Resnais fantastique – à cloche pied autour du genre

Article publié en 2008 dans notre hors-série sur le fantastique français :

A la fin de son dernier film en date – Coeurs, adapté de Private fears in public places – Sabine Azéma et Pierre Arditi essuient, dans la cuisine d’un F3 parisien, une tempête de neige surgie de nulle part. L’événement fantastique surgit sans heurter le ton global du récit – un portrait psychologique, réaliste, des relations entretenues par un petit groupe de personnes. Ce blizzard magique, qui rend au réel sa nature de décor, aux personnages leurs rôles d’acteurs, semble une métaphore sans sens identifiable, la représentation d’un état mental, un objet poétique plus facile à saisir par l’image que par le mot. C’est une illustration merveilleuse, à la fois irréelle et transparente au-delà de la raison. Je crois qu’il y a là tout l’art fantastique d’Alain Resnais.

Depuis quinze ans, le vieux réalisateur (il ne se lance dans le long-métrage qu’à l’approche de la quarantaine) s’est replié dans sa tanière pour y travailler des thèmes modestes, y fomenter des films mineurs : la drôle de comédie musicale d’On connaît la chanson, l’opérette dissonante de Pas sur la bouche… On en viendrait à se demander comment ce même homme a pu concevoir les métrages monstres, boulimiques d’implications et de thèmes, que furent Marienbad, Muriel ou L’Amour à mort. La question est rhétorique. Il suffit de mettre côte à côte deux de ces pièces pour en lire les similitudes, au-delà des différences formelles, thématiques et plastiques. Resnais est un auteur qui possède un style propre, une voix claire et immédiatement identifiable. On le devine partout, quels que soient par ailleurs les ambiances, récits, acteurs ou directeurs de la photo. Resnais hante chaque plan, par le son génie de son montage.

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 (crédit photo : afp – Anne-Christine Poujoulat)

C’est le temps, dans ses films, qui est matière première de la création. Un temps jamais linéaire. Qui fonctionne comme la mémoire : par flash-backs, ellipses et réécritures. Par collection, aussi, association d’idées et, plus magiquement encore, par flash-forwards. La fascination qu’exercent les films de Resnais vient pour une large part de cet éclatement du carcan temporel propre au cinéma : nous ne sommes plus coincés, entre deux génériques, par la continuité d’un récit. Des portes s’ouvrent, partout, des trous nous invitent à l’évasion, à rebrousser le récit,  à y faire entrer de la rêverie, du doute. Resnais est un cinéaste aventureux, minutieux, brillant mais, surtout, cohérent. Autant que les grands maîtres du genre, il mériterait son adjectif à lui : le monde tel que nous le connaissons est parfois au moins aussi resnaisque qu’il peut être kafkaïen ou lynchien.

Une étiquette d’intello Nouvelle Vague a collé au costume de Resnais dès ses premiers films, avec Duras, avec Robbe-Grillet. Mais il est aussi – il est surtout – l’un des plus grands fans du bis à exercer dans ce milieu. Tous les arts populaires l’ont intéressé, de la bande dessinée à l’opérette, de la SF au polar. Collectionneur de comics depuis des décennies, il a failli réaliser un space opera scénarisé par rien moins que son vieux pote Stan Lee. Gros lecteur de fantastique, il a trimbalé des années durant un projet d’adaptation des aventures du détective de l’étrange créé par le belge Jean Ray, Harry Dickson. Et sa filmo, à mon avis fantastique de bout en bout, même dans ses projets les plus réalistes (Stavisky ou La Guerre est finie), compte au moins un pur récit de SF (Je t’aime, je t’aime et sa machine à voyager dans le temps), un conte d’horreur gothique (Providence et ses loups-garous) et une fable utopique (La Vie est un roman avec son palais vernien)…

 

« Ces histoires de revenants et de maisons hantées laissent à penser que Resnais est peut-être le plus grand cinéaste fantastique français. »

(T. Jousse, 1997)

L’Année dernière à Marienbad (1961)

