Dark Star, de John Carpenter

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"La zone de stockage 9 s’est autodétruite la semaine dernière, entraînant la perte de l’ensemble de nos réserves de papier toilette."

Le lieutenant Doolitle, le sergent Pinback, Talby et Boiler, subissent de longs moments d’inactivité sur le vaisseau Dark Star. Ils trompent leur ennui par leur travail qui consiste à détruire des planètes instables afin d’ouvrir la route d’un futur convoi. En mission depuis vingt ans, en vieillissement retardé (trois ans pour eux) ils semblent développer quelques problèmes d’état d’âme. Dans l’espace, les pannes et imprévus prennent vite des proportions catastrophiques. Le plus grave reste à venir…

Râleurs, rêveurs, barbus, hirsutes, un brin dépassés par les évènements, tels sont les membres d’équipage du Dark Star. Juste des prolétaires des galaxies, comme les "routiers" d’Alien (et nous verrons qu’il n’y a pas de hasard) ou les mineurs d’Outland, des hommes bien différents de Flash Gordon. Pour son premier métrage en 1974, John Carpenter exploitait les idées iconoclastes de cette époque en déconstuisant les mythes du Space Opera.

C’est la zizanie, en attendant Godot, dans un univers froid baigné dans un humour très particulier. Si c’est une comédie, elle est plutôt grinçante. Tout manque de tomber en ruine en touchant le mauvais bouton, Dark Star parodiant les systèmes rodés et fermés à tel point  qu’ils contiennent en eux-mêmes les germes de leur destruction. Il en ressort un pastiche direct de 2001 associé avec une logique de l’absurde héritée de Docteur Folamour, faisant sienne son escalade inéluctable vers la déflagration.

L’une des séquences est digne d’intérêt d’un point de vue rétrospectif. Elle s’annonce quand l’ordinateur pousse Pinback a aller nourrir la mascotte du vaisseau, qui est un alien ! Pinback rechigne mais s’exécute. Il poursuit ensuite avec son balai l’extra-terrestre espiègle. Toute cette séquence jouée par l’étudiant Dan O’Bannon sera la prémisse de son futur scénario d’Alien, écrit en collaboration avec Ron Shusset. Il faut noter d’ailleurs tout le talent naissant de Carpenter qui y insuffle de la tension avec zéro moyen malgré l’extraterrestre incongru… Un ballon avec des serres palmées qui émet des gazouillis. La filiation avec le film de Ridley Scott ne s’arrête pas là puisque le Dark Star fut élaboré par Ron Cobb, le mechanical designer d’Alien.

L’arc narratif central décrit les agissements de la bombe 20, une bombe intelligente (à sa manière) destinée à anéantir une planète mais qui veut exploser avant. L’ordinateur de bord tentera de convaincre la bombe 20 que le signal de mise à feu provient d’une malfonction mais celle-ci y met de la mauvaise volonté, persuadée de son ordre ("D’accord, mais c’est la dernière fois…"). La bombe 20 récalcitrante est un décalque amusant de la prise de position du Hal 9000 de Kubrick contre ses maîtres. Ce conflit d’opinons culminera avec un dialogue existensialiste entre l’un des spationautes et bombe 20.

Dan O’Bannon deviendra l’un des scénaristes marquant du genre. Il  travaillera sur le Dune inabouti d’Alejandro Jodorowski. Ce sera l’auteur de scripts importants, dont celui d’Alien : Metal Hurlant et Total Recall. En 1984, il sera le réalisateur du campy Retour des morts-vivants.  John Carpenter y appris ses gammes dans la difficulté. Il y eut de sévères frictions avec le producteur Jack H. Harris (les Blob) jusqu’au point où le réalisateur dû dérober les bobines de son propre film !  Dans l’équipe, certains éléments seront les fidèles compagnons de route du réalisateur, comme Nick Castle.

Dark Star est tenu par des rouleaux de gaffer et de l’astuce, c’est d’autant plus méritoire d’avoir choisit la science-fiction. Son principal défaut est que ce projet d’étudiant réclamait quarante minutes de la vie de l’équipage pour une exploitation en salles, mais elles sont, il faut l’avouer, le ventre mou du film. Pour finir, il faut signaler l’excellent travail sur la bande son, entre boucles qui anticipent les fameux travaux de composition du réalisateur et de la country en contrepoint de l’univers futuriste.

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