Il faut croire qu’on ne peut plus garder le feu sacré dès qu’un excès original devient une franchise. En cela, malgré son aura d’oeuvre « à part », Hellraiser n’y aura pas échappé. Après le premier, habité et sans concession, halluciné par l’écrivain Clive Barker lui-même, antithèse des clichés du genre à l’époque, puis une suite encore plus folle et démesurée, le troisième, Hell on Earth, comme son titre l’indique, invite les Cénobites à hanter notre monde directement pour infliger la souffrance « dans le plaisir » non plus pour des initiés mais pour tous ceux qu’ils croisent. Plus on est de fous…
En quête de scoop, une jeune journaliste dans un hôpital, qui s’attriste de n’avoir aucun fait divers saignant à agiter devant la caméra, va en découvrir un particulièrement gratiné. Les urgences accueillent un jeune homme lardé de chaînes à hameçons sur tout son corps. Ce qui la conduira à une boîte de nuit tenue par le propriétaire J.P. Monroe, un dandy moderne vulgaire et sans scrupules. Le prince du nightclubbing collectionne de l’art pour se donner un genre. Il fait l’acquisition pour une bouchée de pain d’une statue très étrange, un monolithe incrusté de corps humains. Grand commercial des enfers, le célèbre ange déchu à tête d’épingles, retenu prisonnier à l’intérieur, lui proposera un marché dont il a le secret, avec les petites clauses cachées inscrites en bas du contrat, toujours lourdes de conséquences. En apparence, le troisième tome respecte l’esprit, c’est plutôt gore. Avec Anthony Hickox (Les Waxwork) aux commandes, c’est également plutôt fun. Pinhead une fois incarné, a les mains libres, expatrié de la maison bourgeoise anglaise confinée ou de l’hôpital malsain du Docteur Channard. En l’expédiant ravager une grande ville pour la petite boîte (le Rubik’s Cube) comme un T-800, le charme pervers et recherché des précédents est mis à la trappe. Sa horde, ses âmes damnées, sont des super vilains, tels les évadés de la Zone Fantôme de Superman II. Chaque servant suturé possédant un pouvoir influencé par son activité de simple mortel. Le DJ lance des compacts disques tranchants comme des rasoirs, le barman est spécialiste du jet de shaker-molotofs, le caméraman pulvérise avec son oeil-objectif meurtrier, et ainsi de suite… Le film navigue alors plus dans le comics.
La série se permet pourtant des écarts qui n’appartiennent à aucune autre. Pinhead parodiant le sacré dans une église est une scène sataniste assez étonnante : Il se mutile pour singer les stigmates de Jésus, force un prêtre à genoux à avaler un bout de matière cervicale comme si c’était une hostie, mime la crucifixion le sourire en coin et proclame « Je suis Dieu ». Ce style aussi tranché de situation sardonique et anticléricale est si rare qu’il faut le signaler. Le massacre collectif est aussi étonnement bariolé. Le plus troublant reste les tableaux oniriques de l’héroïne déambulant en chemise de nuit blanche immaculée, plongée en pleine guerre du Vietnam et dans les tranchées de 14-18. L’enfer sur terre donc. Toutes ces folies nous font regretter que par la suite la saga fut autant prise à la légère pour se prolonger dans des épisodes déclinés à la Vendredi 13, avec des budgets de plus en plus serrés et dans une décrépitude qualitative moyenne.
Hellraiser III : Hell on Earth (1992) réalisé par Anthony Hickox avec : Terry Farrell – Kevin Bernhardt – Ken Carpenter – Paula Marshall – Doug Bradley – Peter Atkins