La Horde, témoignage

Mauvais Genre

Mais, nous ne sommes plus à l’ère Giscardienne, me direz vous ! Vraiment ? En 2001, Le Pacte des loups de Christophe Gans a totalisé plus de 5 millions d’entrées. Ce succès commercial incontestable nous a alors laissé penser qu’enfin le cinéma fantastique avait trouvé son film « déclic » qui aura prouvé que ce genre peut attirer les foules, donc, par ricochet, les producteurs. Un tel carton aurait dû ouvrir les portes et déballer le tapis rouge à celui qui en a été l’instigateur, non ? Aux États Unis, sans aucun doute, en Angleterre ou en Espagne certainement, mais pas en France. Aussi, lorsque Christophe Gans s’en est allé démarcher la commission d’avances sur recettes, son nouveau projet sous le bras, il s’est entendu dire, qu’en France, on préfère financer des scénarios avec des taches de gras plutôt que des projets « prétentieux ».

Le réalisateur de Crying Freeman aura certainement fait les frais de son passé car, tout comme Yannick Dahan, il a été critique de cinéma avant de se tourner vers la réalisation. Et en France, on a la rancune tenace. Gans aura donc été le premier à comprendre que, si la popularité d’un film fantastique fait de vous un exemple à suivre aux USA, cela vous vaut d’être montré du doigt et considéré comme un pestiféré dans l’hexagone. Et oui, c’est ça, aussi, l’exception culturelle française : confondre souvent prétentieux et ambitieux.

Comprenant qu’on ne veut pas de cinéma de genre chez nous, Gans s’est envolé vers le nouveau monde, bientôt rejoint par Alexandre Aja, Xavier Palud, David Moreau, Florent Emilio Siri, Jean-François Richet, Xavier Gens, Mathieu Kassovitz, Julien Maury, Alexandre Bustillo et Pascal Laugier. Bref, TOUS les réalisateurs de films de genre français. Nul n’est prophète en son pays !

C’est donc dans ce contexte que Dahan et Rocher décident de tourner La Horde, tels un Don Quichotte et Sancho Panza se lançant à l’assaut, non pas de moulins à vent, mais d’une gigantesque usine à gaz, bravant courageusement la condescendance cynique et le mépris non dissimulés d’une industrie institutionnalisée, passéiste vis à vis d’un cinéma qu’elle considère déviant.

Nous retrouvons un peu de de cette condescendance lorsque le journaliste de France Télévisions nous interviewe, David, Ryo, Julien et moi au sortir de de la loge maquillage en ce premier jour de tournage. « Alors, pourquoi aimez vous le gore ? » nous demande-t-il d’un ton légèrement blasé, estimant peut être que les films d’horreur ne s’adressent qu’à des adolescents boutonneux, attardés et névrosés, alors que nous avons tous la trentaine bien entamée. Que voulez-vous répondre à ça ? (la réponse dans le reportage diffusé au 20h sur France 2 le samedi 20 décembre 2008).

Le deuxième jour de tournage, nous sommes plus loquaces devant la caméra de Ciné-Frisson, évoquant la multitude de niveaux de lecture qu’offre le cinéma fantastique, tantôt subversif, contestataire et engagé, porteur de messages sociaux et miroir de notre société, tantôt métaphorique et poétique, parfois drôle, parfois malsain, souvent créatif et imaginatif. Nous expliquerons que les films d’horreur ne sont pas des films qui se regardent mais qui se ressentent, se vivent, des films qui ravivent parfois nos peurs primitives comme celle d’être dévoré vivant, inscrite dans nous gènes depuis l’aube de notre espèce et avec laquelle Spielberg joue allègrement dans Jaws : un cinéma « sensitif » pour Dahan, parfois viscéral. J’évoque le CNC, une autre de nos institutions respectables qui rejette systématiquement les projets de courts-métrages de genre au profit d’œuvres plus « sérieuses » comme celle en ma possession : le script, qui ne respecte ni la dramaturgie, ni la présentation inhérente à l’écriture de scénario évoque un type sans visage qui observe un bateau au large tout en rêvant de volley-ball. L’auteur avoue lui même dans sa note d’intention que son film ne raconte… rien. Bien sûr, le projet a été financé. Il devait y avoir des taches de gras dessus.

Évidemment, mes amis jusque là virtuels, rencontrés sur la page Myspace de Dahan il y a un an et avec qui je partage une chambre dans le Campanile situé en face du plateau de tournage, et moi même, serons coupés au montage ; seul David et son fameux : « Je viens du Nord et je suis fier de ne pas avoir vu Bienvenue chez les Chtis !» sera diffusé dans l’émission de Pierre Zéni.

6 commentaires sur “La Horde, témoignage”
  1. Un bien bel article. Un brin nostalgique et qui ravive notre attente de la sortie en salle de ce premier film de zombie français. Je crois qu’il sera à l’image de l’ambiance du tournage, joyeusement bordélique et extrêmement sympathique!

  2. Bien cool ce petit article. Fais juste attention, il y a quelques fautes d’orthographes me semble-t-il.

    Ça fait plaisir de se remémorer ses bons souvenirs de tournages. Remercions encore nos chers réalisateurs Benjamin Rocher et Yannick Dahan, et bien sûr toute l’équipe qui fourmille autour.

    J’étais également dans la scène de la cave (avant dernier jour de tournage), et le peu d’images que j’ai pu voir donne vraiment envie de les voir en grand !

    Si tu cherches un monteur pour tes films, je serais très heureux d’aider un mec comme moi, un passionné. Ils sont devenus rares de nos jours.

    Bonne continuation ! Bon courage et bone année !

  3. Les fautes sont la malédiction du correcteur, elles savent se cacher sournoisement même après un nombre impressionnant de relectures. Les corrections nécessaires ont été effectuées.

  4. Article fort sympathique même si forcément subjectif…
    En tout cas tu nous a fait partagé l’émulation d’un tournage forcément atypique. En espérant que le film porte ses fruits car un film de siège avec des zombies, y en a déjà eu beaucoup et pas des moindres…

  5. Monstrueux très bel article !

    Continue à poursuivre tes rêves et ne te soumet JAMAIS à cette “culture noble” que la France aime tant nous faire gaver ! T’es passionné et “you have some heart”, alors fonce !
    Bon, j’avoue rester pessimiste à l’idée d’un “âge d’or” du cinéma de genre en France, mais ce n’est peut-être pas le plus important, pas autant que de continuer à rêver et éviter de devenir des zombies de plus. C’est peut-être bateau, mais il faut faire ce qui a un sens pour soi, pas pour les autres.

    Je te souhaite le meilleur, gars !

    (et oui, “Les Oiseaux”, “2001” et “Shining” sont carrément des films de genre !!!)

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