It follows, de David Robert Mitchell

Véritable bête de festival encensée un peu partout, It follows débarque en France. Auréolé d’une flatteuse réputation de film d’épouvante indé, le film serait un croisement improbable entre l’univers d’un Gus Van Sant et le cinéma plus viscéral de John Carpenter. Comme ça sur le papier, la greffe pourrait prendre. On se met à rêver d’un film mutant alliant des expérimentations visuelles novatrices à un sens de la terreur absolu.

Un long travelling panoramique circulaire ouvre le film. Il s’agit là d’un véritable morceau de bravoure distillant une angoisse diffuse, un mystère sur la nature profonde du mal, qui tranche avec les films d’horreur explicatifs, surlignant chaque effet.

Le sujet n’est pas d’une originalité folle: après une expérience sexuelle avec son nouveau petit ami, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions, et  l’impression que quelqu’un ou quelque chose la suit. Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper…

Il y a quelque chose de terriblement puritain dans la conduite du récit qui laisse à penser que l’acte sexuel est étroitement lié au mal.  Soit on se débarrasse du mal en le refilant à un autre, soit on l’attrape comme un virus. Dans les deux cas, l’idéologie reste douteuse. Après, si l’on s’en tient aux conventions du genre, ce n’est pas le premier ni le dernier film d’horreur à délivrer un message conservateur. Ni à abuser d’une métaphore bien lourde pour évoquer le sida.

Plus intéressant, on sent en filigrane une ambition de montrer une jeunesse lasse, désœuvrée, pas vraiment perdue, mais étrangement atone, plongée dans un ennui sans issu. L’environnement pavillonnaire est marqué par l’absence des adultes. Le problème du film est que son réalisateur veut nous faire peur et de ce point de vue, c’est raté. Si la mise en scène est parfois impressionnante avec la qualité des cadrages et de la lumière, avec cette capacité à instaurer une ambiance pesante, accentuée par une superbe musique électro, David Robert Mitchell a tendance à se regarder filmer, à se complaire dans des tours de force techniques parfois vide de sens. Ainsi zooms alanguis, ralentis, plans fixes insistants et longs travelling sont censés suggérer l’angoisse. Mais ça ne fonctionne pas. Là où un Kyochi Kurosawa parvient en un plan et grâce à des dispositifs aussi simples et ingénieux, à foutre les chocottes, Mitchell ne suscite que lassitude et énervement. Le film se délite progressivement après avoir impressionné dans ses dix premières minutes. La faute en revient à un scénario surfait et parfois carrément incohérent et tiré par les cheveux (je ne dis pas ça au hasard, comprenne qui verra). La séquence de la piscine enfonce même le film dans les arcanes de la série B la plus cheap et il est tout de même étonnant que la critique soit tombée dans le panneau avec un tel manque de discernement.

David Robert Mitchell a du talent, il n’y aucun doute. Mais il ne sait pas quoi en faire. Les apparitions diverses de l’entité, prenant à chaque fois une forme différente, ne parviennent que très rarement à inquiéter. Et le film frôle même le ridicule à plusieurs reprises. En ayant le cul entre deux chaises, en refusant de prendre le genre à bras le corps et en l’enrobant d’un discours pseudo-intellectuel, le réalisateur rate se cible et livre un film, formellement brillant, mais désagréable et ennuyeux.

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