Quand il se lance dans le long avec Hiroshima mon amour (1959), Resnais a déjà quinze ans de réalisation de courts-métrages derrière lui. Et pas du pipi de chat : il a collaboré avec Eluard, Queneau, filmé les coulisses de la Bibliothèque Nationale, s’est rendu à Auschwitz pour le documentaire de référence Nuit et brouillard et a détourné, avec Chris Marker, l’argent du Ministère de l’Intérieur pour réaliser l’inestimable Les Statues meurent aussi. (Sous prétexte de parler des collections d’art nègre du Musée de l’Homme, ils s’embarquèrent dans un pamphlet contre la présence française en Afrique, l’exploitation économique et culturelle du continent, la condescendance raciste des intellectuels. C’était un an avant la guerre d’Algérie : le film resta censuré une décennie et interdit de diffusion cinq années de plus. Il reste, à mon avis, un des documentaires les plus stupéfiants qui se puisse voir sur la polémique des arts premiers, relancée récemment par l’ouverture du quai Branly. Fin de la parenthèse.)

Marienbad. Après Duras pour Hiroshima, Resnais poursuit ses collaborations littéraires. Selon un credo qu’il tiendra une bonne décennie, il fait écrire son scénario par un écrivain n’ayant jamais collaboré avec le cinéma : cette fois Robbe-Grillet, pape médiatique du Nouveau Roman, qui rend une copie conforme à son oeuvre écrite. Dissolution des personnages et des axes narratifs, claustration, répétitions, failles dans la continuité dramatique, effacement des informations importantes. Le titre même de ce projet est une non réponse à la question classique : où et quand se déroule le récit ? Car, bien sûr, nous ne sommes ni l’année dernière, ni à Marienbad. Nous sommes dans un labyrinthe.

Last Year at Marienbad. Photo Courtesy Rialto Pictures.

Film culte de toute une génération, à cause de ses avatars (il faillit ne pas sortir faute de distributeurs), à cause des polémiques qu’il engendra (farce intello grotesque ou génial film visionnaire), à cause, aussi, sans doute, de son incroyable originalité, de sa marque propre. Resnais est chez lui dans cet hôtel suranné de ville d’eau, peut-être en Europe de l’Est, où les clients se retrouvent chaque jour pour effectuer les mêmes gestes mécaniques, reprendre les mêmes conversations vides de sens. Le héros, seul, semble pouvoir aller à contre-courant de cette apathie générale. Tombé amoureux d’une jeune femme qu’il dit connaître et qui prétend le contraire, il cherche à la tirer, elle aussi, vers l’éveil, le souvenir et le réel.

Inclassable, Marienbad peut-être, selon les lectures, considéré comme un conte de fée inquiétant à la Cocteau, un grand film fantastique sur un sanatorium hanté, une fiction psychanalytique, voire un film de SF peuplé d’androïdes en attente d’instruction. C’est aussi un récit d’amour étrange et dérangeant, la discontinuité du récit, procédant par sauts, boucles, répétition, permettant la collision d’éléments épars et la création d’un nouveau sens. La plupart du temps, ces rapports sont trop fugaces pour engendrer une impression réfléchie. De la surprise de ces concaténations naît une émotion proche de la tessiture du film, quelque chose de diffus, de spectral.

Marienbad est également une pure tuerie visuelle, dans un noir et blanc à se damner. Kubrick s’inspirera de plusieurs scènes pour la mise en place de son Shining – autre récit de palace prison hanté par son passé. C’est peut-être le film de genre le plus classe que la France ait jamais engendré, créant chez le spectateur le même genre de réaction fébrile que les derniers Lynch – une adhésion fascinée ou un énervement incoercible, le désir d’en discuter avec ses voisins, qu’est-ce que ça veut dire, bon sang ? Plutôt pas mal pour un deuxième essai.

 

Je t’aime, je t’aime (1968)

Tout au long de sa prolifique carrière, et même après ses plus francs succès commerciaux, Resnais a rencontré de récurrentes difficultés à se financer. La faute en incombe à son refus de l’auto parodie, au peu de goût qu’il a d’arpenter les mêmes chemins. Jusqu’à aujourd’hui il s’en est tenu à ce principe : chaque fois autre chose.

