Pascal Stervinou

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Le jeune réalisateur Pascal Stervinou a fait des études de cinéma et il n’en est pas à son premier essai. Il est donc normal que ses films font preuve d’une certaine maîtrise de l’image, du cadre et de la direction d’acteurs. Par ailleurs, le réalisateur s’entoure à chaque fois ou presque d’une structure qui assure la production et nous offre au final une oeuvre aboutie et professionnelle.

Pourtant, j’ai découvert ses oeuvres avec son film Slasher, un “truc” fait à l’arrache en super 8 qui ne laisse que peu présager du réel talent du réalisateur. Slasher n’est pas un film où l’on tue de l’adolescent par brochettes de douze mais le mot est pris au pied de la lettre, c’est-à-dire taillader, trancher. Deux personnages se poursuivent : un humain et un zombie. Le zombie s’en prend plein la tronche mais grâce à son statut, il continue de vivre. Encore un énième film de zombie ? Pas si sûr une fois que l’on voit la chute plutôt originale.

Le film le plus recherché de Pascal Stervinou est sans doute Reptil, qui conte le morne quotidien d’un homme moqué par tous ses voisins, enfants et adultes. D’une atmosphère pittoresque dans les petites rues d’une ville, nous passons progressivement à un environnement plus glauque, avec des insectes vivants cloués sur la porte, des choses suintantes. L’appartement de l’homme ressemble plus à une tanière qu’autre chose. Les marques gluantes dans son dos finissent par nous confirmer qu’il n’est pas tout à fait humain. Les voisins semblent d’ailleurs au courant. Le film fait la part belle aux décors, dont chaque détail est pensé pour donner un rendu très malsain.

Gouzi-gouzi ne dure que quelques minutes mais s’inspire de l’atmosphère ambiguë de Rosemary’s baby en plus rigolo (ça semble difficile mais c’est cas). Malheureusement, il est impossible de dire quoi que ce soit du film sans éventer sa chute hilarante. Disons simplement qu’il reprend la scène bien connue de toute la famille qui s’émerveille devant le petit dernier dans son berceau et qui ne tarit pas d’éloges. Mais qui sont vraiment les parents de ce petit “monstre” ?

Entretien avec le réalisateur

reptil1Peux-tu nous décrire ton parcours ?
Enfance cinéphilique axée sur les films de genre. J’ai vomi de peur en voyant La Fiancée de Frankenstein au Cinéma de Minuit quand j’avais une dizaine d’années. A la même époque, j’assiste au tournage de Tess et devient illico un grand fan de Polanski. Lecteur compulsif de Starfix. Réalisation de nombreux films Super 8 durant l’adolescence. Ecole de cinéma à Paris après le bac. Réalisation d’une demi douzaine de courts métrages pros (super 16 ou 35mm) multi primés et multi diffusés. Projets de moyen et de long métrage annulé au dernier moment dans les 90’s. Je travaille actuellement sur l’écriture et la création de séries de dessins animés pour la TV. Plus de détails sur : www.myspace.com/pascalstervinou J’ai un projet de long fantastique intitulé EVILAND (titre provisoire) qui est en passe de trouver un producteur. Voir dessins préparatoires sur ma page My Space également.

Il me semble que tu aimes bien tourner en “vraie” pellicule. Est-ce un choix ?
J’aime tourner en film avec de véritables chefs opérateurs. Il me semble qu’on peut plus travailler la lumière, qu’elle est plus subtile et nuancée et donc plus émouvante. Le rendu est différent du numérique encore un peu froid. J’ai commencé à tourner des courts au début des années 90, donc en pellicule car le numérique était encore largement minoritaire. J’ai gardé cette habitude. Je tournerai sûrement mon prochain court (ou mon long, on peut rêver) en numérique. C’est curieux, mais la HD me semble trop nette, le piqué est sans pitié pour le grain de la peau et les décors. On voit beaucoup de choses très laides et sans personnalité dans ce format qui doit s’accompagner de vrais techniciens dédiés à ce procédé.

