Le salon des éditeurs indépendants / compte-rendu

image1Le Point Ephémère situé quai de Valmy ressemble à un ancien entrepôt bordant le canal St Martin. La façade et les murs alentours sont criblés de tags et d’affiches cryptiques, l’intérieur a un look destroy / indus d’ancien entrepôt qui aurait subi un lifting punk. De nombreux professionnels de l’édition (livres ou dvd) s’y sont retrouvés dans la joie, même “the crise” semblait toucher un peu tout le monde. Mais qu’importe, se lancer dans l’édition indépendante demande un enthousiasme sans faille et rien n’est évident dans le milieu. Les éditeurs présents se battent avec pour seule arme leur passion, afin de nous faire découvrir des films qui, sans eux, ne seraient tout simplement pas visibles. C’était donc l’occasion de faire des rencontres, de découvrir des films méconnus, de faire de bonnes affaires et de participer à des débats de fond ainsi qu’à des projections originales.

Cinétrange partageait son stand avec Artus Films. Les valeureux montpellierains avé leur assent étaient venus tout droit de Cannes pour vendre leur grande collection de films de “nazisploitation”. Les visiteurs étaient choqués, interloqués ou amusés. Il faut en effet pas mal d’audace pour éditer des films d’exploitation prenant le contexte nazi comme base de divertissement. Pourtant ces films français font partie de notre patrimoine. La question est donc de savoir s’il faut les ignorer à cause de leurs tares ou les regarder avec tout le recul nécessaire que chaque spectateur doit avoir face à ce genre de films. Et quand on regarde ces oeuvres arborant sur leur jaquette de grosses croix gammées, on se rend compte qu’ils sont bien plus inoffensifs qu’ils n’en ont l’air.

Juste à côté, j’ai fait la connaissance de l’éditeur Rouge Profond, représenté par le très très sympathique Guy Astic, basé à Aix-en-Provence. L’homme édite des livres en rapport avec le cinéma, écrit par lui mais pas seulement. Rouge Profond privilégie les analyses de fond de thématiques.tueursenserie Guy Astic a sorti deux livres pour décrypter les films de David Lynch. Tueurs en série, les labyrinthes de la chair, est une nouveauté, écrit par un psychiatre et développe de manière originale un thème maintes fois abordé au cinéma. L’auteur alterne des références aux films, des analyses cliniques, des citations d’entretiens avec des tueurs. Employant une méthode transversale, Thierry Jandrok parvient à nous passionner en nous donnant les clés pour comprendre le fonctionnement d’un tueur en série constitué d’abord d’une personnalité perverse. Il manque néanmoins un petit glossaire pour certains termes certainement évidents pour le professionnel de santé mais moins pour les béotiens : névrosé, psychopathe, psychose, etc. D’autant que certains mots sont généralement mal employés. Certains passages pourront paraître un peu obscurs mais certains parallèles avec le cinéma sont aussi étonnants qu’instructifs. En gros, le cinéma permet de comprendre les serial killers et inversement.

Clavis Films est un éditeur qui propose des classiques du cinéma hongrois. Ne partez pas tout de suite ! La personne sur place était très motivée et enthousiaste de partager la culture hongroise et notamment le réalisateur Béla Tarr. Celui-ci a notamment réalisé un film de 7h30 (ne partez pas, j’ai dit) qui est néanmoins regardable en trois parties (comme le seigneur des anneaux version longue en somme).

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Nous connaissons déjà bien ED Distribution, puisque c’est un peu la maison de Guy Maddin en France. Le cinéaste prolifique et étrange commence doucement à se faire connaître, notamment grâce aux projections et aux dvd d’ED. L’éditeur (mais aussi distributeur cinéma) a deux sorties qui semblent passionnantes : le documentaire Kurt Cobain about a son et le film Tòto qui vécut deux fois. Un extrait du synopsis : Paletta, un obsédé sexuel, erre dans les faubourgs de la ville. Non seulement il ne
parvient jamais à satisfaire son désir mais il subit en outre toutes sortes d’humiliations. Son excitation décuple lorsqu’il apprend que Troiscylindrées, une putain bien
connue, est arrivée en ville. Désargenté mais incapable de résister à la tentation, il
commet un vol dans le tabernacle placé sous la protection du chef de la Mafia.

Sur le stand Malavida, j’ai pris les trois films de jeunesse d’Andrzej Zulawski : la troisième partie de la nuit, le diable et Sur la globe d’argent. Nous avions déjà chroniqué Tarnation chez le même éditeur.

Le chat qui fume était déçu des scores de Forbidden Zone. Il était donc possible de l’avoir pour 10 EUR, un très bon prix pour un film totalement délirant que tout amateur de bizarrerie se doit d’avoir vu.  Le chat proposait aussi les Richard Kern, ses courts-métrages et son film extra action, petite perle d’érotisme voyeur que nous chroniquons sur notre site secret.

