Entretien avec Dominique Bettenfeld

(Réalisé lors de la sortie en salles de Dobermann en 1997)

C’est lui qui manie si bien la godemichonneuse dans Vibroboy avec son double rôle de Léon, macho hystérique et hargneux et Vibroboy, super-héros décadent et méchant. Dans Dobermann, c’est l’abbé qui n’a pas toute sa tête… Il joue des petits rôles dans une multitude de films courts ou longs. Les Caro & Jeunet l’emploient assez souvent. Dans le récent Amélie Poulain, il est le fan de foot devant sa télé, il joue un troglo dans Délicatessen, un des cyclopes de La cité des enfants perdus; et puis il interprète Jésus dans Le Créateur de Dupontel. Dommage néanmoins qu’on l’emploie uniquement pour des personnages secondaires car il a clairement le potentiel pour un rôle principal.

Excepté Vibroboy et Dobermann, on ne vous connaît pas trop. Qu’avez-vous fait à part ces films?
J’ai fait Delicatessen. Je faisais un des troglo. La cité des enfants perdus, des petits rôles.

Vous n’avez pas eu de rôle plus important ?
Non. Jamais. Mais je ne suis pas dans le circuit. Sinon je tournerais en ce moment, vous vous rendez compte un acteur comme moi.

Pourtant vous êtes impressionnant dans vos rôles.
Le problème c’est que je n’ai pas d’agent et que pour l’instant j’ai pas envie d’en avoir un. J’estime que je dois pas aller faire la chasse aux agents. Si quelqu’un est intéressé par le boulot que je fais, il vient me voir. Je crois plus au travail qu’à l’espèce d’image de ce milieu. Je prends tranquillement, je tourne avec deux metteurs en scène Jeunet & Caro, et Kounen. Pour l’instant, ça va.

Vous avez suivi un cursus d’acteur ?
Ouais. J’ai fait pas mal de théâtre. Je fais notamment beaucoup de théâtre drôle.

Comment avez-vous rencontré Jan Kounen ?
Je l’ai rencontré sur une espèce de clip d’Elmer Food Beat, l’âge de plastique. Je faisais le maître du monde.

Modeste…
Ben oui, c’était comme ça que ça s’appelait…

On va revenir sur Vibroboy. Pas trop de problème avec la combinaison ?
Elle était en latex, en deux pièces. C’est clair qu’une fois que j’étais à l’intérieur, pour bouger ou pour en sortir, il fallait du temps. Ouais, c’était un peu encombrant.

Vous n’avez pas trop souffert en fin de compte ?
Non mais c’est plus pour des commodités d’usage, pour aller pisser un coup…

Un peu comme Batman.
Voilà, ils avaient pas prévu quelques petits effets qui auraient pû être agréable à l’usage.

On se marre autant en faisant le film qu’en le regardant ?
C’est pas pareil. J’ai la chance d’avoir bossé avec Jan (Kounen) d’avoir des équipes qui étaient toujours à la hauteur de ce qu’il voulait faire. Et comme lui, il privilégie le contact humain et le rapport avec les gens, la dynamique d’une équipe… C’est sûr qu’il y a des moments chauds, un peu durs, comme tout tournage.
Mais c’est toujours pour le fun, les gens savent pourquoi ils sont là. C’est vrai que ya des bonnes fendades de gueule.

Actuellement, vous êtes sur un projet ?
Au cinoche, non rien.

C’est dommage…
Je sais! Je me rends bien compte que dans ce métier si on fait pas un peu de lèche-cul ou si on se place pas un peu dans les milieux…En même temps Vibroboy est un film-culte mais personne après, ne m’a branché sur des coups.
Je crois que c’est quand même quelque chose qui est assez ciblé.

Quand même, quand on voit votre performance…
Ouais, mais je crois que ça fait flipper les gens. Où ils ont chercher ce mec là ? Au fin fond de la Creuse…C’est un mec qui a été terminé au pipi…Ils doivent flipper un peu.

Ya pas beaucoup de gens cool alors dans le cinéma.
Si ya des mecs cool mais ya quand même une putain de génération qui ont des familles. Et pour rentrer dans ces familles, faut aller manger chez eux et faire : “jsuis le p’tit dernier”. Mais je m’en porte pas plus mal, ça me permet de faire des vrais choix.

