Un regard sur la Russie d’aujourd’hui : Pussy Riot & Voïna

Sortis dans un coffret DVD en septembre 2016 chez Dissidenz Films, deux films présentent un état critique de la démocratie en Russie : Pussy Riot et Voïna.

Pussy Riot : une prière punk de Mike Lerner et Maxim Pozdorovkin est sorti en 2013. Production de HBO, le film retrace le parcours des Pussy Riot et semble le plus convaincant des 2 opus du coffret DVD.

L’événement central est l’arrestation des Pussy Riot dans la cathédrale du Christ-Sauveur en février 2012.  Elles ont eu l’occasion pendant 20 secondes de chanter une chanson anticléricale et antigouvernementale. La guitariste n’a pu eu le temps de jouer une seule note. Cet incident aurait été l’une des nombreuses pochades politiques (avec « Embrasse une policière » et des concerts spontanés dans des lieux publics qui posent problème au pouvoir en place) si Vladimir Poutine en personne n’avait pas pris contact avec le grand pope de Moscou pour mettre un terme aux créations de ce collectif artistique.

Ce groupe activiste de punk féministe est constitué de trois membres principaux : Maria Alekhina, Ekaterina Samoutsevitch et Nadja Tolokonnikova (auteure du livre Désirs de révolution), Le film explique les actions du groupe avant cet événement de février 2012 et les conséquences de leurs arrestations. Ce documentaire a été primé au festival Sundance en 2013, justifié par les propos du film qui met en avant leur combat, mais aussi par sa réalisation. Le documentaire propose différents types d’images : les performances artistiques prises dans la rue ou sur le toit d’une prison, les interviews des proches des Pussy Riot, le procès. Le montage permet au spectateur de réaliser l’absurdité démocratique dans laquelle se trouve la Russie actuellement, avec une justice corrompue et un Etat policier. Le groupe est né après les élections législatives de 2011 et doit faire face à des arrestations arbitraires organisées par le pouvoir. Ces jeunes femmes sont nées dans les années 1980 dans des familles de la classe moyenne et ont reçu une éducation où la liberté de réflexion et le regard critique ont eu un rôle important. Cet acte anticlérical est à mettre en écho avec le film Le disciple de Kirill Serebrennikov, sorti cette année.

Pussy Riot est un collectif artistique très proche d’un autre groupe artistique décrit dans le deuxième DVD : Voïna. Il fait partie d’une tradition de l’art contestataire présente en Russie depuis les années 1960 (exposition au Manège de Moscou, l’exposition Bulldozer en 1974). Des artistes contestataires sont apparus au cours de années 1990 et 2000 en Russie après l’effondrement de l’URSS, une époque où les censeurs n’osaient plus rien dire : Alexandre Brener et Oleg Koulik notamment. Le groupe Voïna, quant à lui,  a été fondé en 2007 par Oleg Vorotnikov et Natalia Sokol. Oleg Koulik est le père spirituel de Voïna. Le film décrit les activités du collectif : vie quotidienne, actes politiques et contestataires. Le documentaire ne m’a pas vraiment emballé sur le plan de la forme : l’anarchie politique voulue par le groupe est présente dans la réalisation et dans le montage qui sont confus. Le spectateur n’a aucun repère et ne peut savoir si ce qu’il voit est effectivement la vie du collectif. Le film décrit les mêmes problèmes que l’opus précédent mais de manière plus brouillonne. Il est dommage de ne pas avoir inséré des interviews des membres du groupe Voïna pour donner un peu plus de poids ou de perspective  à leurs actions et à leur réflexion.

Le documentaire Voïna se termine avec une blague potache, symbole de leurs propos : le groupe a dessiné une bite géante sur un pont mobile. Évidemment, lorsque le pont se lève, le pénis se dresse et fait un symbolique doigt d’honneur au gouvernement actuel de Poutine. Une farce faite face à une société civile fermée où les citoyens ont peu accès à la parole. Le film ne convainc pas mais les propos politiques de Voïna laissent à réfléchir sur l’état de la démocratie russe et plus globalement de nos démocraties aujourd’hui, à la veille d’élections en Europe de l’Ouest.

Ce coffret est à mettre en miroir avec des articles de journaux, des livres, des émissions sur la Russie actuelle (Le Monde diplomatique, Courrier international, France Culture…) et proposent un début de réflexion sur ce sujet. Les bonus sont excellents et mettent en perspective les propos abordés dans les deux films.

Voïna signifie demain. Au regard de ces deux films, l’avenir de la démocratie russe  semble bien sombre.

 

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