Film coréen passionnant, réalisé en 2005, The President’s last bang a été sauvé de l’oubli par l’éditeur Potemkine. Enfin disponible en dvd, le film parvient à sublimer son contexte historique et géographique, et à mettre en avant le courage (ou le coup de folie ?) d’une poignée d’hommes prêts à se sacrifier au nom de la démocratie.
Le réalisateur Im Sang-Soo a pris un risque en montant ce projet. Dans les suppléments du dvd, il explique que la classe dirigeante actuelle, a en fait prospéré sous le règne de Park Chung-Hee, qui fut un dictateur mais aussi un très bon économiste. On ne peut être qu’admiratif envers le réalisateur, de traiter d’un sujet politique dérangeant aussi récent (fin des années 70), et qui a encore des conséquences sur la Corée d’aujourd’hui.
La mise en place a tendance à nous perdre quelque peu. Il y a beaucoup de personnages, le contexte de l’époque est difficile à appréhender. Mais bientôt, nous sommes enfermés dans la « maison bleue », sorte de forteresse de loisirs où le président et ses proches dignitaires se délassent en compagnie de quelques jolies et talentueuses filles. Im Sang-Soo prend son temps pour nous dépeindre les lieux : luxueuses boiseries, atmosphère feutrée et spectacle sensuel, tout invite au calme et à la relaxation avec l’aide de la caméra qui semble glisser sur les décors. On pourra trouver ce début un peu longuet mais il faut au contraire en profiter, car c’est le calme avant la tempête.
Kim, le directeur de la KCIA (services secrets coréens) décide sur un coup de tête d’assassiner le président, alors entouré seulement de quelques gardes du corps. Il profite de la totale confiance que le président et ses proches lui vouent pour se permettre son geste à la fois fou et logique dans son désir d’idéal. S’en suit le massacre, mis en scène de façon magistrale, avec quelques plans purement esthétiques, marqués par d’impressionnantes flaques de sang. Que l’on ne se méprenne pas. L’oeuvre n’est pas une grande fresque façon JFK d’Oliver Stone. Le réalisateur a choisi de présenter les choses sous un angle intimiste. Après tout, ce ne sont que quelques hommes qui règlent leurs comptes mais qui vont décider ainsi du destin de la nation entière. Le film ne fait non plus dans l’héroïsme à tout prix. Car le directeur Kim est un homme humble qui semble savoir ce qu’il fait, mais qui au final ne fait que destabiliser les politiques les plus hauts placés et espérer que quelque chose de bon en sorte. Mais le plan ne se déroule pas entièrement comme prévu…
On pourrait rapprocher le cinéaste coréen de Paul Greengrass, réalisateur anglais de United 93 et Bloody Sunday. Tous deux ont cette volonté de reconstituer une réalité de terrain, de nous communiquer une atmosphère très spéciale marquée par un événement. Et dans un même temps ils dépeignent une situation politique à une plus large échelle. Mais Im Sang-Soo est également impertinent. The President’s last bang peut se voir à la fois comme un thriller haletant, un film historique, et même comme une fable burlesque, se moquant du pouvoir en place à l’époque.
Dans les bonus, on trouve un intéressant entretien avec le réalisateur. Ce dernier porte des lunettes mauves et bottes violettes en croco, un look décalé par rapport au sérieux du sujet. Im Sang-Soo nous explique de nombreux aspects méconnus de la Corée, des années 80 mais aussi de la situation actuelle, et des problèmes qu’il a eu avec la justice à propos du film.
Corée du Sud. 2005. Réalisé par Im Sang-Soo. Avec Suk Kyu-Han, Baik Yoonshik, Song Jaeho. Editeur : Potemkine.