Et de ne pas être obligé d’entrer dans un processus qui finalement, m’obligerait de faire des trucs dont j’ai pas vraiment envie. Pour l’instant je fais pas grand chose mais ce que je fais, ça m’éclate.

Des projets pour l’avenir ?
Je continue de faire mon métier mais pas forcément au cinoche.
Si effectivement, par rapport au Dobermann, qui est un truc plus commercial, ya des opportunités, faudra voir…

Jan m’a dit qu’il recevait beaucoup de scénarios après le Dobermann.
C’est évident. Le rapport que j’ai avec lui est assez privilégié. J’ai fait le train-savatte pendant pas mal de temps avec lui.
En partant de L’Age de Plastique.
Après j’ai fait Born To Be Dead qui devait être dans Parano mais il a été censuré.
Par rapport à Jan, je sais que j’y vais pratiquement les yeux fermés. Au niveau du tournage il n’y aura pas : ya une scène, tu es assis dans ta loge, on t’appelles au dernier moment et tu fais ton truc. Ca me branche pas trop, moi j’ai besoin de plus d’action.

Sur Dobermann, comment avez-vous abordé le personnage de l’abbé ? Il est un peu moins méchant que Vibroboy.
Je pense que l’abbé est plus taré.

Pourtant, je trouve qu’il calme les autres, il est moins hystérique.
Oui, il est moins hystérique. Au fond, il est plus taré. Avec Léon dans Vibroboy, on voit tout de suite à qui on a à faire.
C’est un mec, il est pas imprévisible pour un pet.
Il vient, il te casse la tête et puis après il parle.

Alors que l’abbé, ce personnage est complètement différent de Vibroboy. Mais en même temps, l’abbé c’est quand même quelqu’un qui dézingue les types au nom de la religion. C’est quelque chose de quand même assez phénoménal. C’est un autre travail, au lieu d’être démonstratif dans Vibroboy, le boulot était ici d’en faire le moins possible. Ca veut pas dire rien faire. Mais d’essayer de faire transparaître qu’à n’importe quel moment ce mec peut péter un plomb. Il tire quand ça lui chante sous couvert de : c’est Dieu qui l’a envoyé pour dézinguer les mortels parce que ça allait plus. Voilà comment je l’ai abordé (Rires)

Ce qui est super, c’est que j’ai pu moi-même bricoler mon look, ça c’est génial. Jan, après il taille dedans et voit ce qui le branche ou pas. Mais il y a toujours avec lui, une part de l’acteur qui est emmené, une part de lui, et un grand coup de shaker là-dedans et on voit ce qu’on sort.

Y a-t-il eu de l’improvisation ?
Au niveau des répétitions, il y a eu des scènes où l’on a improviser autour du canevas du scénar. C’était notre pain blanc, une fois que c’est fini, le jour du tournage, tu attaques dans les rails, surtout pour un premier long. Jan ne pouvait pas se permettre même s’il y a possibilité de faire des impros. Il faut à un moment donné, que ça shoote et que ça aille vite.

“C’est Noël. Ca sent le sapin”. C’est pas une impro ?
Non! Il y avait un flashback qui a été retiré où l’abbé avait une enfance terrifiante et malheureuse. Sa mère a buté son vieux et c’était à Noël; elle était en train de mettre des guirlandes sur le sapin.

C’était ça l’idée “C’est Noël, ça sent le sapin”. La réplique a été gardée et c’est n’importe quoi mais bon…

Justement, c’est ce qui m’a fait rire, la réplique arrive sans aucun sens…
Le personnage de l’abbé, c’est un tordu pas possible.

Un peu comme Tcheky Karyo dans l’autre camp.
Oui. C’est deux allumés. L’abbé, je l’ai pris complètement comme un fou furieux. A la limite, ce type là ne s’accroche pas à ce qu’il croit être la religion, mais ça lui donne le prétexte de péter une durite et de tirer.

Mais il ne tire pas trop quand même dans le film.
Non, il est assez cool. C’est ce que j’ai bien aimé, le fait que ce soit complètement différent de Vibroboy.

Ca vous plait de jouer les méchants ?
Ah ya que ça qui me plaît!
Non ça dépend. Par exemple, le bon, la brute et le truand; tu sais pas qui le bon ou le truand. La morale existe à qui veut la voir.
Le bon Clint Eastwood est quand même un vrai tordu. Alors si on me dit : tu veux bien jouer des bons comme ça : ok!

