Compte-rendu du FEST Festival

Anciennement hébergé à Puteaux, le festival a déménagé au cinéma La Clef à Paris. Toujours organisée par Franck Villette (dont j’envie la barbe), la manifestation permet de prendre la température, de dégager quelques tendances autour de la production indépendante de courts-métrages. Au programme cette année : interrogation sur le cinéma et violences sociales, deux thèmes abordés par plusieurs films.

Big Brother de Pierre Folliot aborde la célébrité de “monsieur tout le monde” rendue possible par Internet (youtube, ses youtoubeurs et ses nombres de vues). Un vigile adepte des caméras de surveillance quitte son travail et installe dans son appartement des dizaines de caméras pour flatter le voyeurisme des internautes.

Avec la télé-réalité, on a vu qu’on pouvait aller assez loin en terme d’exploitation du voyeurisme. Après, personne n’est vraiment dupe et même si on sait c’est que c’est mauvais et immoral, la transgression attire tout de même le public. A mon sens, le film enfonce donc une porte ouverte. La seule originalité est l’extrapolation vers la violence extrême mais qui paraît peu crédible en regard de la motivation profonde du personnage : il veut faire son propre film !

Abymée de Lionel Kaplan est un méta-méta-méta film en forme de réflexion sur le cinéma (forcément). Bel exercice de style au niveau du montage, belle idée que de voir cette héroïne enfermée dans son propre film mais du coup, on ne sait plus trop quoi penser du personnage principal qui n’est “vrai” peut-être que dans les dernières secondes, ce qui laisse au final une mécanique amusante mais froide.

 

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Le hérisson de verre de Jean-Sébastien Bernard est aussi un exercice de style : un seul personnage, un lieu unique, un moment. Le début est très intrigant : une jeune femme se réveille dans un champ de coquelicots. Elle ne sait pas trop où elle est et sa première réaction est de manger une fleur ! Elle découvre alors un bout de verre enfoncé dans son dos. Le concept m’a fait beaucoup (trop) penser à la scène de l’accident dans Sailor et Lula de David Lynch. Le film insiste longuement sur ses effets de maquillage, même après que l’on a compris ce qui se passait. Dommage car le début bucolique et d’une esthétique presque érotique étaient prometteurs.

Pandémie de Mathieu Naert prend le Nord et le chômage comme sujets. Un ouvrier se fait virer. Dans son dos pousse une pancarte qui évolue jour après jour. Au début, il y a le mot “chômeur” qui s’inscrit sur le panneau. Partout où il va, il ne peut se séparer de cet appendice. Le concept est à la fois drôle et évidemment triste. La pandémie du titre indique que le chômage constitue une maladie, contagieuse, qui se propage lentement mais sûrement. La mise en scène est efficace, le personnage est très bien interprété par Christophe Kourotchkine, et l’idée du chômage représentée comme protubérance cronenbergienne est géniale. Mais il manque un petit quelque chose. L’histoire ne fait que constater un état de fait et propose une fin à moitié ouverte, pas très cohérente ou alors que je n’ai pas saisie.

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Mona d’Alexis Barbosa. Un couple reçoit une robote servante à l’essai. Mais bientôt l’épouse ressent de la jalousie envers la nouvelle arrivée. Il est extrêmement dommage que Mona subisse la concurrence de la série Real Human, diffusée sur Arte. Certes, Mona a été fait avant la série, mais c’est trop tard, on ne peut s’empêcher d’y penser. D’autant que les deux oeuvres partagent presque le même aspect visuel, notamment dans les décors, ici une sorte du modernisme épuré datant des années 80 (moumoutte et néons disco autour du lit conjugal). Mathilde Martinage interprète la robote et elle était présente à la soirée. Malgré ce qu’elle a dit (le costume et le maquillage font tout), elle a tout de même bien assuré pour rendre son personnage à la fois sympathique et inquiétant. Le court-métrage a reçu le prix “coup de coeur” du festival.

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de gauche à droite : Franck Villette, Antoine Raimbault, Nina Mélo, Cédric Prévost, Grégory Givernaud

Vos violences d’Antoine Raimbault est assurément la petite bombe de ce festival et pourtant c’est probablement celui a appartient le moins au “genre” (fantastique, horreur). Un avocat et sa fille sont victimes d’un vol à la portière. Conséquence malheureuse : l’adolescente est hospitalisée. La police ratisse le quartier et interpelle une fille suspecte. Ils proposent à l’avocat de discuter avec elle pour voir si c’est elle la coupable. L’avocat se prend alors d’affection pour cette jeune paumée maltraitée par la police.

