Srpski Film

A serbian film, de son titre anglais avec moins de consonnes successives,  et sa sulfureuse réputation sont enfin disponibles en dvd et en blu-ray chez Elephant Films. Surfant sur la polémique, l’éditeur propose deux versions. La version “cut” que l’on peut trouver un peu partout et une version non censurée disponible uniquement sur leur site, en combo blu-ray + dvd. La version longue contient quelques plans supplémentaires de violence mais ne change pas grand chose au fond du film.

Comme on pouvait s’en douter, le film serbe ne mérite pas la haine déversée, et il ne révolutionne pas non plus le cinéma.

Le film traîne donc avec lui un parfum de scandale; c’est pourquoi on l’a souvent comparé au Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato. Pourtant, la polémique de Serbian Film n’a pas grand chose à voir avec le brûlot italien. Le film de Deodato jouait sur le fait qu’on ne savait pas si le film était réel ou pas. Et pour mieux brouiller les pistes, les massacres d’animaux étaient bel et bien réels. La cruauté envers les animaux reste d’ailleurs un sujet d’actualité.

A Serbian Film a bien un discours sur le réel et le pouvoir des images. A vrai dire, sa première partie est une attaque en règle contre les films porno. Milosz, ancien star du X, équivalent serbe de Rocco Siffredi, a raccroché. Il s’est rangé et vit tranquillement dans un petit pavillon avec sa femme et son fils. Mais l’argent vient à manquer et il est obligé de rempiler. Le mystérieux Vukmir, producteur et réalisateur (mais aussi psychologue dans un orphelinat et ex-agent de la sûreté nationale!) lui propose un dernier boulot, très bien payé. Seule condition : Milosz n’a pas le droit de connaître le scénario du film qu’il va devoir tourner.

Si le film va loin dans la violence, ce n’est pas gratuitement. Il y a un propos derrière les images, même s’il est maladroit.  Le réalisateur pousse un cri de colère et de douleur. En cela, il se rapproche de Deodato. Tous deux ont choisi le coup de poing pour s’exprimer. Srdjan Spasojevic ne croit plus en son pays, il ne sait plus trop d’où il vient. Les orphelins sont omniprésents dans le film. Les enfants de la guerre aujourd’hui adultes n’ont plus de parents, plus de cadre éducatif, et ils s’adonnent à tous les excès, faisant de son prochain une marchandise que l’on peut consommer, frapper, jeter. Et Spasojevic nous annonce que tout le monde y passe : la famille, les enfants. C’est sans doute ce qu’il y a de plus choquant dans le film. Les enfants ne sont pas épargnés, même pas les nouveaux-nés ! Le titre “un film serbe” est évidemment un pied de nez de la part du réalisateur, qui fait de son oeuvre trash un cas général pour son pays.  Cela met aussi en lumière notre méconnaissance de la culture cinématographique serbe.

Si les actes sont extrêmement violents, ils sont néanmoins modérés par une mise en scène souvent ironique accompagnée d’effets spéciaux outranciers pas vraiment réalistes. Souvent, les personnages sont caricaturaux et notamment Vukmir. Ce dernier est une figure du chaos, un démon chargé de ruiner la vie des gens. Il est tout ce que le réalisateur hait : une élite et un leader hypocrite,  qui se cache derrière l’Art pour perpétrer des horreurs. Dans le film, les oeuvres pornographiques représentées sont aussi des caricatures, mais pas tant que ça en fait, ce qui fait toute l’ironie du film. Le scénario est évidemment un écho aux conflits dans laquelle la Serbie est impliquée. Avant l’éclatement de la Yougoslavie, le peuple était uni, même s’il y avait différentes communautés. Une fois les sécessions commencées (Bosnie, Slovénie, Croatie), l’ennemi est devenu intérieur et le voisin, l’ami de la famille, le frère, est devenu l’ennemi.

Tout cela permet d’avoir tout de même du recul par rapport à la violence extrême qui nous est assénée. Le malaise de Cannibal Holocaust venait des images réelles. Il n’y en a pas dans A Serbian Film.

La deuxième partie du film est chaotique. On voit que le réalisateur a littéralement vomi son film. Il montre l’errance de Milosz, qui visionne le projet de Vukmir. Milosz est devenu acteur malgré lui grâce à la drogue. Le clou du film est une scène dantesque qui repousse les limites du supportable.  Mais c’est justement ce côté hors-limite qui provoque le décrochage, peut-être le rire nerveux suivant la sensibilité du spectateur. Les images n’ont plus de trop de sens, le réalisateur se perd lui-même en accumulant les chocs artificiels, en ajoutant à chaque fois plusieurs couches dans l’horreur. Le but de Spasojevic est simplement de montrer à quel point la société peut dégrader la valeur humaine. Mais ça, on l’avait déjà compris au bout d’une heure de film.

 

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