Je t’aime, je t’aime a longtemps été son film invisible. En compétition au festival de Cannes de 68, annulé pour cause de pavés volants, il devait aussi sortir au mois de mai : c’était jouer de malchance. Jusqu’à il y a peu, seule une paire de copies circulaient dans les ciné-clubs, la première sortie vidéo ayant eu lieu quarante ans plus tard, en ce début d’année 2008. Objet culte et de culte, sésame entre aficionados, son intrigue inspira à Gondry son Eternal sunshine of the spotless mind. Je t’aime, je t’aime peut être vu comme la collaboration de Resnais à ce mouvement de SF française de la Nouvelle Vague (Alphaville, Fahrenheit 451, La Planète sauvage, etc.) : un authentique film de genre, scénarisé par un auteur du milieu, le franc-tireur wallon Jacques Sternberg.

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Claude Ridder, cherche à se suicider par dépit amoureux, et se rate. L’équipe de scientifiques qui le recueille à l’hôpital l’incite à se porter volontaire pour une expérience risquée de voyage dans le temps : être projeté, le temps d’une minute, dans son propre passé. Ridder accepte sans enthousiasme, et le souvenir de ses amours perdues fait dérailler la machine. C’est sa propre existence que Ridder est alors forcé de reparcourir dans le désordre, en un vertigineux éclatement temporel, nous donnant à voir, disséquée, la relation amoureuse l’ayant mené au bord du gouffre.

Une fois passé l’incipit, traditionnel du récit de SF – savants fous & machines étranges (la citrouille à voyager dans le passé fut designé par le bédéaste Mézières) – le film travaille une fois de plus sur le montage, sans doute le plus leste et le plus incohérent de la filmo d’Alain. 160 instants de vie, comme autant de samples ou de carreaux dans la mosaïque, explorés, mis en rapport, répétés, revécus. De temps en temps, Ridder, spectateur comme nous de ce défilement, tente, en vain, de prendre contact avec les hommes en blanc dans la présent. La prison de sa vie, de son film, est inviolable. Les fragments de sa vie amoureuse rejouent une situation en perpétuelle détérioration. Et, nous le savons aussi bien que lui, la seule issue est la rupture, le désespoir et la mort.

Sternberg, proche du mouvement Panique d’Arrabal, Topor et Jodorowsky, est connu pour ses récits ultra courts (des nouvelles de deux phrases) et ses anthologies (les Chefs d’oeuvres… des éditions Planète) : Je t’aime, je t’aime est à son image. C’est un des dons de Resnais que de parvenir à s’approprier sans l’ombre d’un doute les récits des autres et de laisser, dans le même temps, leurs voix clairement audibles. Il y a aussi, dans ce film plus que dans beaucoup d’autres, une réelle angoisse dickienne, un constat terrible sur le réel et sur ses variations : si vivre est devenu insupportable à Ridder, re-vivre offre à la fois une expérience libératrice et un cauchemar plus profond encore que l’indéterminisme de son existence passée. Un film stupéfiant à bien des égards, et un chef-d’oeuvre du ciné de SF sans l’ombre d’un doute.

 

Providence (1977)

Dans l’oeuvre pas exactement middle of the road de Resnais, Providence fait figure d’OVNI. Juste avant, il avait fait Stavisky, son grand biopic historique porté par Belmondo en majesté, avec costumes, palaces, vieilles voitures rutilantes et, au final, un terrible flop de box office. Après il y aura Mon oncle d’Amérique, un de ses récits les plus malins et accessibles, illustration fictive des travaux comportementaux de Laborit. Entre ces deux balises, Providence fait figure de vilain petit canard, plus lâche et lâché, déglingué, stupéfiant dans tous les sens du terme. Tourné en anglais et en hommage à une certaine culture anglo-saxonne, du gothique d’Ann Radcliffe aux horreurs pnakotiques de Lovecraft, le film revient sur les obsessions de son réal : l’intime, la mort, la création. Sa forme, une fois de plus, permet l’intrication et la mise en perspective de multiples niveaux de récits.

