Agora, d’Alejandro Amenabar

Sans se presser, Alejandro Amenabar nous livre un film tous les quatre ans. Ce temps de maturation lui permet de changer de registre à chaque fois. Du thriller morbide (Tesis) au film fantastique atmosphérique (Les autres), en passant par le drame sur l’euthanasie (Mar Adentro), il était tout “naturel” que le réalisateur espagnol s’intéresse au destin d’Hypatie, mathématicienne, philosophe et astronome en l’an 400 après Jésus-Christ !

Le pitch n’est pas forcément excitant mais Amenabar nous emporte un étourdissant voyage dans le temps. En Egypte, Alexandrie est le siège de guerres religieuses. Les païens (comprenez polythéistes), les chrétiens et les juifs s’y affrontent. Le rapport de forces est équilibré au départ, si bien que l’on ne sait pas qui va prendre le pouvoir. Au milieu du chaos, même si elle fait partie des paiens, Hypatie ne semble pas croire aux Dieux. “Je crois en la philosophie” dit-elle, ce qui fait bien rire ses concitoyens. Alejandro Amenabar s’est inspiré d’une réalité historique, Hypatie ayant vraiment vécu. Néanmoins, ses travaux ont été perdus et les seules traces qu’elle ait laissé proviennent de correspondances. Le réalisateur s’approprie donc le personnage pour en faire une héroïne féministe – c’est la seule femme qui ose siéger parmi les hommes et a qui a le droit d’enseigner. Il lui attribue également des découvertes scientifiques. Hors des luttes de pouvoir et des croyances, le sens de la vie que recherche Hypatie se situe très loin au-dessus de nos têtes. Son seul but est de comprendre un tout petit peu comment fonctionne le mouvement des planètes…

A la manière des planètes qui gravitent autour d’un astre central (appelés les “errants” dans le film), il y a des personnages qui gravitent autour d’Hypatie, point central du récit. Le jeune Davus est d”abord esclave d’Hypatie et de son père. Mais le garçon est amoureux de sa maîtresse. Il voit la richesse des païens et la pauvreté des chrétiens qui ont besoin d’aide. Néanmoins, il peut profiter de la connaissance grâce aux cours que donnent Hypatie. Mais lorsque les chrétiens commencent à supplanter les païens, Davus passe du côté des militants, et n’hésite pas à user de la violence. Orestes est un des élèves d’Hypatie et il tente de séduire publiquement sa préceptrice. Mais celle-ci le rejette d’une manière assez surprenante. Déçu dans un premier temps, il va finalement devenir le meilleur ami d’Hypatie et elle sera son plus éminent conseiller lorsqu’il sera nommé préfet et converti au christianisme.

Tous les personnages se trouvent donc dans un questionnement perpétuel. Amour, passion, connaissance, violence, croyance, pouvoir. Quelles valeurs doivent primer ? Chaque protagoniste en choisit une au départ mais finit par dévier. Ainsi Davus choisit la violence mais finit dans la compassion. Oreste est dans la loyauté avant de finir dans la lacheté. Seule Hypatie, qui croit vivre dans un monde scientifiquement parfait, reste fidèle à ses principes même si cela implique le plus funeste des destins. Elle qui croyait que le cercle (forme parfaite par définition) régissait le monde, finit par découvrir que les planètes suivent une trajectoire elliptique, une forme impure. Ses idéaux s’écroulent alors et le chaos qui anime les hommes trouve finalement un sens. Si les planètes ne suivent pas une trajectoire parfaite, pourquoi le destin de l’humanité le devrait ?

On ressent la passion d’Alejandro Amenabar pour ce personnage féminin très fort. Avec Tesis et Les Autres, il semble vouloir dire que seules les femmes ont le pouvoir de remettre en question le monde qui nous entoure. De nombreux plans aériens ou même vus de l’espace, semblent suggérer que les hommes courent de manière erratique, sans aucune logique, occupés à s’entre-déchirer. La transmission des idées, du savoir et des croyances n’est pas mue par le bon sens. La recherche scientifique s’oppose à la religion, car il s’agit d’une perpétuelle remise en cause des acquis.

Agora n’est pas un chef d’oeuvre mais il n’en reste pas moins passionnant car il raconte une histoire. Ce qui n’est pas si commun que ça à l’heure des Harry Potter 12, Transformer 3 ou Shrek 4. Mentionnons pour finir qu’Hypatie est interprétée par Rachel Weisz, éblouissante, dont la beauté et la force intérieure forcent le respect.

Le blu-ray propose évidemment une très belle image, mettant bien en valeur la reconstitution à grand frais de l’Alexandrie de l’époque. Les décors, les costumes, et les éclairages très lumineux permettent de s’immerger totalement dans l’Histoire.

1 commentaires sur “Agora, d’Alejandro Amenabar”
  1. Un grand film classique. Comme d’hab avec ce petit diable d’Amenabar, qui se pose en roc à l’abri des modes. Youpi.

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