Paperhouse, de Bernard Rose

Présenté dans de nombreux festivals, notamment à  Avoriaz en 1989, jouissant d’une côte de popularité critique flatteuse, Paperhouse fut pourtant un échec cinglant qui l’avait privé d’une exploitation en salles dans nos contrées. Une sortie VHS à la sauvette, affublée d’une VF catastrophique, au début des années 90, permit au film de se faire connaître auprès d’un public restreint.

Une injustice enfin réparée avec cette (belle) édition DVD qui permet enfin d’apprécier comme il se doit ce beau film sur l’imaginaire de l’enfance. Adapté de Marianne Dreams de Catherine Stohrr, sorte de Françoise Dolto british, Paperhouse nous plonge dans le monde d’Anna, jeune fille de 11 ans, découvrant qu’elle peut s’immerger dans un monde parallèle grâce à ses dessins, plus précisément une maison où vit un petit garçon qui ne peut pas marcher. La maison, dessinée sur une feuille de papier, se matérialise dès qu’Anna s’endort ou s’évanouit.

Les liens entre rêve et réalité vont se resserrer telle une version enfantine, pleine de poésie, des Griffes de la nuit. A l’inquiétante figure de croquemitaine imaginée par Wes Craven se substitue celle tout aussi angoissante, et bien plus réaliste, de celle du père (absent), figure anxiogène chez Bernard Rose. Ce dernier détourne l’origine du roman clairement destiné aux enfants en y intégrant des éléments inquiétants, des visions angoissantes voire carrément cauchemardesques en fin de parcours. Cet aspect hybride peut désarçonner tant le film ne tranche pas sur le public visé, raison principale, à mon avis, des distributeurs français pour le priver de sortie en salles.

Ce n’est pas une raison de passer à côté de cette œuvre étrange bien qu’inaboutie, nourrie de références littéraires, picturales et psychanalytiques. Bernard Rose, connu jusque là pour ses compétences de clippeur (Relax de Frankie Goes to Hollywood c’est lui) se met au service du récit, grâce à ses aptitudes en matière de composition du cadre et de mouvements de caméra. En habile faiseur d’images, il évite brillamment l’écueil des clippeurs de sa génération, Steve Barron et Russell Mulcahy en tête, qui consiste à bouger incessamment la caméra sur un montage frénétique. Rappelez-vous Highlander, Electric Dreams. En matière d’hystéries filmiques, ces films pionniers passeraient aujourd’hui pour du Tarkovski,  à côté des productions abrutissantes d’un Michael Bay.

Mais Revenons à nos moutons, comme dirait le Petit Prince, autre référence qui imprègne ce joli conte, plus sombre qu’il n’y parait, loin des visions disneyennes sur le monde parfois terrifiant de l’enfance. Les séquences où la jeune Anna est propulsée dans son univers sont splendides, en dépit d’un budget anémique. Les décors en carton pâte, ne nuisent nullement au travail visuel sidérant dont les auteurs font preuves. Dès lors, Paperhouse évoque aussi bien les travaux futurs d’un Tim Burton que La nuit du chasseur de Charles Laughton.

Tout n’est évidemment pas parfait. Les comédiens n’ont guère de relief, la musique datée signée alors par le (presque) débutant Hans Zimmer, éreinte les oreilles et la fin s’embourbe un peu dans un symbolisme poétique pesant. Néanmoins, Bernard Rose signait là un film prometteur qui annonçait une belle carrière. Par la suite, il réalisa un bon film d’horreur  d’après Stephen King : Candyman. En abandonnant le cinéma fantastique, Bernard Rose va se conformer dans un certain académisme avec Ludwig, biopic de qui vous savez avec Gary Oldman et Anna Karenine avec Sophie Marceau. Récemment, il a signé un décevant Mr Nice, biopic d’un des plus célèbres trafiquants de Cannabis.

(GB-1988) de Bernard Rose avec Charlotte Burke, Jane Bertish, Samantha Cahill. Edité en DVD et Blu-Ray chez Seven Sept. Format: 1.78 (16/9). Audio: Français, Anglais. Sous-titres : Français. Durée : 88 mn

Les bonus :

Entretien avec le réalisateur Bernard Rose.

Les dessins préparatoires et story-boards.

Archives de production.

La rencontre avec Pascal Laugier, réalisateur de THE SECRET et administrateur de PAPERHOUSE

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