Gérardmer 2011, épisode 5

un coup d’oeil sur les inédits vidéo…

Heartless de Philip Ridley.

Sous couvert d’une vague relecture (post)adolescente de Faust, Philip Ridley nous amène un bien joli film sur le doute, la perte de repères, la paranoïa aussi. La difficulté du passage à l’age adulte, aussi, quelque part…
Quelques excellentes idées (mélanger ainsi intervention diabolique et violence urbaine, ça aurait pu paraître tendancieux, mais c’est plutôt malin, bien amené et réussi), une très belle photographie à la fois sombre, glacée et colorée, un mélange réussi de poésie, de spleen et d’épouvante, mais un scénario qui se perd un peu dans son ambiguité entre fantasme et réalité, des éléments de récit parfois maladroit (le gigolo) et un découpage pas toujours heureux.

Le dernier quart d’heure peine également à rattraper le spectateur, tant sa morale, sa logique cruelle (un twist qui nous laisse comme un gamin à qui on pique sa sucrerie) ne fait qu’en rajouter par rapport à l’atmosphère foncièrement dépressive du film. Pas de défauts majeurs en soi, juste une petite déception vis-à-vis d’un film qu’on a envie d’aimer, ne serait-ce que pour ses qualités intrinséques et pour la performance tout en fragilité de Jim Sturgess.

Triangle de Christopher Smith

Cruauté de la distribution: Le meilleur film que j’ai eu à voir durant ce festival fait partie des inédits vidéo. En effet, après avoir fait le tour des festivals, le troisième film de Christopher Smith n’aura pas les honneurs d’une sortie salle en France, et c’est bien dommage, tant ce film confirme tout le bien qu’on peut penser du cinéaste britannique.

Sur une intrigue à base de boucle temporelle, Voilà donc une belle réussite, jouant pleinement sur ce postulat habituel et le jeu qu’il entraine par rapport au spectateur (Le déroulement et le défilement des boucles nous amenant à recoller les morceaux qui nous sont donné au début). L’intrigue est très bien ficelée, sans temps mort (peut-être Smith prend-t-il un peu trop de temps à installer son puzzle, mais ce n’est pas génant outre mesure), et sa logique implacable ne nous lâche pas, ne nous laisse, pas plus qu’à la belle Mélissa George dans le rôle principal, le moindre répit. Et ce jusqu’à une fin, là encore peut-être un poil trop longue, mais parfaitement cruelle et vertigineuse.

Outre le scénario, la réalisation est maitrisée, jouant pleinement sur l’étrangeté et l’ambiguité de la situation, avec des effets numériques discrets et réussis,  quelques plans qui marque durablement l’esprit, et si Smith, tout malin qu’il est ici, ne se sépare pas encore de sa dimension de fanboy (le tueur masqué…) qui nous gachait déjà quelque peu Severance, il nous prouve cependant qu’il est vraiment un réalisateur sur lequel il va falloir compter dans les années à venir. Son Black Death, qui devrait sortir bientôt, nous le confirmera certainement.

Rétrospectives…

Repulsion de Roman Polanski

Inclus dans la rétrospective “Claustrophobie, schizophrénie, paranoïa”, Cette oeuvre majeure dans la carrière de Polanski méritait une (re)découverte. Parce qu’elle renferme tous les germes de son chef d’oeuvre Rosemary’s Baby, ainsi, à n’en point douter, que ceux du cinéma de David Lynch (on pense très fort à Eraserhead à certains moments). Cette plongée dans la folie, dans son innéluctable naissance, est pleine de scène fortes, d’images impressionnantes, d’idées surréalistes, et est portée par une Catherine Deneuve à fleur de peau, habitée comme jamais, et suivie au plus près par une caméra très “Nouvelle Vague”. Au croisement entre le Godard d’A Bout de Souffle et Salvador Dali, le tout dans un swinging London déshumanisé.

Le film a certes vieilli, le rythme se voulant hypnotique s’en ressentant, mais cette ambiance désuette jouant aussi pleinement en faveur du film, le contraste entre le cliché de l’insouciance 60’s le disputant ici à la noirceur désespérée de cette troublante “chronique psychatrique”.


l’Eventreur de New-York
de Lucio Fulci

Présenté dans le cadre de la nuit “Giallo”, le film a été également projeté le lendemain. Et là, c’est déjà tout le plaisir d’une séance estampillé “Grindhouse” qui remonte. La salle (le Paradiso, pour les habitués du festival) étant bien “vintage” dans l’esprit, vide au 3/4, et la copie du film (en VF) étant tâchée et griffée juste ce qu’il faut. Bref, niveau ambiance, c’est le top.
Le film maintenant. Bon. La réputation de Lucio Fulci en matière de macabre est de malsain n’est plus à faire, et on en retrouve de bon exemple dans ce film. Les gros plans sur les chaires déchirés, les lames ouvrant des plaies béantes, les giclées de sang sont efficace, violentes, marquantes. Et Fulci joue d’autant mieux avec ce rapport au corps qu’il nous gratifie de quelques scènes à l’érotisme nullement déguisé, parfois même purement gratuite, de quoi faire plaisir au petit cochon qui sommeille en nous.
Malheureusement, passé ça, c’est pas joyeux.

Parce qu’il y a déjà cette incongrue idée de donner au tueur cette mythique voix de canard. Si elle est essentielle à la resolution du récit, elle n’en demeure pas moins ridicule, et désamorce toute la tension des scènes de meurtre. Ensuite, il y a le duo du flic à la ramasse et du psychologue pas bien fin, ce dernier semble ne servir au final qu’à donner une fausse piste quant à l’identité du tueur…

Bref, si le film gagne pleinement ses gâlons dans sa façon de filmer le New York interlope et ses meurtres très graphiques, le reste ne sucite guère l’intérêt. Tout réalisateur culte qu’est Lucio Fulci.

Et histoire de conclure cette Review gérômoise, un petit rappel du palmarès:

Grand Prix: Bedevilled, de Jang Cheolsoo.

Prix du Jury : Ne Nous Jugez Pas, de Jorge Michel Grau, ex-aequo avec The Loved Ones, de Sean Byrne.

Prix de la Critique : J’ai Rencontré le Diable, de Kim Jee-Woon.

Prix du Jury Jeunes : J’ai Rencontré le Diable, de Kim Jee-Woon.

Prix du Public – L’Est Républicain/Vosges Matin : J’ai Rencontré le Diable, de Kim Jee-Woon.

Prix du Jury Syfy : The Loved Ones, de Sean Byrne.

Grand Prix du Court Métrage : Le Miroir, de Sébastien Rossignol.

Prix du Meilleur Inédit Vidéo : Triangle, de Christopher Smith.

Gérardmer se rendort sous la neige; à l’année prochaine!

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