363Cette année, il n’y avait pas uniquement des éditeurs français mais aussi des étrangers. On aura pu rencontrer Pierre-Luc de Cinéma Abattoir, qui proposait une bonne déco sur son stand à base de parpaing trouvé dans la rue d’un morceau de vitre. L’éditeur québécois propose trois dvd qui sont en fait des compilations de courts-métrages du monde entier. Ceux-ci partagent à chaque fois une thématique que l’on ne saurait décrire et ils essaient d’être les plus sombres, underground et expérimentaux possible. Cinéma Abattoir s’attache beaucoup à la forme et propose ainsi des packagings dvd originaux. Il y a par exemple un bout de grillage découpé à la main qui fait office de jaquette ! Avant de visionner les films, prenez soin de vérifier que vous n’êtes pas sujet à l’épilepsie. Certains sont assez éprouvants pour les yeux et les oreilles. La première compil, nommé l’érotisme, est également chroniquée sur notre espace cochonneries.

Au gré des rencontres, on pouvait croiser Julien Sévéon qui dédicaçait son livre Categorie III. Son éditeur Bazaar & Co. y proposait leurs derniers livres, de beaux et luxueux ouvrages à des prix élevés. Mais quand on aime…

image3J’ai fait aussi la connaissance du rédacteur en chef de Diabolik Zine, avec son équipe composée de lui seul. Il fait donc son fanzine seul dans son coin et propose un produit très abouti (120 pages, reliure “carrée-collé”, impression laser, quelques pages couleur) malheureusement à un prix à la hauteur de l’objet (13 EUR). Un travail de dingue pour cet amateur de cinéma bis.

Jean Rollin déambulait dans le salon le premier jour ainsi que Bouyxou. Viktor Alexis, dont nous avons déjà parlé, était également présent. J’ai pu rencontré les gars de 1kult du studio Ghümes, présent avec leur artillerie (caméra et perche), qui en ont profité pour boucler quelques sujets dont on attend la mise en ligne avec impatience!

Une discussion entre professionnels et le public portait sur le prix du dvd. Le coût et le prix de vente sont extrêmement difficiles à déterminers pour les éditeurs indépendants. Avant l’édition, il faut retrouver les ayants-droits, les payer une somme très variable. Il faut s’occuper ensuite de produire un master adapté au dvd en partant d’un matériel sur pellicule. Si besoin, il convient de prévoir une restauration. Ensuite, on passe à l’authoring du dvd, qui rassemble le film, les langues et sous-titres, les menus et d’éventuels bonus. Le marché des suppléments est d’ailleurs un business à part; certains sont très convoités et comptent parfois pour beaucoup dans le coût d’un dvd. Vient ensuite l’étape de pressage et finalement la distribution. Un distributeur est un grossiste qui, grâce à ses contacts et un nombre important de titres, peut s’imposer dans les magasins. Il faut donc rajouter au prix du dvd les marges du distributeur et de l’enseigne qui le vend dans ses bacs. Au lancement du titre, l’éditeur doit également prévoir un budget “promo” : envoi de dvd aux journalistes, achat d’encarts pub dans la presse, etc. En conclusion, il est très fastidieux et très risqué pour un petit éditeur de sortir des titres “indépendants”. J’entends par là, tout ce qui s’éloigne des blockbusters vendus d’avance, souvent rentables avant même leur sortie en dvd. Cela peut être d’obscurs films d’auteurs, ou des films de genre qui n’intéressent qu’un public restreint mais passionné.

Une autre discussion se focalisait plus sur les aspects techniques du dvd et du blu-ray. C’était assez technique. Le format de l’image a été abordé. Le blu-ray ne semble pas encore d’actualité chez les indépendants et ne semble pas passionner les intervenants (éditeur, distributeur, expert en “authoring”). En cause : les ventes très faibles du support en France. De mon côté, je me suis équipé il y a quelques semaines et j’ai été totalement convaincu par la qualité exceptionnelle. Evidemment il faut un diffuseur digne de ce nom : vidéoprojecteur ou LCD/Plasma le plus grand possible qui supporte la HD. Mais tant qu’on n’a pas vu réellement de la HD, on ne sera pas vraiment compte de l’apport en détails. Les films prennent une sorte de relief (sans besoin de lunettes 3D!!). C’est tellement bien que j’ai dépensé plein de sous en disques blu-ray mais pas en France bien entendu. Une nouvelle fois, nous sommes en retard. En Angleterre, le prix des disques se situe entre 12 et 20 EUR port compris tandis qu’en France, c’est 25 EUR minimum et souvent plutôt 30 EUR ! Normal que ça n’emballe pas les foules. De même les lecteurs sont encore un peu chers par rapport au dvd. En bref, le marché n’est pas encore “grand public” ni assez mur pour des films méconnus. Mais quelle claque de redécouvrir des classiques comme Blade Runner, The Thing ou Dracula qui prennent une toute autre dimension. C’est sans compter le son, qui gagne largement en précision et en dynamique pour peu que vous ayez un peu de matériel derrière.

En tout cas, félicitations à Benoît Labourdette qui créé des dvd chez Quidam, et qui a un talent indéniable pour expliquer des choses extrêmement techniques de manière à être appréhendées par un large public.

Je finis par remercier chaleureusement (oh oui) Stéphanie de Hors-Circuits, l’instigatrice de l’événement et Nathalie pour l’organisation et les biscuits.

Portail des éditeurs indépendants et site du salon : www.cinemashorscircuits.com

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