The visit, de M. Night Shyamalan

Shyamalan revient de loin, par la petite lucarne. Le plaisir de retrouver enfin son cinéma dans une production presque fauchée (4 millions de dollars, une misère pour lui) fait office d’une cure de jouvence. En revenant à ses premiers amours, le cinéma indépendant, le réalisateur de Signes refait surface et nous rassure un peu après ses échecs commerciaux et artistiques de ses deux derniers films, les catastrophiques Dernier maître de l’air et surtout l’horrible After earth.

La crainte initiale d’assister à une énième arnaque filmée en found footage est vite déjouée par un script malin et tordu allié à un humour méchant et un mauvais esprit dévastateur que l’on ne soupçonnait pas chez Shyamalan qui a parfois tendance à avoir les chevilles qui enflent avec ses récits pseudo-métaphysiques. Hors, The visit raconte l’histoire édifiante de deux gamins envoyés par leur mère chez leurs grands parents pendant une semaine. Le problème, c’est qu’ils ne les ont jamais vus pour la simple raison que leur maman s’est fâchée avec eux il y a plus de quinze ans.

Avec l’aide précieuse de son frère, la plus âgée, Becca, une apprentie cinéaste, décide de filmer ce séjour dans la ferme isolée située en Pennsylvanie. Séjour qui prendra une tournure particulière quand ils s’apercevront que le comportement étrange des grands-parents n’est peut-être pas simplement imputable à leur sénilité. Le concept visiteurs/visités est à mettre en parallèle avec celui de filmeurs/filmés dans ce petit film théorique, ludique et retors qui interroge le mécanisme de la création et le plaisir d’inventer une histoire au jour le jour avant que celle-ci ne prenne forme sous des dehors forts inquiétants.

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Shyamalan ne raconte rien d’autre que le processus de réalisation d’un film d’une manière très inattendue, loin de l’académisme hollywoodien. Bien sûr, le principe du found footage a ses limites, même s’il est utilisé judicieusement. Il permet de justifier la pauvreté de la mise en scène, accentuée par un filmage risible proche de l’amateurisme. Esthètes sensibles à la belle lumière et aux cadrages chiadés, vous allez souffrir. Visuellement, The visit pique les yeux mais en même temps il demeure cohérent 80 % du temps. Comme toujours dans ce type d’exercice de style, on relève toujours des incohérences flagrantes en étant attentif. A deux trois reprises on se demande qui filme et aussi comment la pauvre gosse arrive-t-elle encore à filmer. Bref, les éternels écueils, présents depuis Le projet Blair Witch, ne sont toujours pas résolus.

Si on fait l’impasse sur ces défauts, rédhibitoires pour certains, The visit demeure une épatante comédie horrifique, réellement drôle et parfois terrifiante, ne sombrant jamais dans la parodie. Le portrait au vitriol de vieux séniles, incontinents, atteints d’Alzheimer et passablement siphonnés est particulièrement jouissif et incorrect, ce qui surprend de la part d’un moraliste humaniste comme Shyamalan. Bien sur, via un twist un peu téléphoné, il ne va pas jusqu’au bout de son propos puisque la révélation atténue l’impertinence de ce joyeux jeu de massacre familial.

Certaines séquences particulièrement osées et triviales, comme la scène où le jeune garçon reçoit une couche pleine de merde dans la tronche alors qu’il est maniaque de la propreté, est un grand moment de cinéma déviant. Bourré de défauts, plombé par une conclusion sentimentale inutile, The visit n’en est pas moins une série B intéressante et divertissante qui remet en selle un cinéaste que l’on croyait définitivement perdu.

(USA-2015) de M Night Shyamalan avec Olivia DeJonge, Ed Oxenbould, Deanna Dunagan , Peter McRobbie

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