Spiritual Exercises, d’Olivier Smolders

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Une série de courts métrages d’Olivier Smolders, auteur de Black night.

synopsis

Adoration : un jeune homme règle une caméra qu’il a fixée dans une pièce sombre. Il y fait rentrer une jeune femme avec qui il dîne dans une ambiance romantique. Puis la jeune femme lit des vers. Ils boivent du vin, assis sur la moquette. Le jeune homme reste muet. Un peu plus tard, il tue la jeune femme en lui tirant dans le dos…

Mort à Vignole : séquences de films familiaux tournés en 8 mm, commentés par l’auteur lui-même, commentaires poétiques et philosophiques sur la vie, la mort, le temps qui passe. Le récit est introduit par le drame de son enfant mort-né.

L’amateur : un homme parle à sa femme disparue pour lui conter une activité peu banale, celle de filmer des femmes relevant le défi de poser nue devant son objectif.

Neuvaine : un homme évoque sa jeunesse à travers sa punition au sein d’une institution catholique.

Ravissement : sur un support lu de fragments des écrits de Thérèse d’Avila défilent de beaux visages féminins en noir et blanc. La religieuse décrit sa vision de l’oraison dans une implication pour le moins passionnelle de sa foi.

Pensées et visions d’une tête coupée : les dernières volontés du peintre Antoine Wiertz. Il lègue à l’état l’ensemble de son œuvre. Des nains visitent le musée où certaines de ses œuvres sont décryptées.

Philosophie dans le boudoir : fragments de textes de Sade, « invitant les familles à la débauche ».

Point de fuite : l’uns des rares courts en couleur. Une professeur rentre dans sa classe et constate, ébahie, que tous ses élèves l’attendent nus et silencieux… Le cours devait porter sur la perspective…

L’art d’aimer : un homme (l’auteur) raconte un pan de son enfance auprès de sa mère malade et de Madame Claude, une triste maîtresse de maison. Puis il découvre ce qu’il appelle « la vie »…

Seuls : Smolders filme des enfants autistes dans une institution.

881190005996Smolders est un auteur, sans doute. A travers ces courts métrages pouvant s’étaler dans l’intime, son talent d’esthète s’avère évident. Mort à Vignole ose le roman familial, posant certaines questions existentielles parfois convenues, souvent pertinentes. Des images familiales qu’un spectateur lambda pourrait bien accélérer si elles n’y mêlaient nostalgie et sensibilité ainsi qu’une longue exposition, un brin complaisante, de corps décharnés sur des tables de dissection. Même tonalité évocatrice d’un passé douloureux dans Neuvaine, au contenu toutefois beaucoup plus tortueux (anticlérical ?). Perpétuant un noir et blanc très travaillé,  Smolders est un entomologiste. Le pitch d’Adoration est un couple d’insecte dans un bocal où se jouera la tragédie de l’amour et du meurtre. Le jeune homme est en même temps l’insecte et l’expérimentateur qui va arracher les ailes de l’autre insecte. Son jeu nécrophile, mutilatoire et cannibalique visant son invitée clôt la mise en scène de son fantasme dans une ambiance morbide. Ce court-métrage, inspiré du fait divers sur Issei Sagawa, le « tueur cannibale », est l’un des plus fascinants de l’auteur, très épuré. Smolders s’attache à restituer la froideur du personnage, ce qui, sur le plan psychopathologique, voit probablement juste. Les grands pervers de ce type sont rarement attirés sexuellement par leur victime, mais jouissent « à côté », de leurs souffrances ou de l’utilisation objectale de leur corps. Au-delà de ce fait divers glauque, le raffinement de la réalisation et de la photographie élève notablement le sujet, au prix de scènes tirant parfois sur l’absurde lorsque notamment, la future victime lit à son bourreau des poèmes de Mallarmé et Nerval.

Dans un registre différent, l’érotisme monochrome et la beauté de certaines effeuilleuses de l’Amateur font un peu oublier la vacuité relative du propos récité, l’un des textes les moins intéressants. Une image reste : le reflet éblouissant du miroir que sa première visiteuse pose délicatement sur son sexe.

Outre l’image « capturée » de la femme, Smolders s’attache à des thèmes ou gimmick pour certains retrouvés dans  Black night : le Congo natal, l’animalité, les trains … Moins présente dans le long métrage, la sexualité est ici récurrente, de la plus imagée (Ravissement) à la plus crue (La philosophie dans le boudoir). La voix de JF Stevenin dans ce dernier fait merveille. D’autres images peuvent confiner au malaise, comme cet enfant nue portant un cochon (Pensées…) dans un surréalisme irritant, alibi d’une transgression visuelle. La mise en scène des enfants autistes (Seuls)  dans leurs pires stéréotypies ou leur impénétrabilité est elle aussi parfois gênante, parce que stylisée.

L’une des principales qualités de Smolders reste sa capacité à basculer d’images réalistes et concrètes aux débordements abstraits, qu’ils soient filmés ou lus. Il se passe difficilement de son style bicéphale, entre écriture et littérature. Cinéma de facture clairement intellectuelle, voire intellectualisante, les courts métrages de Smolders recèlent de vrais moments de grâce. En dépassant leurs aspects les plus pontifiants, le plaisir des sens est au rendez-vous.

Bonus : bande annonce de Nuit noire. Exercices spirituels (pour court-circuit) : bande-annonce avec commentaires de l’auteur. Images amoureuses, images de mort (2003) : Smolders commente son art, sur des images de tournage. Langues : français – Anglais.

Dvd zone all édité par Cult Epics

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