Feffs 2016 : la nuit excentrique

Depuis 2015, un partenariat a été mis en place avec la Cinémathèque Française pour la dernière soirée du FEFFS : la nuit excentrique. Celle-ci est délocalisée à Strasbourg et sa présentation est assurée par l’inévitable Jean-François Rauger (croisé lors de plusieurs séances nocturnes cette année au FEFFS et animateur de la master class d’Argento).

Un copieux programme pour cette soirée (qui s’est terminée à 6 h 50 le lendemain) attendait les amateurs de cinéma bis. Les 3 films proposés étaient : Virus cannibale de Bruno Mattei (1980), Yor le chasseur du futur d’Antonio Margheriti (1982), et un final en apothéose : Mars men ou Les hommes d’une autre planète de Cheng Hun Ming (1976).

Avant quelques mots sur ces nanars de légende, ce fut une belle mise en bouche avec des bandes-annonces choisies dans les archives de la Cinémathèque Française. Une première salve avec une pépite : J’irai verser du nuoc-mam sur tes tripes (1971). Il s’agit d’un film de kung fu avec un titre français borderline comme d’autres à l’époque (2 exemples furent proposés l’année dernière : Il faut battre le Chinois pendant qu’il est encore chaud et Au karaté takarataké). Le film raconte une histoire de vengance qui est dissimulée derrière une version française d’anthologie. Autre perle : Les nouveaux barbares d’Enzo G. Castellari (1982). C’est un sous Mad Max II (sorti l’année précédente) italien fauché (les constructeurs automobiles français de l’époque ont certainement dû fournir leurs prototypes à Castellari). Au programme : des ralentis, Castellari oblige : des stars du bis (Fred Williamson, George Eastman), de la VF. Bref une bonne tranche de rigolade. Transition toute faite avec le premier film, Virus cannibale ou Hell of the living dead.

virus-cannibale

Beaucoup ont connu Ed Wood, considéré comme le plus mauvais réalisateur du monde,  avec la biographie de Tim Burton sortie en 1994. Ces personnes n’ont probablement jamais vu un film de Bruno Mattei. Sous-Zombie de Romero (il a repris le thème principal de la musique du film), ce film présenté dans sa VF est un nanar incroyable. L’histoire : un accident a lieu dans une centrale nucléaire en Papouasie Nouvelle-Guinée (???) et fait revenir des morts à la vie. Une journaliste et son caméraman se rendent sur place avec quatre soldats d’élite pour savoir ce qui se passe (difficile de trouver des transitions scénaristiques entre les différentes parties du film).

La mise en scène, le montage et le scénario sont hors concours dans ce film. Dans la centrale nucléaire (une usine), des scientifiques (des hommes habillés en blouse blanche) mettent en route un programme et vérifient des choses : le plan sur un curseur sera réutilisé plusieurs fois en quelques minutes. Les membres du “GIGN” qui interviennent au début du film ne sont que quatre et Mattei décide d’en filmer deux qui ont l’air bien seul dans un couloir avant d’arriver au bâtiment où sont les terroristes. La journaliste décide d’aller dans le village papou … en topless, seule solution possible selon elle (merci pour le plan “nichons”, Bruno). Le village dans lequel se retrouvent les six protagonistes ressemble beaucoup à un village de vacances type Club Med. Une scène d’anthologie : un des membres du “GIGN”  décide de s’habiller en tutu vert  en chantant Singin’ in the rain  (Qui a eu l’idée ? Pourquoi ?) et se fera dévorer bêtement par de faux zombies. Des stockshots à gogo sont utilisés durant tout le film, histoire de faire passer les environs de Rome et de Barcelone pour la Papouasie / Nouvelle-Guinée. Bref : délirant et jouissif (évidemment c’est en VF). Un nanar certes mais quelques scènes gore sont plutôt bien faites (mais pas la dernière en tout cas).

Les deux autres salves de bandes-annonces furent moins intéressantes cette année par rapport à l’année dernière. Deux films à retenir : Spermula et Portés disparus 3. Le premier est un film de science-fiction érotique. La bande-annonce insiste surtout sur le deuxième aspect : sans images et avec une voix sensuelle. Le film serait avec Udo Kier, à creuser donc. Pour Portés disparus 3, c’est du lourd voire du très lourd puisque Chuck Norris va essayer de retrouver sa femme et son fils au Vietnam; et ça va barder. De nombreuses explosions, des mâchoires cassées et de coups donnés par le colonel Braddock en à peine 2 minutes.