Aujourd’hui, il n’y en a plus beaucoup des bons comme ça.
Non, et puis j’ai une tronche…On va pas me mettre dans un putain de film…

Au début de Dobermann, ça va, vous avez l’air gentil. On vous reconnait même pas tout de suite.
Ouais ça me plaît. Si je fais d’autres films, j’ai envie de pouvoir changer. Aller dans un autre personnage, et que ça donne pas tout à coup : ah ouais t’as vu ce mec…C’est l’enfer. Moi j’ai envie de sortir de chez moi et d’aller me fendre la gueule avec des potes. “Hé t’as vu…

“C’est Vibroboy ?!”
Ouais, mais pour l’instant, on me l’a pas encore fait!

C’est assez étrange, dans Dobermann il y a plutôt beaucoup de seconds rôles, que un seul héros.
Je crois que c’est un parti pris. C’est pour casser l’image. C’est vachement déroutant et c’est bien parce que c’est une nouveauté. Il y a très peu de films, même aux USA, où il y a autant de personnages secondaires qui ont quand même des partitions intéressantes.

Il y a souvent beaucoup de second rôles dans le cinéma américain qui sont même plus intéressants que le personnage principal.
Ouais, c’est clair. C’est souvent les méchants. Qui a fait les plus grand films chez les américains ? C’est les méchants.
C’est pas les bons. Les bons, on s’en branle. Qui s’identifie encore aux héros ? On s’en fout.

Vous êtes cinéphile ?
Pas trop. Je l’étais un moment mais maintenant j’ai une famille et tout ça…Mais j’ai un magnétoscope quand même!
J’adore, je regarde plein de films. De tout. Je suis un fan de western, spaghettis notamment. J’aime bien les bons films de SF. Des fois il y a des films très simples où il n’y a pas de moyen qui me branche aussi. La ménagerie de verre qui sont les débuts de Malkovich, c’est filmé de façon hyper théâtrale. Il y a un côté hyper esthétisant et en même temps, il y a un fond. Je vais voir, tout ce qui est bien, ce qui me branche.

Vous êtes allé voir le 5ème élément ?
Non. J’ai pas vraiment envie. Je suis resté scotché sur Besson au dernier combat. Après ça m’a un peu pété les couilles.
Nikita encore, ça m’a fait un peu sortir de ma tanière. Quand j’ai vu le dernier combat, à l’époque où il était sorti, ça m’avait fait halluciné. J’me suis dit : si ce mec là, il en refait un, je vais le voir, c’est sûr.

Après il y a eu Subway. J’me suis dit, c’est quoi ce truc ?! Et puis après il y a eu Le Grand Bleu, le truc pour midinette de 16 piges. Mais ma frangine en était folle.

Mais Besson est un mec qui a défrayé des trucs. Après le dernier combat, j’étais sur le cul. Mais après euh…A part Nikita. Ce mec, il est super, il sait bien filmer, une magie de l’image. Maintenant ce qu’il développe en fond, ça toujours été à l’eau de rose, un peu naïf. Je dis pas qu’il en faut pas mais c’est pas vraiment mon délire.

Si Besson me demandait de faire un méchant dans un film : je dirais, attends mon pote, c’est de la connerie…

Le dernier méchant Zorg a été un peu loupé.
Ben il a dû avoir des pressions. Faut dégoupiller tout de suite ce genre de taré. Aller bosser avec Tarantino.

Vous n’êtes pas allé à Cannes ?
Non! On m’a pas invité!

Miramax a acheté le Dobermann.
Oui ça risque de faire quand même un peu de bruit. Ouais ça va en faire.

C’est un film qu’on a pas l’habitude de voir…
C’est clair. Yen a qui vont tomber sur le cul. C’est bien, ça remue un peu, c’est ce qu’il faut.
Faut que ça pète!

3 commentaires sur “Entretien avec Dominique Bettenfeld”
  1. salut dom
    y a t il un site qui me permettrait de suivre ta carriere artistique ?
    merci et allez l AS REMELING

  2. salut Dom
    99 francs hier soir …. et voilà je te retrouves en grand “gagnant”!
    et comme à chaque fois que je te reconnais dans un film, je me dis : faut que je lui fasse un coucou !
    donc, là, tout de suite, maintenant, je le fais … et hop, c’est fait !
    bonne vie à toi

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