José Mojica Marins, légende brésilienne

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« Faire un film dans ce pays, c’est comme essayer de construire une navette spatiale. Bientôt les critiques vendront des bananes et les cinéastes les peaux des bananes »

José Mojica Marins et sa création Zé Do Caixao sont des cas uniques dans le cinéma. Marins réalise, écrit, produit et interprète lui meme au Brésil dès 1963 le premier d’un cycle de films sur Zé Do Caixao (Coffin Joe aux USA), fossoyeur d’une petite ville brésilienne à la recherche de la femme parfaite qui terrorise, humilie, manipule ou tue quiconque est un obstacle dans sa quete. Responsable du fort taux de mortalité de la bourgade, il ne connait ni remord ni scrupule, nie l’existence de Dieu et du Diable, ridiculise tous les pouvoirs (surtout religieux), dans des films réalisés durant la dictature militaire brésilienne (qui s’étend de 1964 à 1982), aux budgets ridicules mais dont la forme, le pouvoir d’évocation et de contestation sans merci restent intacts 40 ans après.

José Mojica Marins nait en Espagne en 1929 un vendredi 13 mars. Ses parents émigrent au Brésil ou Marins passe son enfance à voyager et essaie de se lancer dans la carrière de torero, comme son père. Une expérience terrifiante dans l’arène et l’interdiction de la corrida au Brésil auront raison de ce premier essai dans la vie active. Il en profite pour réaliser ses premiers films dans les années 50, en autodidacte (ses parents lui avaient offert une petite caméra dans son enfance). Malgré une malchance tenace (2 de ses actrices meurent, une autre attrape la tuberculose), il parvient à sortir Sentença Da Deus en 1958 et A Sina Da Adventureiro (d’après Marins le premier film en Cinemascope brésilien) en 1959. Marins fait alors partie du cinéma underground de Sao Paolo du début des années 60 connu sous le nom de Mouth Of Garbage, cinéma peuplé de docteurs cannibales, de détectives travestis et de fossoyeurs sadiques, avec des cinéastes tels que Artur Omar ou Oswald De Andrade visiblement influncés par le collage et l’imagerie surréaliste. Des films comme « Killed The Family And Went To The Cinema » ou « How Tasty Was My Little Frenchman » dénotent un goût certain pour le bricolage, la provocation, le mépris des règles cinématographiques et des normes sociales.

a-meia-noite1963 marque une date importante pour José Mojica Marins : il réalise A Meia Noite Levarei A Sua Alma (A Minuit Je Possèderai Ton Ame), première apparition du fossoyeur psychopathe qui va marquer les esprits et devenir part du folklore et de la culture brésiliens. Avant Zé Do Caixao, le Brésil n’avait pas d’équivalent de Dracula ou Frankenstein, d’incarnation d’un mythe d’horreur contemporain, comme plus tard Freddy Krueger ou Jason Vorhees aux USA. L’originalité de Zé Do Caixao est de n’etre pas surnaturel. Il vit le quotidien d’un bourg du Brésil, avant que les morts et les villageois ne réclament vengeance. Le fantastique fait partie de la réalité et surgit au détour d’apparitions et de trucages rudimentaires (grattage à meme la pellicule, paillettes brillantes pour le halo des damnés…) dont l’impact est d’autant plus fort. Le montage est serré, la bande son remplie de hurlements saturés venant se greffer sur des extraits de musique contemporaine. Les propos de Zé Do Caixao sur les gens (toujours inférieurs, ignares et superstitieux), les croyances religieuses (un catholicisme matiné de croyances afro-américaines), la sexualité ou le pouvoir en général prennent des résonnances existencielles. La violence est aveugle : mutilations, meurtres et nécrophilie (entre autres) sont contemporains du Blood Feast de H.G. Lewis, et pas moins violents, la couleur en moins, car la difficulté de trouver de la pellicule oblige Marins à tourner en noir et blanc. Ce premier Zé Do Caixao lui vaudra un grand succès, mais aussi les premiers ennuis avec la censure dès 1964. Le Cinquième Amendement donne en effet toute latitude au pouvoir en place de censurer, interdire ou meme détruire les négatifs des films considérés comme déviants.


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Laissé pour mort à la fin du premier opus et devant le succès du personnage qu’il incarne, Marins / Zé Do Caixao revient en 1966 dans Esta Noite Encarnarei No Teu Cadaver (Cette Nuit Je M’Incarnerai Dans Ton Cadavre). Acquitté de ses méfaits passés, Zé Do Caixao poursuit sa quete de la femme parfaite et en kidnappe 6 avant de les trucider, sauf la dernière qui est l’élue. Reprenant son personnage de psychopathe illuminé méprisant l’humanité, tantot sorcier, tantot justicier (il sauve un enfant) Zé Do Caixao au milieu du film est amené aux Enfers par une apparition de momie et connait les tourments des damnés qu’il a tués. Passage hallucinant tourné en couleurs (Marins tourne avec le peu de pellicule couleur qu’il peut trouver), l’enfer est une vision onirique et démesurée, avec ses damnés martyrisés et de la neige tombant en permanence (Marins dit ne pas connaître l’Enfer de Dante à l’époque). La quete de Zé Do Caixao se terminera très mal à la fin de cet opus plus violent et intense que le premier, formellement encore plus abouti et maitrisé. Le générique est gratté sur la pellicule, les hurlements et les collages sonores omniprésents renforcent la violence des images et du propos, enfin le jeu démesuré de Marins éclipse tous les autres protagonistes à l’écran. C’est aussi le film ou l’obsession des animaux de Marins est le plus visible, des dizaines de tarentules et de serpents rampant sur les actrices dans des visions de cauchemar, qui ne sont pas sans rappeler certains films postérieurs de Lucio Fulci.

1 commentaires sur “José Mojica Marins, légende brésilienne”
  1. Merci !! >J’adore ce type, et son dernier film démontre à tous ces petits cons de réalisateurs ce que faire un film bis et d’horreur veut dire !
    Let’s go Zé !!

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