The Box

B – OFF / ON

Ne lire que si vous avez appuyé sur le bouton.

“Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril… Ah! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l’enfer, c’est les Autres.”

Huis clos – Jean-Paul Sartre

Vous connaissez sans doute l’édifiante expérience de Stanley Milgram appelée le test de soumission à l’autorité. Le test du bouton a pour lui d’éluder toutes les notions qui permettent de faire passer la pilule (l’électrifié ou « individu-cible » est un acteur, apparence de légitimité des responsables) pour accéder à l’essentiel. Pas de pression d’une autorité, pas de faux-semblants, juste sa conscience en jeu. Serions-nous tous des tueurs à gage en puissance si le meurtre est indirect et parfait ? Meurtre parfait dans le sens que nous ne serons jamais condamné par un tribunal pour cet acte.

Le bouton est une gâchette mais le meurtre est déresponsabilisé et semble t-il, hasardeux. Bien sûr, les dés sont pipés. Tout comme l’on constate que le test est biaisé dès le départ puisque le couple Lewis est placé dans une situation financière et morale précaire avant que le marché ne lui soit proposé. Le libre arbitre, d’accord, mais avec coercition. L’absurdité du test est écrasante ; la boite ne sers à rien en elle-même, ce qui compte, c’est de prouver une seule fois que le matérialisme et l’égoïsme dictent nos actes. En vertu de quoi, nous seront jugés et punis au centuple. Concept judéo-chrétien, moralité individuelle, existentialisme. À nous de choisir.

Et Dieu alors, puisqu’on en parle ? N’oublions pas Jericho Cane (Dwayne Johnson alias The Rock) qui se révèle en tant que messie dans Southland Tales. Est-ce notre créateur qui nous jauge dans la balance ? À ce titre, les employeurs de Stewart pourraient être des martiens, l’intervention divine, des Reptiliens, ou des entités spirituelles, faites votre choix (oui, une fois de plus). Ce n’est pas l’important. Le spectateur a de quoi se demander à quoi sert ce Grand Plan™ à la The Game qui louche sur les théories du complot les plus improbables et si le réalisateur prends lui-même au sérieux ses MacGuffins. De toute façon, la logique de tout cela nous échappe. Les marionnettistes sont dotés d’un sens de l’humour très spécial comme le prétends leur émissaire.

Le problème du film réside dans le fait qu’il en dit trop ou pas assez, qu’il en montre trop ou pas assez. Par exemple, le réalisateur dévoile des portails liquides dans la séquence de la bibliothèque mais restera vague sur le pourquoi du comment. Ce qui produit à la fois la sensation délicieuse de perdre pied en gardant des pistes en vue mais aussi de naviguer dans l’abscons. Même si l’inexplicable, ou le partiellement expliqué, se tient sur le principe que je résumerais comme « l’insecte confronté au verre ».

Explicitons : dans le monde des insectes, le verre n’existe pas. Il ne devrait pas exister. En tant qu’êtres humains, si nous étions confrontés à une technologie et des visées d’essence supérieures, nous n’y comprendrions pas grand chose. Il est même admissible de penser que si une invasion extra-terrestre se produisait demain personne ne serait capable d’appréhender de façon rationnelle l’évènement. Nous serions comme des insectes face à une fenêtre de verre. Cela est même explicite avec la troisième loi d’Arthur C. Clarke citée en toutes lettres : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ». Et nul ne peut analyser la magie, mais chacun pourrait la constater. À ce niveau, nous ne parlons plus de science mais de mystique.

Puisque nous parlons d’allégorie, la boite de Pandore, et – difficile d’y échapper en Occident – Eve et sa pomme, sont au coeur de The Box. Il serait facile de prétendre que les femmes y sont toutes coupables, puisque ce ne sont qu’elles qui appuient sur le bouton mais ce serait injuste. Les hommes ne s’opposent jamais. Consentement tacite ou exprimé, qu’importe. Laisser faire est un choix impliquant, lui aussi.

Auteur avec des tics, Kelly cède à des circonvolutions considérées par certains comme inutiles. Il n’empêche que les thèmes sont distincts et se répercutent dans chacun de ses films : le secret sous l’écorce du monde, le savoir révélé, le libre-arbitre face au destin. Donnie a la connaissance du destin, il a percé le secret des choses enfouies, il en fera un choix lourd de conséquences. Autre constante : le fait de lier le microcosme, (un adolescent, un groupe de freaks, un couple) à une échelle plus vaste, jusqu’au macrocosme, jusqu’à déterminer l’humanité toute entière.

Pour résumer, The Box se divise en une partie éclatante (l’émotionnel) et une partie nébuleuse (le surnaturel). Conclusion, les fans seront enchantés et les détracteurs les plus virulents le prieront d’arrêter de brandir Sartre et de se prendre pour un Kubrick new age. Pour les atouts, le grand Frank Langella (Dracula pour toujours) s’empare d’un rôle qui aurait pu n’être qu’un méchant de carnaval avec force ironie, ambiguïté et prestance. Le duo Cameron Diaz et James Mardsen laisse transparaitre une belle alchimie. Pour finir, la bande originale du groupe indépendant Arcade Fire colle aux images.

Après avoir bousculé le teen-movie, la chronique urbaine contemporaine, Kelly brouille le drame intimiste (après tout, The Box ne traite-t-il pas que des tourments d’une famille ?), pas toujours avec dextérité (il a encore la main lourde), mais avec le toupet d’un premier de la classe qui n’y va pas par quatre chemins. Le prochain film de Kelly devrait être un thriller de science-fiction. Il y a des chances qu’il transgresse une nouvelle fois ce qui était convenu.

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