Territories

Le fantastique est mort voilà quelques années, entraînant dans son sillage le film d’horreur. Autrefois subversif et politique, ce dernier est devenu le train fantôme d’un public adolescent. Si Cronenberg évoquait avec un réalisme effrayant le corps humain à travers ses maladies, ses mutations et sa machinerie cachée, ce clown d’Eli Roth accrochera les tripes autour de son cou pour en faire un numéro de cirque. A force de remaker les films des années 80 ou 70 au point de profaner certains chef-d’oeuvres, il faut se rendre à l’évidence : le film d’horreur n’a plus rien à dire. Tout au plus, il se contente de quelques gores soubresauts qui exciteront un temps quelques aficionados.

Territories part d’une bonne idée, celle d’illustrer sur le mode torture porn, certes devenu banal, les excès des USA devenus paranoïaques suite aux attentats du 11 septembre. Contrôles accrus aux frontières, Patriot Act, camps de prisonniers, tout à coup le monde est peuplé de terroristes.

Cinq trentenaires américains rentrent au pays en voiture par une petite route forestière. C’est alors qu’ils tombent sur deux douaniers pas très commodes. Après avoir trouvé un peu de Marie-Jeanne dans leur affaires, les flics deviennent soudain agressifs, d’autant que le conducteur de la voiture, légèrement basané, s’appelle Jalil El-Hadad. Sous la menace d’un pistolet, les jeunes gens sont contraints de revêtir un uniforme de prisonnier et un sac sur la tête. Ils seront emmenés en milieu de la forêt puis enfermés dans des cages comme des animaux.

Le projet était prometteur puisque l’équipe du film compte parmi ses membres quelques résistants à la cause “horrifique”. On peut citer Douglas Buck au montage (Family Portraits) et Karim Hussain à la photographie (le fameux Subconscious Cruelty). La réalisation du colmarien d’origine Olivier Abbou n’ose cependant pas mettre les pieds dans le plat. Les images rappellent évidemment les prisons et les scandales d’Abou Ghraïb ou de Guantanamo. Ce sont là des prétextes pour mettre en image des humiliations et des tortures, principalement psychologiques. Il aurait été intéressant de se demander comment on en arrive à de tels excès, ou comment se met en place un système où tout le monde accepte plus ou moins la torture et la justice expéditive lorsqu’une chasse aux sorcières est organisée. Mais, sans surprise, les deux tortionnaires sont deux dérangés du ciboulot, deux rednecks des forêts passionnés par l’autodéfense et la protection du pays. Eux-mêmes n’y croient pas vraiment. Pourtant, ces personnages intriguent dans un premier temps, et notamment leur étrange relation, à mi-chemin entre fraternité et homosexualité sadomasochiste.

Malgré de bonnes intentions et une volonté de montrer les sévices sans se voiler la face, le film manque d’ambition et la cruauté qui y est dépeinte n’a pas le dixième de l’impact d’un article Wikipédia sur la tristement célèbre prison irakienne. Alors que nous suivons presque en direct la descente aux enfers tant physique que mentales des prisonniers, le récit nous emmène alors sur les traces d’un détective privé à la recherche de disparus. Le sujet ainsi remplacé perd alors de son intérêt.

Territories (ou Territoires en bon français) s’est offert une très discrète sortie dans nos salles l’été dernier. Actuellement, il est disponible seulement en dvd au Royaume-Uni chez Arrow Films. Coproduction franco-canadienne, le film a été tourné en langue anglaise et le dvd ne propose aucun sous-titre, ni bonus.

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