Fausse piste de James Crumley

Ancien flic, Milodragovitch s’est reconverti en détective privé dans la petite ville de Meriwether, au Texas. Après avoir travaillé sur de nombreuses affaires d’adultères, son activité stagne. Jusqu’au jour où la mystérieuse Helen vient lui demander d’enquêter sur la disparition de son frère.

Au début, on pense à un roman policier tout ce qu’il y a de plus classique. L’intrigue met un peu de temps à démarrer. L’auteur prend plaisir à nous décrire les environs et les personnages. Plus on avance et plus on remarque que c’est l’alcoolisme qui est au centre de l’histoire. Base centrale et point de chute du personnage principal, le Mahoney est le bar du coin où tous les ivrognes se retrouvent. Milo y a même aménagé un bureau secret dans l’arrière boutique ! Petit à petit, on se prend d’amitié pour Milo, quarantenaire qui attend patiemment ses 53 ans pour pouvoir toucher l’héritage paternel. En attendant, il essaie de profiter de la vie. Partie de jambes en l’air, bastons, boissons alcoolisées (whisky et bière principalement et simultanément). Il y a bien une enquête, à laquelle participent les amis poivrots du privé, mais elle piétine pendant un bon moment. A coups d’interrogatoires musclés, Milo parvient laborieusement à récupérer quelques renseignements.

L’ambiance semble bon le dégueulis d’ivrogne. D’ailleurs il y a tout un passage dédié à l’analyse de gerbe, puisque le coupable a dégobillé du cognac et il faut en déterminer la marque. De l’humour grinçant, de l’épicurisme, et une succession d’échecs cuisants, on n’est pas loin de l’univers des Frères Coen, Lebowski pouvant être plus ou moins l’équivalent de Milodragovitch. Passée la moitié du roman, les choses s’accélèrent. Milo s’approche de trop près de la vérité, ce qui provoque une série de meurtres concernant des témoins gênants. Notre anti-héros se fait également démonter la tête par de grosses brutes.

Dans le dernier tiers, on file vers une apothéose de violence. Milo prend des armes et s’apprête à faire un massacre, l’alcool aidant. S’il règne souvent une atmosphère poisseuse (camés, alcoolo et squats pourris), il se cache toujours une très grande tendresse derrière des personnages de parfaits salauds. C’est cet équilibre qui fait l’intérêt du roman. Malgré les gunfights, les coups de poing, on n’est jamais loin de s’échanger des accolades et de se rabibocher comme de vieux potes.

Extrait :

“Mon fils, ne va jamais faire confiance à quelqu’un qui ne boit pas. C’est probablement aussi quelqu’un qui se croit meilleur que les autres, quelqu’un qui croit tout savoir. Parmi ces gens-là, tu trouveras peut-être des hommes de bien, mais songe que c’est précisément au nom de ce bien qu’ils attirent bien des calamités sur le pauvre monde. Car ils se posent en juge et se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Méfie-toi particulièrement de ceux qui boivent en faisant attention de ne jamais se saouler; la plupart du temps, ils agissent ainsi car ils redoutent de libérer ce qu’ils gardent en leur coeur. Ce peut être la lâcheté, la bêtise, la méchanceté ou la violence. Quoiqu’il en soit, il n’est pas bon d’accorder sa confiance à un homme qui se craint lui-même. Mais parfois fils, parfois, tu pourras faire confiance à celui qui s’agenouille devant une cuvette de WC. Il y a une chance pour qu’il prenne là une bonne leçon d’humilité, une chance qu’il comprenne la vanité de sa condition et qu’il apprenne à vivre en se supportant”.

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