Le pacte de la mer, de Satoshi Kon

Depuis sa mort prématurée en 2010, l’œuvre de Satoshi Kon est devenue plus précieuse et chacun de ses travaux est revu et réévalué. De cet auteur japonais, je connais bien les films : Perfect Blue est un agréable coup de poing dans la tête et Paprika constitue pour moi son chef d’œuvre ultime.

Mais Satoshi Kon a débuté sa carrière en tant que mangaka, avec pour maîtres Katsuhiro Otomo (Akira) et Mamoru Oshii (Ghost in the shell). Si ses films ont toujours eu des côtés sombres et malsains, Le pacte de la mer reste étrangement naïf et limpide dans sa narration, à la façon d’un conte moderne.

Dans un petit village côtier, une famille perpétue une ancienne tradition en veillant sur ce qui serait un œuf de sirène. Mais le charme bucolique des environs attire un promoteur immobilier qui souhaite construire un immense complexe hôtelier en bord de plage. Le jeune Yosuke va se retrouver au milieu d’un conflit qui le dépasse.

Le pacte de la mer / Satoshi Kon / Pika Graphic

Bien qu’étant publié en onze épisodes à l’origine, Le pacte de la mer se lit comme un véritable roman graphique. L’histoire évoque les relations entre les générations. Le grand-père de Yosuke est le gardien des traditions ancestrales. Son père est séduit par le modernisme et c’est par ce personnage que le projet d’hôtel est rendu possible. Yosuke quant à lui, est partagé entre les deux. D’un côté, il n’en a rien à faire des traditions “vieillottes”. Mais il voit et ressent aussi les ravages de l’urbanisme dans son village, tout en appréciant le confort moderne. Le fantastique y intervient par petites touches subtiles. A chaque fois que l’on se déplace sur l’île de Kamijima, sanctuaire dédié aux sirènes, l’atmosphère devient onirique. On découvre les prémisses de l’exploration que va faire Satoshi Kon, sur les liens entre rêve et réalité.

On ressent à la lecture qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse, emprunte d’idéalisme et de morale un brin scolaire. L’auteur a voulu y mettre plein de choses : histoire d’amour, comédie, message écologique et fantastique. Cependant, si le thème de la protection de la nature paraît ultra-râbaché aujourd’hui, peut-être était-il plus avant-gardiste lorsque le manga a été publié, en 1990. Il est difficile de croire que ce récit a déjà trente ans tant les thématiques semblent actuelles. Le pacte entre les sirènes et les villageois est une allégorie de nos liens avec la nature. Nous l’exploitons pour nos propres besoins mais en échange, nous devons la protéger. C’est encore plus vrai pour le Japon, dépendant en grande partie de l’océan, de par son statut d’archipel.

C’est justement cette simplicité de l’histoire qui m’a plu. Il n’y aucun cynisme, ni message cryptique. Tout a l’air authentique même si l’on y parle de sirènes. Ainsi, la structure est cohérente avec ce que raconte l’histoire. Il s’agit d’un conte (traditionnel) mais raconté dans un contexte réaliste (actuel).

Cette nouvelle édition “collector” est parue chez Pika Graphic en avril 2019, à l’occasion des 48h de la BD. Elle rend hommage au travail graphique de l’auteur, un trait fin et précis, qui évoque l’admiration de Satoshi Kon pour le style de Katsuhiro Otomo. Le livre comprend une émouvante préface de Jean-Pierre Dionnet. Comme à son habitude, celui-ci révèle quelques anecdotes sur sa rencontre avec Satoshi Kon. Et le manga inclut également une postface signée par l’auteur, où sont évoquées les conditions houleuses de la création de cette œuvre.

Un extrait de la BD :

SHINSOBAN KAIKISEN © Kon’stone, Inc.

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