Le masque de la mort rouge, de Roger Corman

Synopsis

Quelque part en Italie au XIIe siècle, Le prince Prospero fait regner la terreur sur un petit village provincial. Adorateur de Satan, il arrête deux paysans, Gino et Ludovico, qui refusent de payer leurs taxes. Fransesca, la fille de Ludovico  et fiancée de Gino, supplie Prospero d’épargner leurs vies. Sans donner de réponse définitive, Prospero invite Fransesca au château et emprisonne les deux hommes. Il met le feu au village. Pendant ce temps, une silhouette vêtue de rouge annonce la venue de « la mort rouge » une maladie qui décime tout sur son passage.

Critique

masqueLa magnifique nouvelle d’Edgar Allan Poe tient en quelques feuillets et ne propose guère de progression dramatique au sens classique du terme. Il s’agit davantage d’un poème funèbre et morbide que d’un récit d’épouvante classique. Poe s’attachait à décrire des impressions, des émotions à travers une écriture lyrique et sombre. A ce titre, les seuls protagonistes du récit sont Prospero et la mort incarnée par une forme spectrale. On comprend mieux dès lors la gêne éprouvée par Roger Corman d’adapter au cinéma ce court récit. D’ailleurs le premier scénario, écrit par son complice Charles Beaumont, n’était absolument pas satisfaisant. Corman lui reprochait son manque de trame narrative. Il réécrivit entièrement le script avec R. Wright Campbell, incluant ainsi des éléments sur la lutte du bien et du mal, ajoutant des personnages nécessaires au développement d’un long métrage.

Au final, il faut bien l’avouer, un sentiment d’inachevé semble contaminer un récit fascinant mais bancal. Le personnage principal est le premier à subir les frais de ce remaniement. D’une séquence à l’autre, son comportement vacille comme si les auteurs avaient eu des difficultés à le cerner. Cruel, sadique, pervers, il devient par moment attentionné, réfléchi et raisonnable. Prospero devient déroutant, loin de l’incarnation du mal absolu auquel il aspire en tant qu’adorateur de Satan. Cette ambiguïté, qu’elle soit volontaire ou non, participe à la complexité du film. Le Prince hérétique est admirablement interprété par Vincent Price, au sommet de son art dramatique. Entre roublardise assumée et folie illuminée, il vampirise littéralement l’écran.  En face de lui, les autres comédiens paraissent bien ternes.

Réflexion pertinente sur le bien et le mal, le masque de la mort rouge permet à Roger Corman d’affirmer son côté libertaire, son athéisme profond. Il pointe à plusieurs reprises les contradictions de la religion chrétienne qui, sous couvert d’amour de son prochain, a aussi créé l’inquisition.

D’ailleurs, la mort n’appartient ni au bien ni au mal, chaque individu créé son propre enfer et son propre paradis. La mort est neutre. Elle prend les saints comme les criminels. Voici la seule morale que semble asséner Corman. La mort est naturelle, ce n’est pas une malédiction divine ou métaphysique.

masque2Roger Corman retrouve par intermittence la magie de la nouvelle de Poe grâce à un traitement formel poussant très loin la recherche esthétique. Le masque de la mort rouge est un enchantement visuel de tous les instants. Dès les premiers plans nocturnes, Corman nous immerge dans une ambiance gothique rappelant le meilleur de la Hammer. Dans une forêt cauchemardesque éclairée comme un décor expressionniste, la caméra traque des silhouettes encerclées par la brume. L’arrivée de «la mort » détonne dans cet environnement anxiogène. Une silhouette rouge se détache admirablement de ce cadre pictural. Imaginer Ingmar Bergman qui aurait troqué l’austérité de son noir et blanc pour des couleurs flamboyantes et vous aurez une petite idée de la beauté plastique de ce film, assurément le plus maîtrisé sur le plan visuel du cycle Poe.

Ensuite, Roger Corman nous transporte dans un autre univers, tout aussi hypnotique, à l’intérieur du château. Et là, même si le récit n’est pas toujours à la hauteur, Le masque de la mort rouge frise la perfection, ne cesse de fasciner, d’envoûter. La caméra, étonnamment mobile, se promène au milieu de décors splendides, démentiels, limites surréalistes.

A un moment Francesca traverse une série de pièces peintes d’une couleur différente (violette, jaunes, blanche et rouge). Le plan séquence latéral est d’une beauté rarement rencontrée dans le cinéma dit de série B. La mise en scène, tape  à l’œil et baroque, en remontre à plus d’une superproduction de l’époque. La présence de Nicolas Roeg en tant que chef opérateur assure pleinement la réussite de ce conte raffiné et cruel qui se termine par une sorte de danse macabre flirtant avec certaines figures du théâtre avant-gardiste. Le caméraman n’est autre que Alex Thomson, démiurge à qui l’on doit les images de Legend, et d’Excalibur.

Se clôturant par une pirouette aussi terrifiante que logique, Le masque de la mort rouge est l’une meilleure adaptation de Poe par Corman. L’auteur de Mitraillette Kelly a su retrouver l’essence poétique et macabre cher à l’auteur du Chat noir.

La copie, entièrement remasterisée, est splendide, enterrant de très loin le zone 1 dispo chez MGM.

(USA/GB-1964) de Roger Corman avec Vincent Price, Hazek Court, Jane Aher, Patrick Magee

Durée : 85 mn. Format : 16/9 2 :35. Son : VF VOST (mono d’origine).

Bonus :

Présentation du film
Bande-annonce

Edité par Sidonis

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