Quels sont tes projets ?
La finalisation de l’écriture de la série d’animation que j’ai créée intitulée GARAGE CLUB pour la chaîne TV Nickelodeon. Diffusion fin 2009. Un court métrage auto-produit comme SLASHER et un long métrage (EVILAND) pour un producteur que j’ai déjà trouvé mais avec lequel je n’ai pas encore signé.

Tous tes films flirtent avec le fantastique. Quel rapport entretiens-tu avec le genre ?
Le fantastique. Entre mes 10 et 20, je n’ai vu quasiment que des films de genre et des films fantastiques en particulier. J’en suis très fan, même si le genre est souvent galvaudé. C’est pour moi un genre noble. Tous les grands réalisateurs ont un jour ou l’autre flirté avec le fantastique. Ce nest pas un hasard. C’est du cinéma à l’état brut. Je n’ai pas envie de tourner à la terrasse d’un café les mésaventures amoureuses d’un couple. D’un couple d’extraterrestres à la rigueur. C’est justement en utilisant les chemins détournés du fantastique qu’on parle mieux de notre société et de notre quotidien. Le cinéma est l’Art du détour et le cinéma de genre son instrument. Je préférerai toujours la vision d’un Cronenberg qui parle de la maladie au sein d’un couple dans The Fly plutôt qu’un film français démagogique qui aborde frontalement et sans sublimation un sujet si sensible.

On trouve aussi chez toi un goût pour l’humour noir. A ton avis, d’où vient cette envie de “cruauté” ?
Pour moi l’humour et l’horreur sont étroitement liés. Le rire est souvent une défense naturelle contre les choses terribles de la vie et les scènes insoutenables qu’on nous inflige au cinéma. Je pense que par définition l’humour est cruel. Il n’y a pas de réelle envie de cruauté de ma part dans mes films, mais juste l’envie de provoquer quelque chose chez le spectateur. Rires, frissons, larmes, peu importe. Je ne souscris pas par exemple au films de torture très à la mode actuellement dans le cinéma d’horreur. Je déteste Hostel et la série des Saw (dont je n’ai vu que le premier épisode) ne m’intéresse pas.

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Comment sont nés les projets Reptil et Slasher ?
L’idée de base de Reptil vient d’une blague de collégien (Comment se suicide un caméléon ? En se jetant sur une couverture écossaise ! Ah, Ah !) que j’ai prise au pied de la lettre. Ensuite le film a pris, je l’espère, une autre envergure. Je voulais parler de solitude, de maladie, du phénomène de la rumeur. J’aimais l’idée de raconter toute la vie d’un homme en montrant seulement les deux moments clefs de son existence (sa possession et son suicide). Je voulais faire un film d’ambiance à la direction artistique soignée. Je voulais aussi faire un film presque sans dialogue, assez sensitif où le cadre et la lumière suffisent pour raconter l’intrigue. Je l’ai tourné avec peu d’argent mais avec une équipe nombreuse et motivée. J’ai pu compter sur des boîtes de post-prod très à l’écoute sans lesquelles je n’aurais jamais pu terminer le film. Les productions successives se sont montrées par contre incompétentes. Elles n’ont pas soutenu le film et j’ai dû l’inscrire moi-même dans les festivals.

La genèse de Slasher a quelque chose de très “potache” : tourner en quelques jours un hommage aux slashers entre copains et au scénario (c’est un bien grand mot) quasi improvisé. Les scènes étaient “écrites” en fonction des décors rencontrés au hasard de nos pérégrinations. Ce film tient plus de l’exercice de style et de l’éclate pure que du film d’auteur à message. J’ai tournée Slasher en Super8. Je suis aussi parti du principe que c’était un peu crétin de fabriquer numériquement des sautes d’images et des rayures pour les films Grindhouse de Tarantino et Rodriguez. Le principe a quelque chose de profondément absurde. J’avais envie de montrer qu’en 2009 on pouvait encore faire de vraies rayures sur de la vraie pellicule. Slasher est une façon de rendre un bien modeste hommage au cinéma bis que j’ai toujours aimé.

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