu’il y a une supercherie. De même, le réalisateur abuse sur la mise au point, alternant sans cesse jusqu’à l’excès : arrière plan flou / avant plan net et inversement.

Si l’incrustation d’éléments d’origine humaine est réussie, il n’en va pas de même pour les aliens, et surtout cette espèce de scène finale où deux pieuvres géantes et lumineuses façon Abyss, se font des papouilles. On constate alors que le réalisateur est très fort pour la suggestion, beaucoup moins pour le design.

A travers de petites scènes, Gareth Edwards expose un univers séduisant : l’omniprésence de l’infection à travers les panneaux, les mouvements de l’armée (hélicoptères, avions, chars) et la proximité des bestioles, que l’on devine sans jamais vraiment les voir.

Le problème, c’est que l’exposition de cet univers constitue en fait le film en entier. Le réalisateur a pensé à tout : un univers graphique et sonore, des effets spéciaux impeccables, un traitement façon “documentaire”, des personnages sympathiques, des décors naturels stupéfiants mais oublie une chose pourtant essentielle : raconter une histoire. Il y a bien la naissance d’une histoire d’amour, mais elle n’est pas originale. Un homme, une femme, tous deux déçus de l’amour, seuls dans un milieu hostile;  on s’y attendait un peu. De plus, ce récit ne se développe qu’au début du métrage.

Dans son concept, le film ressemble beaucoup à Children of Men. Le film d’Alfonso Cuaron était aussi une succession de vignettes, dessinant petit à petit un monde futuriste. Dans les deux films, un homme et une femme doivent aller d’un point A à un point B. L’énorme différence se situe donc dans le propos du film. A travers des péripéties linéaires et une histoire simple (un homme tente de sauver une femme et son bébé), Cuaron parle de politique et se demande quelles valeurs humaines vont survivre à un contexte de proche fin du monde, et de guerre civile à un niveau plus local.

A l’inverse, Gareth Edwards oublie de raconter quelque chose. C’est dommage, d’autant qu’on trouve ça et là quelques bribes de sujets. On y voit par exemple des graffitis demandant “qui sont les vrais monstres” (à cause des frappes aériennes et de leurs dommages collatéraux), ou un passage quelque peu écologique qui explique que “l’infection” est en fait simplement le mode de reproduction des aliens. Ces éléments restent cependant anecdotiques.

Le film est disponible en dvd et en blu-ray chez M6 Vidéo.

2 commentaires sur “Monsters, de Gareth Edwards”
  1. Bouuuuuuuuh ! Moi j’ai beaucoup aimé.

    J’ai trouvé l’atmosphère globale qui règne sur le film vraiment réussie, la relation entre les deux personnages super touchante, et la fin superbe.

    Je comprends qu’on puisse trouver dommage de mettre en place un univers complexe pour le garder au final à l’état de simple “décor”, mais ça ne m’a pas dérangé.

    Certes, ça ne va pas chercher très loin, ça reste très minimaliste, très simple, mais ça fonctionne !

    Children of Men (qui ne boxe pas du tout dans la même catégorie de budget, rappelons-le !) , est beaucoup plus ambitieux, c’est vrai, mais aussi beaucoup plus bancal : certaines scènes sont extrêmement fortes, mais d’autres se noient dans une espèce de symbolique bas de gamme aux frontières du ridicule. Résultat, l’ensemble manque de cohérence, et on ne rentre jamais complètement dedans. Monsters vise peut-être moins haut, mais délivre à mon sens beaucoup plus d’émotions !!

  2. L’atmosphère est réussie mais pour moi gâchée par les tics de réalisation. L’émotion aussi mais que dans la première partie.

    Les personnages passent leur temps à errer. Ils ont pourtant un objectif : traverser la zone et rester vivants, mais ils ne sont jamais vraiment en danger et on dirait qu’ils s’en foutent un peu.

    L’argument du budget ne tient pas. Le réal de Monsters fait justement tout pour que son film ait l’air plus cher qu’il n’y paraît. Et pour moi, même si ça fonctionne bien au début, la répétition fait que ça devient artificiel et “voyant” au bout d’un moment.

    “une espèce de symbolique bas de gamme aux frontières du ridicule” : il va falloir me donner des exemples !

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