Place à la SF et à Rahan pour le deuxième opus de la soirée. Yor le chasseur du futur est le film qui semble le plus intrigant : il a surfé sur la vague de Star Wars et de celle de La guerre du feu dont l’adaptation cinématographique est sortie en 1981. Cela devait être un succès pour les producteurs et les personnes qui avaient investi de l’argent dans cette œuvre : il reste 20 copies à la Cinémathèque Française, la chanson Yor’s world a été composée par Guide et Maurizio De Angelis, une affiche  a été dessinée par Druillet et le film devait être décliné en série. Et surprise, le film sort durant l’été 1983 et fait un flop en France (il a son petit succès au niveau international).

yor

Un nanar, ce Yor ? Incontestable. Les premières scènes où le héros joué par Reb Brown (Hurlements 2, RoboWar…) court à travers des paysages de Cappadoce mal mis en valeur vont très vite confirmer ces impressions : la blondeur de la perruque de l’acteur empêche le spectateur de se concentrer, son combat avec un premier dinosaure mécanique (ce trucage est décevant pour un réalisateur spécialisés dans les effets en tout genre et notamment les maquettes), les combats entre le clan qui accueille Yor face au clan ennemi (des hommes–rats ? très poilus en tout cas), la relation précipitée entre Yor et la belle Corinne Cléry (les amateurs de Moonraker apprécieront)…Bref, cette première partie est drôle mais la seconde partie qui lorgne sur Star Wars mêlé d’un discours sur l’environnement est tout aussi ridicule. Yor affronte les androïdes du méchant Overlord et va découvrir ses origines. Beaucoup d’absurdités encore : un homme de Cro-Magnon sait utiliser des ordinateurs et des lasers, des blablas sur les origines de Yor qui ne tiennent pas la route, des scènes qui ont eu lieu dans un phare ou dans une usine (et ça se voit trop) et qui influencent le montage, des costumes en plastique…Un beau gloubiboulga, toujours en VF évidemment.

Cependant, le film dans son ensemble possède un certain charme par sa volonté de renouveler un cinéma de genre européen à l’agonie. Et sa réalisation (on voit que le film avait un budget conséquent malgré les 1001 défauts visibles) reste très correcte. Plus qu’un nanar, ce serait plutôt un film kitsch assumé.

Le dernier la soirée est encore au-dessus du niveau des deux autres !

Nanar ultime, Mars men est un OFNI taïwanais et une expérience à vivre dans un cinéma tant cela reste unique (pas sûr qu’on rigole devant son DVD – le film est ressorti chez Bach Films en 2014). Le film se compose de deux parties : une première de type classique où les personnages principaux (un petit garçon et son grand-père, des scientifiques) comprennent que des monstres menacent la Terre et que celle-ci (enfin des maquettes) va être en partie détruite. Une deuxième partie où l’on voit des monstres géants (des comédiens dans des déguisements en plastique) s’affronter afin de définir si la Terre sera détruite ou non. On y trouve aussi : des méchants, le chef avec sa perruque rousse (pourquoi ce choix ?) et son premier ministre face à la statue du temple (divinité thaïlandaise trouvée par le petit garçon au début du film) et Astronaute (robot envoyé par les USA).

mars-men

On a d’abord droit à un nanar classique : une VF improbable, peu de moyens, des décors scientifiques pas crédibles, un réalisateur qui s’attarde sur le talon d’une chaussure qui se détache pendant qu’une ville est détruite ( ???), des dialogues sans intérêt. Puis, la suite dépasse tout raisonnement : elle se résume à un combat entre les géants monstres gentils d’un côté, et les méchants de l’autre. Les souvenirs de X-Or reviennent par vague. Ces combats sont longs, ponctués de discours improbables des monstres. La mise en scène ne s’occupe pas de la crédibilité du scénario : des comédiens grimés en costume de polystyrène se battent pendant 45 minutes avec une bande son qui a fait perdre 40 % des capacités auditives à la salle. Drôle mais éprouvant. Un détail peu abordé : le réalisateur s’est permis d’utiliser le début du morceau de Dark Side of the Moon, une bonne dizaine de fois sans vraiment que cela soit justifié.

Le public est éreinté par ces 7 heures de nanars et chacun rentre chez soi avec en tête la bande-son de Mars men (impossible de faire autrement).

L’année prochaine, ce sera la dixième édition du FEFFS et pour marquer le coup, la nuit excentrique (qui a remplacé la nuit nanar) risque d’être encore plus folle.

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