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D’un côté nous avons un vieil écrivain alcoolique qui délire au lit, dans son manoir décrépi de Nouvelle-Angleterre. Mourant d’un cancer du rectum, il revient sur son existence, qu’il détricote à coups de rires tragiques et d’aphorismes beckettiens. De l’autre, nous suivons les mésaventures de son fils et de sa belle-fille, couple bourgeois en pleine déliquescence : un avocat gominé et une housewife brushée qui fantasme un adultère prolétaire. Le spectre du mourant plane déjà sur le ménage. Bientôt on verra passer des loups-garous, un footballeur qui dribble jusque dans les chambres nuptiales, un repris de justice en cavale, un stade façon Vel d’Hiv’ où des réfugiés avancent en processions. A coups d’aller-retour entre le monde du père et celui de son fils, Resnais met en mouvement une ronde de laquelle il se révèle impossible de sortir, un trip alambiqué où l’on peine à déterminer qui rêve qui. La fin, très belle, arcadienne, vient stopper net ce carrousel infernal, entre réel et fantasme, aussi risible qu’inquiétant.

Providence renoue avec le fantastique insaisissable de Marienbad, mais en mille fois plus charnel. L’esthétique de la froideur, de l’élégance maniérée, désincarnée, cède ici la place à une mise en scène des corps dans tous leurs états : métamorphose animale du loup-garou, dissection du cadavre, désirs des bas morceaux, vieillissement des tissus, décadence de la cellule malade. Ce sont les décors qui deviennent faux, toiles peintes représentant des océans en deux dimensions que les personnages font semblant de croire vrais. Providence est difficile à décrire : c’est un récit sensuel avant d’être intellectuel, le contrepoint d’une image qui continue de coller à la peau de Resnais. Le film travaille à l’endroit précis où l’auteur veut nous amener : là où les impressions court-circuitent la pensée, où seule demeure la griserie du ressentir.

L’immense force de Resnais est la création d’un sentiment d’empathie entre son oeuvre et ses spectateurs : plus souvent qu’à leur tour, ses histoires sonnent vraies, non pas par leur respect d’un réalisme objectif, mais par leur travail sur les émotions, les pensées cachées. A sa brillante façon de poète bricoleur, il parvient au même endroit que certains récits méthodiques de Bergman : au plus intime de la vie. (C’est beau, on dirait du Paulo Coelho).

 

L’Amour à mort (1984)

Azéma, Arditi, Dussolier, Ardant : l’actuelle tribu de Resnais est déjà constituée au début des années 80. Dans l’Amour à mort il n’y a qu’eux. Et un village perdu dans le massif central. Et l’hiver. Après le fort baroque La Vie est un roman, sur l’affiche duquel Bilal dessina à petits traits la foule de ses acteurs, le Resnais Nouveau s’avance derrière une couverture intégralement noire. Pour la première fois depuis longtemps le récit est linéaire, lisible, parfaitement univoque. Il avance dans un seul sens. Il nous parle de destinée.

Le truc – car il y en a un – c’est que L’Amour à mort est plein de trous. A plus de cinquante reprises, le film est interrompu par des écrans aveugles, où tombent à peine quelques flocons, pages noires qui s’étirent, donnant à entendre la musique de Hans Werner Henze. Expérience de cinéma sans image, ces laps de la narration sont autant d’invitations pour le spectateur à la méditation, au recueillement. Car le sujet est grave, complexe et choquant.

Arditi meurt d’une crise cardiaque. C’est sa jeune épouse, jouée par Azéma, qui le découvre là où il est tombé, au bas des escaliers. Quelques instants plus tard, Arditi est de retour à la vie. Postulat fantastique pour un drame terrible d’épure : l’aller-retour chez les morts a tout changé de leurs relations. Nos héros ont un couple d’amis, pasteurs tous les deux, avec lesquels ils discutent passion et sacrifice, vie, suicide. La tension initiale va enfler très lentement, durcir, crever. L’Amour à mort propose une tragédie paisible, raisonnable et fascinante.