L’histoire est traitée avec beaucoup de réalisme, qui est dû à l’interprétation sans faille de la jeune Nina Mélo, mélange de candeur et de violence animale. L’objectif du film est de nous démontrer que la justice n’est pas tant une question de vérité que de doutes. On nous donne des indices aussi bien “pour” que “contre” la culpabilité de la jeune délinquante, ce qui met le spectateur dans une situation bien embarrassante. Le film a reçu le prix du scénario.

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Skin de Cédric Prévost. Un type bizarre agresse une jeune femme noire dans le métro. Elle découvre alors peu à peu quel lien les unit. Tout fonctionne presque comme sur des roulettes dans ce film, à commencer par la superbe mise en scène qui magnifie le métro, qui paraît presque un peu trop beau face à la réalité. Mais c’était là le concept, faire une sorte de fable à partir d’un fait divers. Il y a aussi une très grande intensité entre les deux acteurs qui parviennent à nous émouvoir alors que le point de départ était une agression avec des personnages très manichéens. Dommage que le deux ex machina soit un peu forcé car l’histoire derrière l’histoire est un peu alambiquée. Chapeau à Grégory Givernaud et sa tronche de psychopathe qui donne à ce film une atmosphère proche du fantastique. Présent à la soirée, on a été un peu rassuré, car il a l’air bien plus sympathique en vrai.

La momie de Lewis Eizykman présente une momie qui remplace l’habituel mime sur les places des villes. Une voix-off raconte le passé de celui qui a fait sien cet étrange métier. Evidemment il y a un retournement de situation à la fin. La mise en scène n’est pas très séduisante car elle est constituée d’un travelling avant ou arrière sur la momie qui, donc, ne bouge pas. C’est donc statique, en noir et blanc et l’on a du mal à éprouver une quelconque empathie, d’autant que l’on se sait quelque part manipuler. Restent la voix-off hypnotique et cette lumière très étrange, gothique, qui parcourt l’ensemble des saisons.

Hotel de Jose-Luis Aleman est semble-t-il le seul court-métrage étranger. Dans le désert, un homme blessé trouve un hôtel construit tout en carton. Malgré l’aspect bizarre de la demeure, il entre et trouve là un immense festin. Après avoir tout englouti, il se sent mal, très mal.

L’intérêt du court réside dans ses décors, l’hôtel en carton est rudement bien construit et surtout dans sa chute à la fois rigolote et terrifiante, que je ne dévoilerais pas ici. C’est le Grand Prix du Jury.

On/Off de Thierry Lorenzi. Une femme travaille sur une station orbitale. Soudain, elle a des visions étranges. Une nouvelle fois, dommage que Gravity soit passé par là puisqu’il partage avec ce court de nombreux points communs : l’espace, la station, la jeune femme (dont le visage évoque celui de Sandra Bullock), la destruction et surtout le design sonore. C’est très gênant même si le film s’éloigne de celui de Cuaron sur la fin en flirtant avec la SF (la vraie car Gravity n’est pas tout à fait un film de SF). Techniquement, le film n’a pas à avoir honte mais voilà, on se demande tout de même à quoi bon.

Concernant la soirée, on a pu voir pas mal de réalisateurs et acteurs de différents courts-métrages et le jury constitué de Yann Danh, Fabien Oliva et Karim Berrouka.Cela a permis au public d’échanger avec les personnalités et de soulever parfois quelques débats. Un comédien vénère a d’ailleurs quelque peu perturbé la soirée car il n’était pas du tout content que l’avocat médiatisé Eric Dupond-Moretti soit dans le film Vos violences. “Un avocat pour jouer un avocat ? Et pourquoi pas un garagiste pour jouer un garagiste et une pute pour jouer une pute ?”. Malgré la violence du propos, la question est légitime et le monsieur semblait vouloir dire qu’être acteur est un métier à part entière et que la plupart des intermittents était en galère. Antoine Raimbault, le réalisateur du film, a clairement répondu que ce choix était pour lui le point de départ de son projet, l’inspiration principale pour le scénario et qu’il avait envie de faire tourner cette personne en particulier.

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