Precut girl, d’Eric Dinkian

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Le mariage entre culture japonaise et culture française a toujours été improbable, tant les différences sont marquées. Il suffit de regarder quelques films japonais (ou pire des émissions télé) pour se rendre compte que nos valeurs sont radicalement différentes. Nombreux sont ceux qui pensent que les Japonais sont des extra-terrestres, que ce soit par leur tradition (les codes de politesse, le poisson cru, le théâtre nô) ou par leur côté excentrique (les films de Takashi Miike, le parapara, la pornographie à base d’animaux marins).Après tout, l’extrême-orient n’est pas nommé ainsi pour rien. Grâce à la mondialisation et à Internet, certains aspects de la culture japonaise nous sont tout de même parvenus. Le cas des mangas est exemplaire car ils ont littéralement envahi les rayons des librairies.

Pour un occidental, s’imprégner de la culture japonaise reste  difficile, ne serait-ce qu’à cause de la barrière de la langue. Quelques français s’y sont risqués, sans doute fascinés par une richesse intellectuelle que l’on ne trouve guère ici. On citera Jean-Pierre Limosin, qui pose un regard d’entomologiste sur le Japon, et qui parvient à s’y fondre en prenant bien soin de ne pas juger. Cette humilité lui a permis de pénétrer l’univers fermé de la mafia japonaise avec Young Yakuza. Dans le genre “bizarre”, on trouve Romain Slocombe, écrivain et photographe. Il s’intéresse au fétichisme local (le bondage) et à des thématiques bien précises comme l’art médical à travers les photographies de jeunes femmes plâtrées et prisonnière de leur lit d’hôpital !

Eric Dinkian fait donc aussi partie de ces nippophiles, en quête de compréhension de cet étrange pays. A travers Precut Girl, il propose de mixer la culture française et japonaise en choisissant comme personnages principaux un français et une japonaise. La voix-off omniprésente est en japonais mais certains dialogues en français.

Kami se suicide régulièrement. A chaque fois, elle se réveille dans un terrain vague, enveloppée dans une bache de plastique. Désespérée, elle se trouve un petit ami pour l’aider à mourir et l’assister dans ses morbides expérimentations.

Le film s’inscrit clairement dans le genre fantastique/horreur, avec son héroïne qui ne peut mourir et ses nombreuses tentatives de suicide à l’arme blanche. L’idée est originale et le plus proche parent semble être Un jour sans fin, où Bill Murray essaye de se suicider de mille façons mais sans succès. Bien entendu, le traitement est radicalement différent ! Precut Girl reste sérieux, même si l’on note parfois quelques touches d’humour noir. De manière presque scientifique, Kami tente en vain de retrouver l’extatique moment de sa première mort, le “moment” où tout change.  Eros et Thanatos ne sont donc pas bien loin. D’ailleurs, les deux amants vont peu à peu nouer une étrange relation proche du sado-masochisme.

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Visuellement, Precut Girl séduit car la photographie est grise et soignée en accord avec les décors froids à base de béton, de verre et de métal. Un intéressant travail a été réalisé sur les structures urbaines géométriques (escaliers, immeubles) et produit un contraste avec des éléments plus organiques comme les coups de couteau entaillant la chair ou le réveil dans la décharge, métaphore industrielle d’un utérus. L’esthétique fait immanquablement penser au cadavre de Laura Palmer dans Twin Peaks mais lorgne aussi du côté de Shinya Tsukamoto (Tokyo Fist notamment) lors des explosions soudaines de violence. Le tout est soutenu par une bande originale efficace, avec petite mélodie au piano pendant les moments poétiques, et des riffs de guitare avec percussions sèches pour les plans où ça charcle.

Film tordu et mutant, Precut Girl contient de nombreuses contradictions. Il est à la fois ambitieux (son propos sur la mort) et modeste (les expérimentations de Kami sous forme de journal intime). Il est à la fois poétique et gore, romantique et érotique. Gokurosama desu !



1 commentaires sur “Precut girl, d’Eric Dinkian”
  1. j’ai eu la chance de voir ce film court qui tourne dans de nombreux de festival. on sent qu’il y a du moyen ($ ^-^-). ce qui m’a le plus sidéré sont les acteurs qui incarne des personnages dérangeants de manière sidérante surtout l’actrice japonaise qui est sensuelle, touchante et vénéneuse.

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