Le procédé musical, déstabilisant au début, prend peu à peu sa pleine fonction. Il s’agit moins de rythmer le récit que de le laisser reposer, de faire cheminer les pensées du spectateur. Composée spécialement pour le film, liée à chaque scène, la pièce musicale dialogue avec les images, complétant de façon abstraite l’indicible de ce récit. En contraste, le jeu d’acteur est d’un réalisme déchirant, incarnant le drame en train de se jouer.

Le choix de ce film pour ma sélection fantastique est moins lié à son caractère proprement surnaturel – la presque mort du héros est plus une anomalie dans le réel qu’une véritable transgression – qu’à l’impression persistante de regarder un film hanté. La mort est partout présente, dans la photo même, dans la sobriété de la mise en scène, dans les terribles ténèbres des interruptions. Cette histoire prend place dans une antichambre de la vie, un parloir entre deux mondes, un lieu d’anesthésie des sens dont il sera à nouveau question dans On connaît la chanson – dans lequel nage les lentes méduses du rêve.

Regarder L’Amour à mort est une expérience de cinéma assez déstabilisante. Par la suite, ce film épuré se révèle étonnamment corrosif et difficile à oublier. D’un abord mineur dans la filmo de Resnais, je ne suis pas loin de penser que c’est un de ses tout meilleurs. A voir.

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Etre complet sur le sujet du fantastique chez Resnais reviendrait en fait à parler de chacun de ses films, tour à tour. Non que l’argument y soit toujours lié au genre (même si certains le sont), mais la façon qu’il a d’aborder le réel est toujours biaisée, tirant systématiquement vers une forme d’onirisme qui lui est propre.

Des oeuvres comme Muriel ou La Guerre est finie, dans lesquelles l’aspect documentaire et historique sont au coeur de la narration, restent brouillées par cette vision oblique ambiguë qu’il donne du monde. Même quand il traite des Espagnols en exil, de la Guerre d’Algérie, Alain fait toujours son Resnais : son montage éclate, les significations divergent, la folie rode. C’est sans doute que, comme tous les gens raisonnables, il a compris que le réel est d’essence fantastique. Que rien de ce qui a vraiment de l’importance ne peut être saisi par l’approche naturaliste.

« (…) quelle théorie de cerveau mal famé, quel miteux et étroit système ! Vouloir se confiner dans les buanderies de la chair, rejeter le supernaturel, dénier le rêve, ne pas même comprendre que la curiosité de l’art commence là où les sens cessent de servir ! »

(Joris Karl Huysmans, Là-bas)

PS : deux eurocents sur Desplechin

Quitte à pousser le bouchon un peu loin, rappelons l’inspiration resnaisque d’Arnaud Desplechin, totalement non-estampillé dans le genre et qui pourtant s’inspire de gimmicks du fantastique. Si son background en ferait plutôt un arty intello – FEMIS, Amalric et personnages déclamant du Baudelaire à la première occasion – la tentation du roman de gare, du thriller et du conte horrifique continuent de le poursuivre.

Selon ses propres dires, son premier moyen métrage, La Vie des morts était un western fantastique. Pour qui sait voir, on y devine effectivement, sous des dessous de plongée documentaire dans une veillée funèbre, l’histoire d’une jeune femme accouchant de la mort de son frère… De loin en loin, de tels schémas reviennent, permettant des lectures fantastiques de la plupart de ses films. La Sentinelle tourne autour d’une tête coupée qui apparaît magiquement dans une valise ; le fantôme d’un singe hante Comment je me suis disputé. Dans Rois et reines, c’est le père qui revient d’entre les morts pour maudire les vivants. Léo en jouant « Dans la compagnie des hommes » conte la tragédie d’un double assassinat, la deuxième victime étant le réel, la partie documentaire du film explosée par la puissance d’un drame fictif…

Desplechin, comme Resnais, fait sa propre cuisine avec le monde, utilisant le fantastique comme outil poétique et biais d’appréhension d’un réel subjectif. Paradoxalement, ils me semblent plus dans le genre que quelques auteurs estampillés – Alexandre Aja est le premier à me venir à l’esprit, mais il y en a quelques kilos d’autres – pour qui le fantastique est ressort narratif et rayon de vidéoclub avant d’être une façon spécifique de donner à voir le monde.

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