La Planète des Vampires

Partie 2 – Une planète interdite

D’après l’histoire originale One night of 21 hours de Renato Prestiniero (nouvelle parue en 1960 dans le N° 61 de la revue “Oltre il Cielo”), et d’un script concocté par sept (Sept !) scénaristes, dont Ib Melchior, le réalisateur d’Angry Red Planet, La Planète des Vampires est une incursion dans la science-fiction sous un angle gothique, sous l’angle du gothique italien plus précisément. Mario Bava avait déjà noyauté ainsi le péplum avec Hercule contre les Vampires (1961). Dans le titre original Terrore nello spazio, le premier mot est énoncé sans ambages : « Terrore ». Il s’agit d’un film d’épouvante avant tout. Une passerelle (ou crossover, terme plus actuel) entre la SF et l’épouvante.

Ouverture sur l’espace, ponctuée par la musique électronique de Gino Marinuzzi. Planète Interdite, antérieur de dix années, fut le précurseur entre autres choses, de ce style de bande originale. Nous sommes à l’intérieur du navire spatial Argos, en contact avec le Galyot. Le postulat de départ est étrangement similaire à celui du soviétique La Planète des Tempêtes (1962) (Voyage sur la Planète Préhistorique en 1965 pour son plagiat américain), deux astronefs s’échouent sur une étrange planète. Nous abordons de nouvelles frontières, thème récurent de ce genre. Cependant, la progression, visuelle et narrative, va s’avérer moins commune que prévue.

Seule concession vraiment flagrante de son époque, un vocable qui peut prêter à sourire par son charme suranné avec de grandes tirades concernées. Un extrait significatif : “Dans soixante fractions d’Omega nous commençons à descendre”. Rien de bien grave pour l’habitué des films d’anticipation des années 50 qui en a connu bien d’autres concernant le charabia technique et scientifique. Pour le reste, nous sommes à des années-lumières de l’exploration plutôt bon enfant de la planète préhistorique. Aura étant aussi ténébreuse que la Vénus du film de Curtis Harrington lumineuse.

Les êtres humains sont vus comme fonctionnels, rigides, froids, à peine verra-t-on un peu de chaleur humaine en la présence d’un lien fraternel entre le commandant de l’Argos et l’un des hommes d’équipage du Galyot. Les intérieurs du vaisseau sont spartiates, minimalistes, aussi ternes que les humains, si ce n’était toutes les taches de couleurs vives, comme ces boutons lumineux qui clignotent. C’est l’inverse sur le sol d’Aura où tout n’est que déchainement multicolore, volutes de vapeurs et paysage déchiré. Le dépaysement est garanti à la surface de cette planète baroque où le réalisateur sait fabriquer des merveilles avec trois fois rien. Le spectateur à l’œil nourrit aux effets spéciaux numériques de la dernière génération trouvera cela d’un kitsch insurpassable ; n’y prêtez pas attention et savourez (même s’il est indéniable que les vaisseaux sont de voyantes maquettes).

Dès lors qu’il entreprend de casser le réel, Mario Bava peut se permettre de raconter son histoire par le prisme du rêve éveillé. Certaines scènes font appel à un univers onirique de façon directive (flou des situations, saturation du sens visuel) ou par les dialogues (la méthode 2 précitée). Il sublime un décor de carton-pâte par une sombre féérie, maitrise là toute la magie du tournage en studio à grand renfort de couleurs primaires. Dans ce souci de la stylisation par le Technicolor, les choix artistiques qui frappent l’imagination via la composition et les éclairages sont encore renforcés par une brume qui semble douée de vie, rampant sur le sol, enveloppant les astronautes. Surtout que loin de tourner le dos au gothique et à ses codes, Bava l’introduit dans la SF par la force (les sépultures et les draps des fantômes à l’ancienne s’y retrouvent dans une version futuriste). La notion d’irréalité est induite dans l’histoire elle-même également. Les deux facettes de l’irréalité, la visuelle et la narrative, se nourrissant l’une l’autre.

De vampires, il n’y en aura point dans le récit mais des voleurs de corps. L’intrigue, une fois dépouillée de son habillage science-fictionnel, est à peu de choses près ressemblante à celle de L’invasion des profanateurs de sépultures (Body Snatchers), qui a lui aussi eu droit à un titre français tronqué (certains se demandent encore où les cosses profanent des sépultures là-dedans). Les êtres mystérieux de la planète se servent des voyageurs humanoïdes comme réceptacles, profitant de leur sommeil comme dans le film de Siegel, ou les poussant à s’entretuer. Les morts seront ensuite possédés. De ce fait, plus il y a de mises à trépas, plus il y a d’ennemis et le groupe de l’Argos se réduit comme une peau de chagrin. Aucun monstre joué par un homme-dans-le-costume n’apparaitra dans le champ. En toute simplicité, par ce biais aussi, la distance totale entre l’auteur Bava et le tout-venant de la production SF de la décennie précédente se fait jour.

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